Rêves d’asphalte

Très tôt, les 24h du Mans ont excité l’imaginaire des artistes. Jusqu’à les faire monter à bord

Forgées par les épreuves tant symboliques que réelles, par les victoires et les drames, par des héros maudits ou acclamés, les 24h du Mans, la plus célèbre des courses d’endurance du monde, a très vite attiré acteurs, auteurs, scénaristes, musiciens et autres artistes.


Le Mans 66

Si les 24h du Mans sont presque aussi vieilles que le cinéma, celui-ci n’a pas attendu longtemps avant de s’intéresser à la mythique course. Ainsi dès 1935, un premier film baptisé 300 à l’heure voit le jour avant que les 24h du Mans viennent, à intervalles réguliers, faire rugir ses moteurs dans les salles obscures. Deux films marquèrent plus particulièrement cette histoire d’amour. En 1971, Le Mans réalisé par Lee H. Katzin vit un Steve McQueen affublé de sa célèbre combinaison frappée du logo Gulf qui allait faire de l’acteur américain la figure cinématographique de la course, incarner un pilote sur le retour après un grave accident – la scène est restée mythique – et luttant avec sa Porsche 917 contre la Ferrari 512 S de son rival allemand. 

Si le film se solda par un échec commercial et rejoignit la longue liste des films maudits d’Hollywood, un autre long-métrage, sorti quelques trente-huit ans plus tard, connut plus de succès. Le Mans 66 de James Mangold raconte ainsi la course de cette année 1966 qui sacra les Ford GT40 de la team Shelby-American Inc avec notamment Bruce McLaren et Ken Miles. Des stars telles que Matt Damon en Caroll Shelby, le père des Ford GT40 et Christian Bale (Ken Miles) sont les héros de cette grande aventure américaine aux 24h du Mans qui vit Ford briser l’hégémonie de Ferrari. 

Si le cinéma a glorifié la course, celle-ci a également attiré à elle un certain nombre d’acteurs, et pas seulement dans les tribunes, un verre de champagne à la main mais plutôt dans les voitures à zigzaguer entre les flaques d’huile et les accidents. De Steve McQueen à Michael Fassbender, oscar du meilleur acteur pour 12 years a slave présent cette année pour la deuxième fois à bord d’une 911 (Proton Compétition) à Patrick Dempsey, le célèbre docteur Shepherd de la série Grey’s Aanatomy qui participa à la course à quatre reprises, entre 2009 et 2015, sur Porsche et Ferrari, et Paul Newman, deuxième en 1979 sur une Porsche 935, nombreux sont les acteurs a avoir voulu s’imprégner de l’adrénaline du Mans autrement que derrière une caméra. Pour autant si le cinéma a fait des incursions dans la course, celle-ci s’est également invitée, avec ses voitures, dans les productions hollywoodiennes comme par exemple avec une Pontiac LeMans dans French Connection et surtout avec l’Aston Martin DB5 de James Bond.

D’autres artistes et notamment des musiciens ont eux aussi voulu descendre des podiums des concerts qui accompagnent cette fête du sport automobile pour entrer sur la piste. Ainsi, Nick Mason, le célèbre batteur de Pink Floyd courut cinq fois les 24h du Mans au début des années 1980 tout comme David Hallyday qui participa plusieurs fois à l’épreuve. D’autres préférèrent s’inspirer de la course pour la chanter. Ainsi Bidon d’Alain Souchon (1976) et plus récemment le chanteur italien Frederico Rossi dans sa chanson intitulée Le Mans évoquèrent la course.

Le 9e art, celui de la bande-dessinée, n’a pas été le dernier à célébrer les 24h du Mans, bien au contraire. Et en premier lieu Jean Graton qui a fait de la course, l’un des théâtres des aventures d’un Michel Vaillant également adapté au cinéma. Du premier album Le Grand Défi en 1959 à La Dernière cible sorti ces jours-ci, le circuit du Mans est indissociable, presque consubstantiel de l’univers de Michel Vaillant et revient régulièrement dans de nombreux albums. « Cela est dû au fait qu’il s’agit de la première course que Jean Graton a vu avec ses parents. De là est né sa passion pour ce sport. Et quand il a commencé la BD, son héros est devenu un pilote conduisant au Mans. Pour Jean Graton, Le Mans est la course fondatrice de Michel Vaillant » affirme ainsi Denis Lapière, scénariste de la nouvelle série Michel Vaillant qui dédicacera La dernière cible sur le circuit où une Vaillante prendra une nouvelle fois le départ comme en 2017. Les divers héritiers artistiques de Jean Graton n’ont eu qu’à suivre la route tracée par ce dernier. Parmi les plus talentueux, il faut bien évidemment citer le trio Denis Bernard, Youssef Daoudi et Christian Papazoglakis, auteur de la série « 24h du Mans » chez Glénat qui revient sur les grandes courses mythiques du Mans et particulièrement celles entre 1968 et 1971. Dans leurs pages revivent ainsi les duels de la Ford GT40 de Jacky Ickx contre la Porsche 908 d’Hermann et Larousse ou de la Porsche 917 « Kurzheck » de Jo Siffert – qui joua son propre rôle dans le film de Katzin – face aux onze Ferrari lors de la fameuse édition de 1970 où seules 9 voitures furent classées. Le pilote suisse est quant à lui le héros d’une autre bande-dessinée très réussie signée Michel Janvier et Olivier Marin. Dans leurs oeuvres, avec leurs dessins pleins de tension et de vitesse, les auteurs parviennent à restituer à merveille cette ambiance à nulle autre pareille, ce combat de gladiateurs modernes qui continue, cent ans après la première édition, à donner naissance à des étoiles qu’elles soient de celluloïds ou de papier. 

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Parmi tous les albums de Michel Vaillant, la rédaction vous conseille notamment Le Grand Défi (1959), Le 13 est au départ (1962) et Le Fantôme des 24 heures (1970). Sans oublier le dernier album, La dernière cible de Lapière, Bourgne et Benéteau.

Parmi la série 24 heures du Mans des éditions Glénat, la rédaction a choisi notamment les fameuses courses de 1968-1969 et 1970-1971 signées Robert Paquet, Youssef Daoudi et Christian Papazoglakis dans la collection Plein gaz.

Michel Janvier, Olivier Marin, Jo Siffert, coll. Calandre, édition Paquet, 64 p.

A voir :

Le Mans (1971) de Lee H. Katzin avec Steve McQueen

Le Mans 66 (2019) de James Mangold avec Matt Damon et Christian Bale