Ethel, l’erreur judiciaire qui a bouleversé l’Amérique

Il y a soixante-dix ans, Julius et Ethel Rosenberg, reconnus coupable d’espionnage au profit de l’Union soviétique, étaient exécutés dans la prison de Sing Sing à New York. Quelques 70 ans après leurs morts sur la chaise électrique, le nom d’Ethel Rosenberg reste entouré d’une ambivalence : celui à la fois de l’une des plus grandes traîtrises de l’histoire des Etats-Unis et celui de l’une de ses plus importantes erreurs judiciaires.


Pour y voir plus clair, rien de mieux que de se plonger dans le livre d’Anne Sebba qui a obtenu un beau succès aux Etats-Unis figurant notamment sur la liste des best-sellers du New York Times. Se plongeant dans les archives, la journaliste britannique et biographe de renom est allée rechercher les éléments qui ont conduit Ethel dans le couloir de la mort. Trois ans auparavant, en 1950, Julius et Ethel Rosenberg viennent d’être arrêtés pour espionnage au profit de l’URSS après avoir été dénoncé par le plus jeune frère d’Ethel, David Greenglass qui travaille sur le site atomique de Los Alamos. Le couple nourrit de profondes sympathies communistes à un moment où la guerre froide fait craindre une nouvelle confrontation et qu’à Washington, la chasse aux sorcières communistes bat son plein notamment sous la férule du sénateur Mc Carthy. Arrêté lui-aussi pour espionnage, Greenglass accuse à son tour Julius Rosenberg dont les archives ont révélé son implication réelle, ainsi que sa sœur d’être la complice de ce dernier. A ce sujet, Anne Sebba est plus nuancée : « Il est impossible de savoir dans quelle mesure Ethel était au courant des agissements de son mari en tant que recruteur pour un réseau d’espionnage qui transmettait des renseignements à l’Union soviétique, car personne n’était au courant de leurs conversations sur l’oreiller. Pourtant, quelle que soit la vérité sur la complicité d’Ethel, le fait d’approuver les actes répréhensibles d’un conjoint n’était pas un crime au regard de la loi américaine, que ce soit pendant la guerre ou à l’époque du procès. » Ethel, aux dires de son frère, était une fanatique, une communiste convaincue et nous dit l’auteure elle a d’abord été condamnée pour ses opinions politiques.

A travers cette affaire qui connut un retentissement mondial, Anne Sebba aborde aussi la femme que fut Ethel Rosenberg, « cette personne bien plus complexe dans la vie réelle que tous les mythes qui l’enveloppèrent » en lui donnant un visage et une âme. En humanisant ce monstre froid que tous ont voulu retenir pour mieux la condamnerUne jeune fille aux talents artistiques certains mais contrariés par une mère qui lui préféra ses frères. Une épouse peut-être plus intelligente que son mari qui devint après sa mort, l’égérie d’un féminisme bridée. Une femme à la fragilité dissimulée sous un masque de glace. Car un mot de Julius aurait pu la sauver de la chaise électrique. Il n’en fit rien. L’idéologie a mis à mort cette femme.

Après Wallis la scandaleuse (Tallandier, 2019), Anne Sebba brosse à nouveau avec ce livre le portrait, magnifique, d’une femme sacrifiée et broyée par la grande histoire. Une tragédie américaine racontée de la plus belle des manières.

Par Laurent Pfaadt

Anne Sebba, Ethel, l’erreur judiciaire qui a bouleversé l’Amérique, traduction de l’anglais par Danielle Lafarge, Alisio, 416 p.