Captain America

Première biographie française de Dwight Eisenhower, 34e président des Etats-Unis

Pendant longtemps Dwight Eisenhower a été réduit à son rôle d’homme du jour J et de chef des armées alliées qui libérèrent l’Europe. Son passé demeurait inexistant et l’après seconde guerre mondiale se réduisait à deux mandats flous coincés entre un Harry Truman qui termina une guerre et un JFK qui en évita une autre. Un homme qui après avoir gagné la paix, fit tout pour la maintenir tout en assurant la prospérité de son pays. Autant d’exploits qui méritaient bien d’être soulignés dans cette première biographie française du 34e président des Etats-Unis.


Eisenhower et Khrouchtchev
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La tâche apparaissait ardue tant le dernier président américain né au XIXe siècle demeurait coincé entre deux époques, celles d’avant et après l’émergence des Etats-Unis comme superpuissance, et surtout à 50 ans lorsqu’il libéra le monde du joug nazi. Hélène Harter, professeur des universités en histoire contemporaine de l’Amérique du Nord à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et autrice remarquée d’un Etats-Unis dans la Grande Guerre (Tallandier, 2017) a ainsi parfaitement relevé ce défi. En croisant une variété de sources dont de nombreux témoignages et lettres, elle a parfaitement réussi à construire une biographie permettant de voir l’homme derrière la figure historique. La netteté de son portrait est fascinant et laisse apparaître le destin très américain d’un homme issu d’une famille pauvre ayant vécu dans le Midwest, passionné de football et qui entra à West Point presque sans le vouloir. Un homme pudique, modéré – tout le contraire de son lointain successeur républicain – qui devint auprès du général Douglas MacArthur dont il fut un proche, conseiller du président des Philippines et se passionna très tôt, à l’instar d’un De Gaulle à la même époque, pour l’arme blindée. Un homme qui fut choisi par le destin et non l’inverse.

Bien évidemment, Hélène Harter ne fait pas l’impasse sur son rôle durant la seconde guerre mondiale où il conduisit les Alliés à la victoire finale. L’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, allait ainsi changer son destin. « Pour Dwight Eisenhower commencent quatre années qui vont le voir passer du statut de simple général à celui de chef de guerre » écrit l’historienne. Deux ans plus tard, jour pour jour, il est choisi par Roosevelt pour commander les armées alliées en Europe.

Devenu président, ce républicain resta d’ailleurs fidèle à l’héritage de ses prédécesseurs démocrates en ne remettant pas en question les acquis de leurs politiques sociales et économiques. Sur la scène internationale, Dwight Eisenhower développa une politique étrangère parfois teintée de contradictions ou à géométrie variable. S’il mit fin à la guerre en Corée sitôt arrivé au pouvoir, il resta malheureusement le président qui engagea les Etats-Unis dans le bourbier du Vietnam. « Eisenhower se voulait le président de la paix. Il est pour beaucoup de jeunes celui qui a défendu  jusqu’au bout l’engagement au Vietnam » souligne ainsi Hélène Harter. Dans le même temps, il se fit le promoteur d’une doctrine portant son nom et visant à limiter la déstabilisation des pays du Moyen-Orient. Grâce à Hélène Hartrer, on comprend aussi, dans une partie très intéressante que Dwight Eisenhower jeta les bases d’une présidence américaine moderne telle qu’on la connaît aujourd’hui : création des fonctions de chef de cabinet de la Maison blanche et de conseiller à la sécurité nationale et repositionnement du vice-président même s’il eut avec Richard Nixon « des relations de patron à collaborateur ».

Une politique étrangère et une présidence qu’il conclut le 17 janvier 1961 par cet avertissement quant à la place prise par le complexe militaro-industriel, ce qui est surprenant pour celui qui fut le plus illustre militaire de l’histoire des Etats-Unis depuis Ulysses Grant. Un message d’adieu d’un président à cheval entre deux époques, entre deux mondes qui sut malgré tout installer son pays comme leader du monde occidental que l’on appelait encore à cette époque libre.

Par Laurent Pfaadt

Hélène Harter, Eisenhower : le chef de guerre devenu président
Aux éditions Tallandier, 512 p.

A lire également : Christophe Prime, L’Amérique en guerre, 1933-1946
Chez Perrin, 624 p.