Une histoire allemande

Entrer dans le musée Porsche, c’est voir bien plus que des voitures

Dès le parking souterrain le visiteur a l’impression d’être dans le musée tant les Porsche des visiteurs s’y alignent, modèles et couleurs variés. De l’une d’elle, une 911 GT3 RS verte pomme sortent Christian et Marco, deux frères suisses. « Je suis un amoureux de Porsche depuis toujours et je suis venu ici plusieurs fois. Mon frère Marco ne connaissait pas le musée. Alors je l’ai accompagné » dit-il en souriant, visiblement heureux de revenir.


Porsche
©Porschemuseum

Qui n’a jamais voulu tourner la clé de contact d’une Panamera ou entendre rugir sous son pied une 911 ? Ici dans ce temple monumental de modernité Porsche se vit, se touche. On y croise toutes les générations, petits comme grands et tout type de visiteurs. Ici un prêtre en soutane se renseignant sur Porsche pendant la seconde guerre mondiale. Là un touriste indien se faisant photographier dans la 718 Boxter. Dans le musée, l’histoire de la saga est bien évidemment relatée, de sa fondation par Ferdinand Porsche en 1931 jusqu’à aujourd’hui, mais le visiteur côtoie aussi des modèles qui changent au gré des envies alliant ainsi pédagogie et plaisir.

Ce dernier est comme un enfant. Il peut toucher les carrosseries comme s’il s’agissait de reliques, les pneus des F1, le volant qu’à dû tenir James Dean dans sa 550 ou s’assoir dans les nouveaux modèles. Les enfants se prennent en photo devant la Sally Carrera de Cars. La 911 trône bien évidemment en majesté avec ses modèles de course ou de tourisme et toise un peu sa petite sœur 928 qui suscita tant de controverses avant de rappeler avec les autres membres de la famille, de la mythique 914 S de 1969 à la fière 718 Cayman T 2019 et sa couleur rouge – petit pied de nez à sa rivale italienne – que Porsche c’est en 2023, une histoire faîte de 75 ans de rêves et de passion.

Cette passion, la marque la brandit dans les plus grandes courses du monde, notamment aux 24h du Mans, de la 917 de Steve McQueen barrée du logo orange Gulf en 1971 à la 919 hybride, victorieuse en 2015 avec ses airs de vaisseau spatial en passant bien évidemment par la mythique 962C qui réalisa un doublé en 1986-1987. Pénétrant dans la salle des trophées, le visiteur a le choix, via un écran tactile, de revivre ces grandes courses.

En Formule 1, la McLaren d’Alain Prost est là pour nous rappeler que Porsche en tant que motoriste remporta deux titres de champion du monde avec TAG. D’ailleurs, le visiteur aguerri peut ausculter la mythique mécanique. Chacun y va de son commentaire sur tel cylindre ou sur le système de freins. Ou tout simplement s’imprégner de l’esprit Porsche. « J’ai voulu voir ce musée parce que j’adore les voitures et je préfère les musées spécifiques que les grands musées. Pour m’imprégner du style Porsche » confie Iouri, un réfugié ukrainien qui se prend en photo devant la Carrera GT de 2006.

Car Porsche raconte cela. Cet esprit qu’il a insufflé, dans la course, au cinéma et dans la société occidentale moderne. Au terme d’une balade de plusieurs heures, le temps est venu de redescendre sur et sous terre pour retrouver sa voiture dans le parking souterrain. Et en tournant la clé de contact, le visiteur, encore imprégné d’un rêve qui tarde à se dissiper, s’attend toujours à entendre le moteur d’une 911.

Par Laurent Pfaadt

Pour obtenir toutes les informations sur le musée : https://www.porsche.com/international/aboutporsche/porschemuseum/

A noter que la nouvelle application du musée sera disponible dès
le 9 juin 2023

A lire :

Pour tous ceux qui souhaiteraient se replonger dans l’univers Porsche et découvrir leur modèle favori, on ne saurait trop leur conseiller le livre de Brian Laban Quintessence Porsche (Glénat)

Un Achille brésilien

Un casque jaune barré de vert et de noir. Dans le monde la F1 et au-delà, tout le monde sait qui le portait. Un casque devenu mythique comme le bouclier d’Achille. Ce casque qui, comme son alter ego antique, ne lui servit à rien face à la force du destin qui, il y a 29 ans, s’abattit à Imola, sur lui et sur le talon d’Achille de sa Williams Renault. Ce destin qui le frappa dans le virage du Tamburello de ce 7e tour, alors qu’il était en tête, alors qu’il semblait, comme Achille, invincible.


Ayrton Senna

Reste le mythe forgé dans un airain inoxydable depuis toutes ces années que viendra encore renforcer la minisérie à venir sur Netflix en 2023. Avant cela, livres et BD se sont emparés de ce héros des temps modernes pour raconter la vie de ce prodige trois fois champion du monde qui remporta 41 grands prix et signa 65 pôles position. Ainsi dans leur livre consacré aux champions du monde de Formule 1 (Casa éditions), Daniel Ortelli, Loïc Chenevas-Paule et Jean-François Galeron rappellent que « le souvenir de son talent immense ne s’est pas encore estompé, bien au contraire. »

Avec Alain Prost, il écrivit l’une des plus belles pages de la mythologie automobile, après avoir vaincu un Niki Lauda sur le déclin à Monaco dans cette course d’anthologie où le pilote français obtint une victoire de raison. Avec Senna, il y eut quelque chose de plus qui dépassa le cadre F1 pour affecter même ceux qui ne s’intéressaient pas aux courses, quelque chose qui le fit entrer dans une pop culture résumée par les mots de l’écrivain Éric Genetet : « Senna, c’est la grande classe, il avait dans les mains la magie d’un grand pianiste et dans les yeux la justesse d’un félin ».

Frères ennemis chez McLaren Honda, prêts à rejouer l’Iliade sur l’asphalte du monde, dans ce combat à mort qui anime les hommes depuis la nuit des temps, les deux pilotes se livrèrent une lutte éternellement recommencée. Ils eurent leur Ulysse (Nigel Mansell qui dut attendre 39 années pour revenir en vainqueur dans sa patrie), Enée (Berger, le parfait lieutenant) ou Patrocle (Damon Hill). Deux hommes de chaque côté d’un miroir en rouge et blanc avec pour affrontement ultime Suzuka, terre de samouraïs où Achille, s’étant fait hara-kiri, laissa filer le titre à son ennemi avant de se muer en kamikaze pour, l’année suivante, obtenir une revanche…homérique

Les Homère du 9e art racontèrent cet épisode devenu mythique. Ainsi Christian Papazoglakis, Robert Paquet, Lionel Froissart rappelèrent que le grand guerrier ne fut jamais aussi fort que sous cette pluie tombée du ciel qui vainquit tous ses adversaires et qu’il chevaucha des destriers parfois modestes qu’il transforma en étalons et soumit les plus rétives de ses montures comme la McLaren MP 4/4 pour en faire l’une des plus belles machines de combat.

Vingt alors la tragédie de ce 7e tour du Grand Prix d’Imola en 1994, cette année horribilis pour le sport automobile, une tragédie que le monde entier contempla devant sa télévision « Il faisait beau et le grand prix des dimanches était un rituel. La scène en elle-même n’était très impressionnante parce qu’il y avait des sorties de route assez souvent. Ici, pas d’explosion, juste un tête-à-queue. Donc je crois que je ne me suis pas rendu compte tout de suite que c’était si grave. A cette époque on commençait à passer et repasser en boucles les images, je me souviens d’avoir ressenti une sorte de dégoût de revoir encore et encore les images, de cette société du spectacle que je ne théorisais pas du tout mais que je ressentais de cette façon » se souvient Nelly Mladenov, attachée de presse indépendante qui avait douze ans à l’époque. Septième tour fatidique lorsque Senna, frappé au talon de sa voiture, rejoignit l’Olympe du sport automobile.

« Dois-je au superbe Achille accorder la victoire ? Son téméraire orgueil, que je vais redoubler, croira que je lui cède, et qu’il m’a fait trembler… » lançait Agamemnon dans l’Iphigénie de Racine à propos du célèbre guerrier grec. Les dieux de la F1, eux, n’ont rien cédé, bien au contraire. Ils ont accueilli sur l’Olympe ce héros dont l’aura continue toujours et encore de se répandre sur nous, simples mortels.

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Daniel Ortelli, Loïc Chenevas-Paule, Jean-François Galeron, Les champions du monde de Formule 1, Casa éditions, 176 p.

Christian Papazoglakis, Robert Paquet, Lionel Froissart, Ayrton Senna, Histoires d’un mythe, Coll Plein gaz, Glénat, 2014

A voir :

Ayrton Senna, mini-série (6 épisodes), Netflix, courant 2023

Omar Khairat, Sheikh Zayed Book Award 2023

Le musicien et compositeur égyptien a été désigné personnalité culturelle de l’année 2023 par le principal prix littéraire du monde arabe

Son nom ne vous dit peut-être pas grand-chose et pourtant, de l’autre côté de la Méditerranée, Omar Khairat, 75 ans, est l’un des musiciens et compositeurs les plus célébrés du monde arabe. Du Maroc à Oman, en passant par Tunis ou Abu Dhabi, nombreux sont les habitants de ces pays à se souvenir de ses notes composées pour le film Le Sixième jour (1984) ou la série télévisée Le Jugement de l’Islam plus récemment. C’est également lui qui composa la musique de l’inauguration de l’opéra de Dubaï où il se produisit à nombreuses reprises en compagnie des plus grandes voix de la planète notamment José Carreras en 2016.

Le Sheikh Zayed Book Award vient aujourd’hui récompenser cette personnalité culturelle majeure du monde arabe, succédant notamment à l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, à l’UNESCO, à l’Emir de Dubaï, Son Altesse le Sheikh Mohammed Bin Rashed Al Maktoum ou au Dr Abdullah Al-Ghathami, récompensé l’an passé.

Omar Khairat est né en 1948 au Caire. Après des études au conservatoire de la capitale égyptienne, il débute en tant que batteur du groupe populaire de rock égyptien Les Petits Chats à la fin des années 1960 avant de mettre ses talents de compositeur au service du cinéma et de la télévision.

Les œuvres de Khairat font désormais parties du répertoire de la musique égyptienne contemporaine et mêlent dans une subtile alchimie musique orchestrale et mélodies orientales qu’il a interprété, en tant que pianiste, lors de concerts restés dans toutes les mémoires. « Au Sheikh Zayed Book Award, nous nous engageons à mettre en lumière chaque année d’éminentes personnalités culturelles, artistiques ou créatives, qui ont apporté une contribution remarquable au mouvement culturel qui sera transmise aux générations futures. Nous sommes fiers de témoigner notre reconnaissance à l’une des figures de proue de la musique et de la culture arabes, et le musicien Omar Khairat est certainement l’une de ces figures ; sa musique suscitera toujours du sens et de profondes émotions, portant dans ses notes les marqueurs de notre culture, qu’il a su brillamment mélanger avec d’autres cultures, créant des chefs-d’œuvre intemporels qui resteront gravés dans notre mémoire et dans notre identité » a ainsi déclaré Son Excellence Dr Ali Bin Tamim, secrétaire général du Sheikh Zayed Book Award.

La désignation de ce compositeur qui a su, dans ses œuvres, tracer des ponts musicaux entre l’Orient arabe et l’Occident vient un peu plus conforter la démarche d’une capitale des Emirats Arabes Unis souhaitant apparaître comme l’un des carrefours culturels majeurs de la planète. Après avoir été désigné ville de la musique en 2021 par l’UNESCO et lieu d’un important festival de musique qui essaime dans le monde entier, Abu Dhabi affirme ainsi son soutien à la musique, instrument de rapprochement du monde arabe et des autres cultures, tout en suscitant le développement d’échanges culturels afin de rapprocher sociétés et générations. Ce prix constitue également une nouvelle étape pour la capitale des Émirats arabes unis dans ses efforts visant à mettre en évidence la richesse de la composition arabe et de l’histoire de la musique et à ainsi réitérer son dévouement aux arts et à la culture sous toutes leurs formes.

Par Laurent Pfaadt

La fille préférée

Un livre passionnant raconte l’histoire de la Porsche 911

Trois chiffres résonnant comme un mythe, comme une icône. Modèle phare de la marque, la Porsche 911 est entrée, depuis sa conception en 1963, dans l’imaginaire collectif comme nous le rappelle Serge Bellu dans son livre passionnant. Construit comme un journal séquencé en neuf grandes étapes, ce livre relate la vie de cette gamine indomptable depuis ce salon de Francfort où elle dévoila sa ligne inimitable entretenue depuis au gré de looks et de liftings successifs qui lui valurent de nouveaux soupirants ou, au contraire, des amoureux déçus.


Elle eut plusieurs pères : « Butzi », le petit-fils de Ferdinand Porsche qui façonna son berceau, Anatole Lapine qui fit d’elle une femme ou Michael Mauer qui lui retira sa coque en septembre 1997 avant de lui préférer sa petite sœur Panamera. Mais cette fille a de la ressource, croyez-moi. Elle est farouche, en course surtout quand elle a un Martini dans le ventre ou qu’elle a pour amant, un Gérard Larousse qui se passe de mots pour l’emmener au septième ciel. Farouche aussi quand elle s’affuble d’un Carrera sur ses flancs comme on porterait un T-Shirt moulant Armani et qu’elle file à 240 km/h, ou quand elle libère sa chevelure peroxydée pour la laisser voler au vent au début des années 80.

On a tous notre modèle favori mais il faut bien reconnaître qu’avec sa poitrine opulente (des pare-chocs renforcés pour satisfaire les exigences américaines), un cul d’enfer avec cet aileron, et une facilité à emballer, la 911 Turbo sortie en 1974 fut la plus belle. Notre beauté, cette Claudia Schiffer automobile, n’avait alors que 19 ans et était partie pour conquérir le monde et devenir « la » 911. D’ailleurs, pour se pardonner d’avoir fait tourner tant de têtes, la marque offrit la millionième Porsche, une 911, à la police fédérale allemande.

La quarantaine arrivant, elle se mua en femme fatale avec une poupe affinée et des ailes élargies. La génération 993 devint alors la préférée des Porschistes. Des lunettes jugées trop sages (996) furent vites remplacées par des lentilles de contact qui lui permirent de retrouver son regard de braise.

Très vite la 911 est entrée dans notre imaginaire collectif grâce notamment au cinéma et à la télévision. On ne compte plus les films et les séries télévisées où elle fit son apparition comme une actrice débutante avant de jouer les grands rôles aux côtés des plus grands, Belmondo, Di Caprio ou Tom Cruise dans le dernier Top Gun. Notre Claudia Schiffer devint Marylin Monroe, Mélanie Griffith ou Scarlett Johansson.

Des autographes, elle en a signé surtout chez les maîtres du neuvième art. Ainsi, la 911 fut très vite associée à Ric Hochet, ce célèbre détective créé par André-Paul Duchâteau en 1963, nettement plus séduisant qu’un Derrick qu’elle accompagna jusqu’à la retraite. Dans de nombreux albums, Ric Hochet conduit une 911 jaune, devenue au fil des albums, indissociable du personnage, notamment dans Epitaphe pour Ric Hochet et sa couverture montrant la 911 écrasée contre un arbre, Le Trio maléfique ou La ligne de mort. Fidèle en plus. C’est pour cela qu’on l’aime autant.

Le livre de Serge Bellu raconte tout cela, l’histoire de cette Allemande partie à la conquête du monde. Porschistes de toujours, amoureux de vitrines ou voyeurs de trottoirs, tous se régaleront devant tant de photos, de souvenirs, de détails techniques et de cette histoire inaccessible sans fin qui nous plaît tant.

Par Laurent Pfaadt

Serge Pellu, Anthologie 911, E.P.A.I.

A lire également : Ric Hochet, La ligne de mort, Le Lombard, 1975