Mariss Jansons, l’autre Rembrandt d’Amsterdam

JansonsUn coffret célèbre la relation unique entre le chef letton et
l’Orchestre du Royal Concertgebouw d’Amsterdam

Pendant près de vingt-cinq ans, Mariss Jansons, chef d’orchestre letton considéré comme l’une des meilleures baguettes vivantes et le Royal Concertgebouw d’Amsterdam, l’un des orchestres les plus merveilleux de la planète, celui de Mengelberg puis d’Haitink et qui a gravé quelques-unes des plus belles pages de la musique classique du XXe siècle, ont entretenu une relation spéciale comme en témoigne cette série d’enregistrements.

Jusqu’à son départ en mars dernier, Mariss Jansons a conduit ce fabuleux orchestre à travers tous les répertoires. Depuis Oslo, Pittsburgh ou Munich en tant que chef invité puis comme directeur musical de l’orchestre lorsqu’il remplaça Riccardo Chailly en 2004, Mariss Jansons s’employa, tel Rembrandt, à peindre, au travers de chaque interprétation, des œuvres qui, pour la plupart, resteront dans toutes les mémoires.

Le coffret qu’édite l’orchestre, en même temps qu’il représente un magnifique témoignage sonore, constitue une sorte de musée du chef, regroupant ses tableaux, ses œuvres les plus emblématiques, les plus réussies.

Le legs musical de Jansons est considérable et offre une variété de répertoires avec, à chaque fois, le souci de l’excellence. Porté par une prise de son remarquable qui fait désormais la marque de fabrique du label de l’orchestre, RCO Live, on goute avec plaisir cette magnifique troisième symphonie de Bruckner ou ce tonitruant Bartok.

Tel le génie de Leyde, Jansons utilisa avec intelligence et sensibilité cette formidable palette de couleurs qu’est le Royal Concertgebouw d’Amsterdam et lui transmit sa vision, créant ainsi ce lien très fort qui se construisit entre eux année après année. Le coffret contient à ce titre un DVD qui permet ainsi de mesurer cette parfaite osmose dans une quatrième symphonie de Mahler où brille également la soprano Anna Prohaska. Cette osmose tient également au fait qu’en grand spécialiste de la musique symphonique de la fin du XIXe et du début du XXe, Jansons a trouvé dans l’orchestre l’écho parfait de sa vision d’un Bruckner ou d’un Mahler.

Tout en accompagnant l’orchestre à Londres ou à Berlin, on est surpris par tant de précision sonore, une texture qui n’est jamais surfaite, jamais exagérée. En cela, Jansons rejoint Haitink car il trouve toujours le ton juste et ne donne jamais dans une puissance qui serait contreproductive. Le résultat est magique : une profondeur musicale qui va directement au cœur. Cela est particulièrement perceptible dans la  première symphonie de Schumann. Mais Jansons est allé plus loin qu’Haitink : il a méthodiquement charpenté le son de l’orchestre jusqu’à devenir cristallin (il n’y a qu’à écouter la 7e symphonie de Mahler pour s’en convaincre) faisant ainsi du Concertgebouw le meilleur orchestre du monde en 2008.

Alors oui, c’est vrai que pendant longtemps, celui qui fut l’assistant de Mravinsky à Leningrad, a excellé dans Tchaïkovski et la 6e présente dans ce coffret est là pour le rappeler mais on est surpris par son Beethoven (5e) qu’il a d’ailleurs magnifié dans une intégrale avec l’orchestre de la radio bavaroise.

Ce coffret permet également de découvrir ou de redécouvrir certaines œuvres moins jouées tel le concerto pour violon de Bohuslav Martinu avec un Franz Peter Zimmermann très inspiré ou un concerto pour orchestre de Lutoslawski tout en noirceur mais également des créations contemporaines comme celle de Sofia Gubaidulina portées par un chef toujours attentif à cette musique et qui restera, à n’en point douter, dans les annales de la direction d’orchestre.

Mariss Jansons, Live the radio recordings, 1990-2014, Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam, RCO Live, 2015

Laurent Pfaadt