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The Life and Passion of the Christ

Augustin Pfleger (1635-1686), compositeur de Bohème sort enfin
de l’oubli. Grace à l’Orkester Nord et à son chef, Martin Wahlberg, ce
contemporain de Dietrich Buxtehude entré au service du duc du
Schleswig-Holstein revient, plus de trois siècles après sa mort, de ce
purgatoire où résonnait certainement son incroyable Vie et Passion
du Christ.

Très ancré dans la tradition musicale baroque du nord de
l’Allemagne très bien mise en lumière par l’orchestre, ce dernier
nous raconte une histoire, presque un film musical. Le caractère
fascinant et biographique assez révolutionnaire pour l’époque de
l’œuvre nous dépeint ainsi Jésus en six épisodes. Avec la beauté des
voix et du chœur Vox Nidrosiensis, on a l’impression de se trouver devant un retable en perpétuel mouvement où se meuvent les
personnages du Nouveau Testament. Les équilibres sonores sont
parfaits et l’Orkester Nord et son chef nous offrent la sensation
d’être les seuls, au fond d’une chapelle, à écouter cette musique
d’une beauté, pour l’occasion, divine. Une belle découverte donc.

Par Laurent Pfaadt

Augustin Pfleger, The Life and Passion of the Christ, Orkester Nord, Martin Wahlberg, Vox Nidrosiensis, Aparté

Alexandra Conunova

Il faut le dire
d’emblée : on a vu
arriver ce disque
avec suspicion. Un
énième Quatre
saisons de Vivaldi
venant s’ajouter à
une production déjà
saturée. Et puis, on a
écouté. Dehors, les
arbres se balançaient
dans cet automne de
confinement. Et la
magie a opéré. Indiscutablement. La faute à Alexandra Conunova, merveilleuse
interprète de ce Guadagnini de 1735 qui vous tire des frissons. La
faute à Paolo Corsi et à son incroyable clavecin, compagnon de jeu
de la soliste comme un chat avec une pelote. La faute enfin à une
prise de son remarquable signée Nicolas Bartholomée et Hugo
Scremin.

Pas de démonstration sonore mais une succession de tableaux où le
violon se fait tour à tour vent d’automne, blizzard d’hiver, pluie
printanière et bien évidemment orage d’été dans ce morceau si
connu pour ensuite se muer en arc-en-ciel. Et parvenu à la fin du CD,
on le remet au début pour que cet incroyable voyage ne cesse pas.

Par Laurent Pfaadt

Alexandra Conunova, Vivaldi – Le Quattro Stagioni
Chez Aparté

Nadia et Lili Boulanger

Des hommes au
service de femmes
compositrices,
voilà une
démarche
suffisamment rare
pour être souligner
avec force.
Cyrille Dubois et
Tristan Raës
rendent ainsi
hommage dans
leur
nouveau disque à
Nadia Boulanger, qui fut peut-être la plus grande pédagogue du
20e siècle – elle eut comme élèves entre autres Léonard
Bernstein ou Daniel Barenboïm – mais également, on le sait
moins, une magnifique compositrice. Ce que l’on sait encore
moins, c’est que Nadia eut une sœur, Lili, talent précoce mort
prématurément.

Enregistré dans le magnifique écrin vénitien du Palazzetto Bru
Zane qui abrite le centre de musique romantique, ce disque nous
emmène dans une sorte de songe, celui des ondines et autres
muses de cette musique française du début du 20e siècle que
domptèrent Fauré ou Debussy. Il en ressort une naïveté joyeuse
où la voix aux intonations parfois androgynes de Cyrille Dubois,
l’un de nos meilleurs ténors, se mêle à la légèreté d’un piano
rêveur notamment dans ces mélodies de Lili Boulanger,
indiscutablement plus fascinantes que celles de sa sœur.

Par Laurent Pfaadt

Nadia et Lili Boulanger :
Mélodies, 
Cyrille Dubois et Tristan Raës ,
Aparté

Salieri expose ses talents

Un opéra méconnu
du compositeur
viennois. Une
splendide
redécouverte

Tout le monde
connait les Noces de
Figaro
d’après
Beaumarchais. Peu
en revanche savent
que ce dernier
écrivit la pièce
ainsi que le livret
de l’opéra Tarare d’Antonio Salieri, le compositeur jaloux du génie
de Mozart dans le film Amadeus. Grâce aux Talens lyriques et à
son chef, Christophe Rousset, il est enfin possible d’apprécier ce
petit bijou dans son intégralité. Il faut dire que le chef ne
s’aventure pas en terrain inconnu puisqu’il a mis en musique l’an
passé les Horaces de ce même Salieri qu’il affectionne par ailleurs (voir interview).

De Paris au Japon en passant par Bucarest ou Vienne, la formation
musicale des Talens lyriques est aujourd’hui incontestablement
l’un des meilleurs ambassadeurs de la musique baroque française.
Elle brille une fois de plus dans cette interprétation qui mêle
intelligemment le lyrisme d’un Salieri et l’espièglerie de
Beaumarchais sans omettre le message politique de ce dernier. Il
faut dire que le maestro s’est appuyé sur l’excellent centre de
musique baroque de Versailles toujours enclin à promouvoir des
pans méconnus du répertoire français.

Les habituels compagnons de route de Christophe Rousset et
devons-nous dire de Salieri sont, une nouvelle fois, réunis : Judith
van Wanroij, impériale dans la Nature et Spinette notamment
dans le Prologue, Tessis Christoyannis et Cyrille Dubois qui
interprète le rôle-titre de Tarare. Ils sont rejoints par de nouvelles
voix dont Enguerrand de Hys et surtout par l’une des plus belles
sopranos françaises, Karine Deshayes qui campe une sublime
Astasie, la bien-aimée de Tarare. Sa voix puissante et
charismatique explose véritablement dans son duel avec Spinette
dans le quatrième acte, venant ainsi couronner une production en
tout point réussie.

Les Talens lyriques seront dans les prochains mois au Théâtre des
Champs-Elysées (24 septembre),
à l’arsenal de Metz (30 novembre) et
au Wiener Staatsoper de Vienne (8-15 novembre).
A ne pas rater donc.

Par Laurent Pfaadt

Antonio Salieri, Tarare, Les Talens lyriques,
dir. Christophe Rousset, Aparté

CD du mois d’avril

Ophélie Gaillard,
Richard Strauss,
Don Quixote et cello
works (Romanze,
Cello sonatas,
Morgen), Aparté

Ophélie Gaillard est
certainement l’une
des violoncellistes
les plus talentueuses
de sa génération.
Cofondatrice avec sa
sœur de l’ensemble
Amarillis qui sort ces derniers jours un magnifique album consacré à
Haendel, l’ancienne révélation des Victoires de la musique n’hésite
pas à s’aventurer sur des sentiers peu empruntés comme en
témoigne son précédent album, Exils où elle s’emparait des
influences hébraïques d’un Bloch, Korngold ou Prokofiev.

Ce nouveau disque est consacré au Don Quixote, ce poème
symphonique relativement peu connu pour violoncelle, alto et grand
orchestre de Richard Strauss. Elle est magnifiquement
accompagnée par l’alto de Dov Scheindlin qui tient le rôle de Sancho
Panza. Quant à l’orchestre, il arbore parfaitement son costume
straussien, tantôt puissant, tantôt espiègle. Dans les variations, le
violoncelle est à l’aise, complice d’un orchestre qui ne joue pas, au
contraire, la surenchère. On revient alors à sa platine et on met la
version Rostropovitch avec Koch et Karajan et on se rend compte
que l’élève touche du doigt le maître…

Par Laurent Pfaadt