Metallica la totale

Dès la fin du concert, il a fallu se précipiter sur le livre. De la setlist du groupe, une exégèse s’imposait pour comprendre telle chanson, se remémorer tel chapitre ou tel un épître musical. A la faveur des paroles des quatre prophètes californiens du métal, une relecture du sens caché des saintes écritures de ce groupe révélé au monde il y a maintenant quarante ans s’avérait nécessaire.


Intégrant leur dernier album, 72 Seasons, sorti en 2023, aux onze précédents, Benoît Clerc revient ainsi sur les quelques 180 chansons qui composent le répertoire de Metallica, ce groupe de heavy metal aux neuf Grammy awards. Chacun y trouvera bien évidemment sa ou ses chansons favorites. Réparties sur près de quarante ans, les pères retrouveront avec plaisir celles des premiers albums tandis que leurs enfants, eux, se passionneront pour celles des derniers.

Parcourir ce livre permet également, grâce à Benoît Clerc, de mesurer l’évolution du son de Metallica notamment à partir du Black Album, les influences de chaque chanson (de Black Sabbath à Ennio Morricone), l’ajout de tel instrument comme cette corne dans The Unforgiven ou les tappping de Kirk Hammett. Mais la grande intelligence du livre réside dans cette volonté de l’auteur d’inscrire le groupe dans les bouleversements de son époque. On pense bien évidemment à One, hymne au pacifisme inspiré du Johnny got his gun de Dalton Trumbo ou de ces chansons qui traduisent le mal être et les problèmes psychologiques d’une société en perte de sens. Il ne s’agit donc pas simplement d’un livre sur la musique mais d’un livre qui, à partir du phénomène de société que fut Metallica (et quel phénomène !), dit quelque chose du monde dans lequel il a évolué et évolue toujours, et qu’il a relayé ou critiqué. C’est le sens de photos qui viennent illustrer le contexte dans lequel est apparut telle chanson ou telle autre. Ainsi Leper Messiah, le « Messie lépreux » de l’album Master of puppets, que le groupe rejoue régulièrement en concert depuis plusieurs années, est accompagnée d’une photo de l’évangéliste Jimmy Swaggart qui électrisa les foules mais est également un message personnel contre ce christianisme qui tua la mère de James Hetfield, cette dernière préférant soigner son cancer avec sa foi plutôt qu’avec un traitement. L’ombre d’une mère qui revient d’ailleurs régulièrement comme dans Mama Said (1996) par exemple.

Un livre qui se lit donc en famille où chacun confrontera ses souvenirs de Metallica mais également un livre qui dit indubitablement quelque chose de l’Amérique et du monde de ces quarante dernières années. Un bible pas très catholique donc…

Par Laurent Pfaadt

Benoît Clerc, Metallica la totale, E/P/A, 528 p.