Les papiers des derniers feux de la monarchie

Une fascinante exposition des archives nationales revient sur le séjour de la famille royale aux Tuileries

Le roi de France, reconnu par un maître de poste à Varennes le 21 juin 1791 vient d’être ramené à Paris, au château des Tuileries où il loge avec la reine Marie-Antoinette, Madame Royale, le Dauphin et une partie de la Cour depuis le 6 octobre 1789. Madame Campan, membre de cette dernière, écrit dans ses mémoires que « lorsque le roi, la reine et les enfants furent convenablement établis aux Tuileries […], la reine reprit ses habitudes ordinaires ». On joue au billard, on prend la température au propre comme au figuré et le Dauphin mange du poulet rôti comme en atteste le menu du 9 août 1792 qui figure parmi la centaine de documents mis à l’honneur dans cette exposition immersive qui nous replonge dans les dernières heures de la monarchie. Pourtant comme l’écrit Marie-Antoinette dans l’une de ses lettres qui, avec toutes ces autres archives, construisent, grâce à une astucieuse scénographie, une tension très vite palpable, « cette tranquillité ne tient qu’à un fil ».


Car au dehors, parmi le peuple de Paris et à l’Assemblée nationale législative, la colère gronde. La guerre est là : le roi communique avec l’empereur Leopold II et n’a pas renoncé à fuir le pays. D’ailleurs, d’autres projets d’évasion, vrais ou faux, sont échafaudés. Dans le même temps, on hésite quant au sort de la famille royale. Mirabeau est certes mort mais Pétion, maire de Paris, entretient une correspondance avec Marie-Antoinette, devenant en quelque sorte son conseiller politique tout en jouant un double jeu. Tout le succès de l’exposition est là. Celle-ci ne se contente pas d’aligner des documents certes prestigieux comme le journal du roi ouvert aux années 1791-1792 ou les lettres de Pétion mais les insèrent dans un décor pédagogique fait de plans (celui des Tuileries ou de Paris avec les principaux lieux de la Révolution française), d’éléments de compréhension (la scène internationale) ou dans une galerie de portraits des acteurs des derniers instants de liberté de la monarchie.

Portrait du comte Axel de Fersen par Pierre Dreuillon de Verneville 
© Photo Jens Mohr, Östergötlands Museum, Sweden

Devant nous, les preuves historiques sont là, enfermées dans leurs vitrines : libelles contre la reine, Manifeste du duc de Brunswick, correspondance de Louis XVI. Ce dernier peut compter sur le baron de Breteuil pour plaider sa cause à l’étranger. La reine, elle, possède un autre atout : le comte de Fersen, son valet de cœur. L’exposition dévoile leurs échanges épistolaires où géopolitique et amour tissent une relation devenue mythique. Axel de Fersen a pris soin de crypter, de caviarder ses lettres pour éviter de compromettre la reine. C’était sans compter le projet REX qui dévoile aux visiteurs par le biais des nouvelles technologies, la teneur des échanges qu’ont entretenu Marie-Antoinette et son soupirant. D’acteur de la tragédie, le visiteur devient détective pour son plus grand plaisir.

Décret de l’Assemblée nationale présenté le 10 août 1792 sur la suspension de Louis XVI

Pourtant, on connaît tous la suite et c’est bien pour cela que l’on est fasciné par cette exposition. Le 10 août 1792, le château des Tuileries est pris d’assaut. Les gardes suisses sont massacrés. Louis XVI, par décret de l’Assemblée nationale, est suspendu. Le document est là, sous nos yeux. Ces derniers viennent alors se poser sur le plan de Paris qui s’étale sur l’un des murs. Instinctivement, on cherche la place de Grève. Evidemment. Janvier 1793 est pour bientôt.

Amoureux de l’histoire de France désireux de lire, comme s’ils venaient d’être écrits, le discours de Robespierre sur la guerre le 2 janvier 1792 ou le manifeste politique de Louis XVI (20 juin 1791), et admirateurs de Marie-Antoinette comme ces nombreux touristes américains se pressant autour des textes et de la figure de la reine martyre, tous, Français comme étrangers prennent conscience à travers ces précieux trésors, du poids de l’histoire d’un pays qui, une fois de plus, a inspiré le monde.

Par Laurent Pfaadt

Louis XVI, Marie-Antoinette & La Révolution, la famille royale aux Tuileries (1789-1792), Archives nationales, Hôtel de Soubise, Paris, jusqu’au 6 novembre 2023
entrée gratuite

A lire le très beau catalogue de l’exposition, Louis XVI, Marie-Antoinette et la Révolution : la famille royale aux Tuileries, Gallimard, 192 p.

A lire également 10 août 1792 : la défaite de la monarchie de Clément Weiss (Passés composés) paru ces jours-ci où l’auteur propose à partir d’archives inédites une nouvelle version de l’évènement débarrassée de toutes considérations mythologiques.