Eternel Japon

Plusieurs publications mettent en valeur la civilisation japonaise

Le Japon fascine toujours autant. Pourtant, il reste encore, aux yeux de l’Occident, méconnu. Pour s’immerger dans la culture japonaise et y voir un peu plus clair, rien de tel que d’entrer dans le dictionnaire amoureux du Japon de Richard Collasse. L’ouvrage de la collection des dictionnaires amoureux de Plon évoque aussi bien le réalisateur Akira Kurosawa que le Sakura qui « de tous les fantasmes que suscite le Japon, celui du cerisier en fleur, est sans doute le plus ancré dans l’esprit du commun des mortels » en passant par les Shotengai, ces allées commerçantes formant des agoras sociales et le Kyotographie, le premier festival international de photographie au Japon, permet ainsi de découvrir une société complexe, fascinante et parfois déconcertante.


A l’origine, le Japon fut une île de chasseurs-cueilleurs. C’est ce que montre parfaitement le nouveau volume fascinant de la collection des Mondes anciens de Belin. Se fondant sur les dernières découvertes archéologiques, leurs auteurs, Laurent Nespoulous et Pierre François Souyri estiment que les premiers signes d’une activité humaine dans l’archipel remonteraient à 38 000 ans avant J-C. Ces premiers chasseurs-cueilleurs nomades se regroupèrent ensuite dans ce qui constitua les prémisses de structures communautaires organisées en anneaux.

Les troisième et quatrième siècles de notre ère virent ensuite l’émergence d’un pouvoir politique qui, au fil des siècles, se structura. Comme à chaque fois, dans cette magnifique collection richement illustrée, cartes, plans et photos viennent illustrer un propos fort pertinent. Des focus servent également à illustrer des moments-clés ou des bascules de l’histoire comme celui, par exemple, autour du temple bouddhique du Horyu-ji qui est peut-être le plus vieux bâtiment en bois du monde mais montre surtout le poids pris d’une religion devenue en 645, religion d’État. Cette époque – l’ouvrage réserve également des découvertes surprenantes – fut également celle du règne de monarques féminins (VIIe et VIIIe) symbolisé notamment par la mythique Himiko.

Si l’ouvrage prend également soin d’explorer les différentes parties de l’archipel – la partie consacrée à l’île septentrionale d’Hokkaido et aux relations avec les Aïnous est fort intéressant – Laurent Nespoulous et Pierre François Souyri se focalisent sur l’ère d’Heian-Kyo, l’ancien nom de Kyoto, fondée en 794 et qui va structurer le Japon pendant plus de mille ans. A ce titre les deux auteurs estiment que « Heian incarne souvent dans l’imaginaire japonais le premier Japon, celui que l’on a tendance à projeter sur les époques antérieures tant il apparaît comme une évidence ». 

Déambulant littérairement dans les rues de Kyoto, le lecteur suit Pierre François Souyri dans son autre ouvrage, sa nouvelle histoire du Japon actualisée, à travers les ateliers de luxe fabriquant les plus beaux kimonos en soie et à la rencontre des shoguns, des daimyô et bien évidemment des samouraïs, ces barbares devenus fréquentables et qui vont au cours des siècles suivants, occuper des quartiers entiers de la capitale et se hisser jusqu’aux sommets d’un pouvoir qui, notamment durant l’ère Tokugawa se caractérisa par une stabilité institutionnelle ainsi qu’un essor économique durable.

Tout en s’affranchissant de poncifs, Pierre François Souyri insère le Japon dans une histoire globale où quelque soit les civilisations, les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Ainsi, à la suite de l’ouverture de l’ère Meiji marqué par le transfert de la capitale à Tokyo (1869) et la marginalisation des samouraïs, la dérive d’un empire durant ce qu’il appelle les « années noires » marquées par la corruption et la peur du communisme, conduisit à la catastrophe de la seconde guerre mondiale. « Le coût et l’entretien d’un empire et d’une armée considérable pèse trop sur les finances au moment où la croissance tend à faiblir » écrit ainsi l’auteur. 

Une armée perçue par les Japonais comme un moyen d’ascension sociale et qui, idéologisée et fanatisée, précipita ses enfants dans l’abîme de batailles terribles comme à Okinawa en 1945 (voir interview d’Ivan Cadeau). Mais à la différence de l’Empire romain, l’institution impériale subsista, permettant la sauvegarde et la cohésion d’une civilisation qui, aujourd’hui encore, conserve une forme d’éternité y compris dans notre imaginaire collectif.

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Richard Collasse, Dictionnaire amoureux du Japon
Chez Plon, 1312 p.

Laurent Nespoulous, Pierre François Souyri, Le Japon : Des chasseurs-cueilleurs à Heian (-36 000 à l’an mille)
Coll. Mondes anciens, Belin, 538 p.

Pierre François Souyri, Nouvelle histoire du Japon
Aux éditions Perrin, 640 p.