Le siècle Mailer

A l’occasion du centenaire de sa naissance, retour sur cet écrivain majeur des lettres américaines au 20e siècle

Le 31 janvier, Norman Mailer aurait eu 100 ans. Figure de proue du nouveau journalisme qui fut également incarné par Tom Wolfe, Truman Capote ou Hunter S. Thomson, Mailer s’inscrivit dans ce mouvement littéraire qui vit la mise en scène racontée à la première personne supplanter l’historique narration désincarnée de faits divers ou de questions de société afin de dresser le décor d’une Amérique traversée par ses démons. Morceaux de bravoure, recueils de textes sur la télévision, le succès ou la politique incarna ainsi à merveille cette technique qui constitua une révolution littéraire et lui valut, en 1969 son premier Pulitzer pour Les Armées de la nuit, livre évoquant les mouvements de protestation contre la guerre du Vietnam. Cette technique culmina avec Le chant du bourreau où Mailer aborde la peine de mort dans la société américaine à travers le destin de Gary Gilmore, reconnu coupable d’un double homicide. Le livre devenu un best-seller international valut à Mailer un autre Pullitzer, celui de la fiction en 1980.


Norman Mailer, 1987
©-William-Coupon CORBIS

L’œuvre de Normal Mailer suit ainsi une histoire des Etats-Unis au 20e siècle. Une histoire traversée par les tragédies et les gloires. De la guerre du Pacifique au match entre Ali et Foreman au Zaïre qu’il contribua à mythifier en passant par la peine de mort, la conquête de la lune ou le Watergate, sa plume accompagna les convulsions d’une Amérique en ébullition dont il se voulut le portraitiste au vitriol. Le combat du siècle publié en 1975 illustre à merveille cette alliance de violence et d’énergie en faisant du duel entre Ali et Foreman, un récit mythologique, une sorte d’Illiade africaine.

A partir de son premier roman en 1948 où il évoqua son expérience de soldat durant la guerre du Pacifique, la carrière littéraire de Norman Mailer épousa la vie tumultueuse du 20e siècle américain. Les Nus et les Morts, probablement l’un des plus grands livres des hommes dans la guerre bouleversa plusieurs générations d’écrivains. Olivier Sebban, écrivain français qui a fait des Etats-Unis le décor de ses romans en convient : « Ce fut pour moi un véritable choc de lecture. A la fois roman classique, moderne, social, éminemment politique, ce roman de l’intime battit dans une temporalité non linéaire, audacieuse, est en vérité le portrait de l’Amérique de son temps, de l’Amérique de toujours transposée hors de l’Amérique. Les Nus et les Morts est un texte écrit dans une langue précise et descriptive, parfois physique et matérielle jusqu’au lyrisme. Sans doute le plus grand livre de Mailer, dans la lignée de La Guerre et la Paix, de la Ligne Rouge réalisé par Terence Malick. »

A l’instar d’un Gore Vidal dont l’affrontement télévisuel en 1971 dans le Dick Cavett show demeura célèbre, Norman Mailer fut également l’un des grands biographes américains, installant un Oswald au sommet de la mythologie américaine (Oswald. Un mystère américain), narrant l’enfance d’un Hitler par un envoyé du diable (Un château en forêt) et inventant les mémoires d’une Marylin Monroe en quête de dignité.

Aujourd’hui, cent ans après sa naissance, la relecture de Norman Mailer permet de redécouvrir ce géant des lettres américaines mais également un esprit qui ne fut jamais mainstream. Et en ces temps troublés, il devient plus que nécessaire d’entendre à nouveau des voix comme celle de Mailer.

Par Laurent Pfaadt

Pour entrer dans l’univers de Norman Mailer, Hebdoscope vous recommande :

  • Les Nus et les Morts, Pavillons poche, Robert Laffont, 960 p.
  • Le Combat du siècle, Folio, 336 p.
  • Oswald. Un mystère américain, Plon, 670 p.

A lire également Cendres blanches d’Olivier Sebban, Rivages, 304 p.