CARMEN

Comme on l’avait remarqué et apprécié vivement il y a deux ans, ici même au Maillon, avec sa présentation de GISELLE, François Gremaud de la « 2 b company  » sise à Lausanne, est très doué quant à nous embarquer à sa manière pour le moins originale dans des œuvres culte du répertoire. Le petit côté pédagogique n’est pas pour nous déplaire consistant à nous faire part en un long préambule des origines du genre « opéra-comique » puis pour finir de nous distribuer généreusement le texte.


Après, le théâtre avec Phèdre et le ballet avec Giselle voici donc l’opéra avec Carmen.

© Dorothée Thébert Filliger

C’est une actrice-chanteuse qui va porter le spectacle, l’introduisant en se présentant, Rosemary Standley, saluant le public et annonçant qu’elle va visiter en notre compagnie l’opéra-comique Carmen, précisant qu’elle n’a nullement l’intention de revenir sur les origines de l’opéra-comique, ce qu’elle va cependant s’employer à faire sans omettre les péripéties qui ont émaillé l’histoire de ce genre jusqu’à  la création de Carmen, en 1875, sur une musique de Georges Bizet, le livret écrit, par Henri Meihac et Ludovic Halévy étant inspiré de la nouvelle  éponyme de Prosper Mérimée. Ce paradoxe met le public en joie, une certaine malice et entente cordiale s’établissant ainsi entre la comédienne et le public dont elle sollicitera  l’attention ou l’approbation à plusieurs reprises.

Avec le soutien et la complicité totale des musiciennes présentes sur le plateau, Christel Sautaux, à l’accordéon, Célia Perrard à la harpe, Helena Macherel à la flûte, Sandra Borges Ariosa au violon et Bera Romairone au saxophone, c’est Rosemary Standley qui campe tous les décors en les décrivant et qui incarne tous les personnages, Don José, le brigadier, Carmen, Micaëla, le toréador Escamillo. Belle performance de sa part pour mettre sa voix au registre correspondant à l’un ou à l’autre et pour prendre les attitudes, les postures qui caractérisent chacun et cela avec la promptitude qui préside à leurs échanges. De plus en nous faisant comprendre qu’il s’agit en quelque sorte d’un jeu de rôles, d’une représentation pour laquelle elle sollicite notre consentement par des regards, des clins d’œil et de petites réflexions qui nous rendent complices et bien sûr nous amusent.

Nous avons connu avec Giselle cette même démarche qui nous conduit à être sans cesse partie prenante du spectacle, du coup on n’hésitera pas à chanter les airs les plus connus quand la proposition nous en sera faite.

N’empêche que, digression ou pas, l’histoire avance et nous rencontrons ces personnages que nous avons vus à l’Opéra, la fringante Carmen, toujours amoureuse et volage, toujours revendiquant la liberté, la prude Micaëla, émissaire de la mère de Don José et celui-ci, le vulnérable «  fils  à sa maman », incapable de résister aux avances de la belle bohémienne mais incapable aussi de maîtriser sa jalousie lorsque la belle lui échappe et se déclare amoureuse du fringant toréador.

Incarner ces personnages d’allure et de caractères si différents n’est pas une mince affaire et il faut tout le talent de Rosemary Standley pour les rendre crédibles. Non seulement elle leur donne corps mais elle chante leurs partitions  avec grande maitrise. Avec elle nous sommes de plein pied dans l’opéra tout en le surveillant du coin de l’œil et cette distanciation qui caractérise les réalisations de François Grémaux leur donne une saveur particulière qui nous met en joie et nous fait attendre avec impatience l’Allegretto qu’il est en train de concevoir pour une prochaine saison.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 23 mai au Maillon