On pourrait croire que ce sont des larmes

Comme un petit goût de nostalgie. C’est le sentiment qui anime le
lecteur en parcourant le nouveau roman d’Eric Genetet, auteur de
Tomber et de la Fiancée de la lune (éditions Héloïse d’Ormesson). En
tricotant de manière habile les souvenirs d’une classe moyenne en
villégiature dans les stations balnéaires de Méditerranée où l’on
fumait des Stuyvesant et photographiait à l’argentique, et plus
particulièrement ceux de Julien, un quarantenaire vivant dans le
souvenir d’un père trop tôt disparu et d’une mère égoïste dont il
s’est éloigné, Eric Genetet permet à chaque lecteur de se
reconnaître dans l’un de ses personnages, tout âge confondu.

Comme dans ses romans précédents, Eric Genetet excelle à
dépeindre les sentiments humains et surtout les séismes qui les
ravagent et dont les répliques surviennent parfois longtemps après.
Oui, écrit-il « l’absence d’un père est un volcan. On oublie sa menace,
mais ses coulées de lave brûlent le cerveau quand le temps s’immobilise. »
Son texte dit surtout que ce volcan ne s’éteint jamais et finit par se
réveiller quand on s’y attend le moins, brutalement ou
insidieusement mais qu’il est toujours ravageur. Ici sous l’aspect
d’une voiture, là dans les yeux, éteints, d’une mère.

Et puis il y a dans ces pages, ces photos qui figent les souvenirs. Des
instantanés d’une vie à jamais perdue. Julien est devenu
photographe pour cela. Pour garder ce père trop tôt parti. Pour ne
pas à devoir s’expliquer avec sa mère. Mais celle-ci a finalement, au
soir de sa vie, choisi le roman pour dire, raconter sans omettre.
Rattraper le temps perdu. Exorciser et ouvrir une porte sur l’avenir
avec son fils et en fermer une autre avec son mari. Celle d’une
histoire passée, de sa propre histoire, de cet autre volcan jamais
éteint et dont les coulées de lave se sont mêlées à celui du père de
Julien pour arriver dans le berceau de ce dernier.

Il y a un peu de Xavier Nolan dans les mots d’Eric Genetet. Pourtant
le message de l’auteur se veut optimiste. Il arrive parfois que des
êtres que l’on croyait perdu trouvent en eux la force de se relever et
de tirer les autres avec eux. Son texte nous dit que le courage d’un
être se trouve dans l’ordinaire, dans cet effort sans cesse renouvelé
pour ne pas réitérer les erreurs du passé et d’un héritage. Et faire
cela, c’est déjà beaucoup.

Par Laurent Pfaadt

Eric Genetet, On pourrait croire que ce sont des larmes
Aux éditions Héloïse d’Ormesson, 160 p.