Ercole Bernabei

Le madrigal fut un genre musical polyphonique très à la mode aux 16e et 17e siècles. Essentiellement vocal, il associait des voix qui pouvaient cependant être remplacées par des instruments tels que le lirobe, ancêtre du violoncelle, ou la basse de viole dont les musicalités rappellent la voix humaine. Les plus avertis connaissent ainsi ceux de Giovanni Pierluigi da Palestrina qui en composa plus de 130 ou ceux de Claudio Monteverdi. C’est d’ailleurs dans cette Italie baroque, celle d’un autre compositeur romain, Ercole Bernabei (1622-1687) que nous plonge ce très beau disque.


Protégé du cardinal Flavio Orsini de la puissante famille des Orsoni qui donna papes et condottiere et à qui il dédie ces madrigaux, Ercole Bernabei est quelque peu oublié aujourd’hui. Avec ce disque, il est ressuscité de la plus belle des manières. Ces madrigaux, enregistrés pour la première fois, manifestent une incroyable beauté musicale. Il y a indubitablement quelque chose de céleste dans les voix de cristal de Myriam Arbouz et Marine Fribourg. Associées à la douceur de leurs homologues masculins, leur complémentarité est stupéfiante. L’ensemble Faenza est en appui, modulant son accompagnement avec intelligence. Le clavecin distille avec passion ses incursions et brille dans les toccata de Simonelli et passacaille de Pasquini tandis que théorbe et guitare, tels des oiseaux posés sur les branches de ce jardin musical, sont là pour nous rappeler la douceur du sud de l’Europe et de la vie artistique romaine.

Ces interprétations restituent ainsi à merveille l’atmosphère de ces palais romains où se retrouvaient prélats et puissants et où le théorbe de Bernabei devenait, à l’instar du pinceau d’un Pierre de Cortone, mort l’année de l’impression de ces quinze pièces, l’instrument d’un soft power qui ne disait alors pas encore son nom. Sans savoir que quelques 350 années plus tard, l’humanité finirait par se souvenir du compositeur et non du commanditaire grâce à ce disque merveilleux.

Par Laurent Pfaadt

Ercole Bernabei (1622-1687), Concerto madrigalesco,
Faenza dir Marco Horvat, EnPhases