Sur le méridien de Greenwich

Un Egyptien vivant à Londres reçoit l’appel d’un ami. Il doit organiser les funérailles d’un compatriote mort dans la capitale britannique, un jeune homme qu’il ne connaît pas mais dont il doit pourtant accompagner les derniers pas dans ce monde. Pendant plusieurs jours, Shady Lewis nous conte cette improbable épopée hors du temps menée par son personnage principal, sorte de Sébastien Brant du monde arabe embarqué dans cette Nef des fous british.


Dans ce roman où le burlesque côtoie le tragique, Shady Lewis évoque ainsi de multiples questions qui structurent nos sociétés modernes : la question des identités multiples dans ce monde uniformisé, celle d’être un musulman dans une société occidentale, celle de devoir lutter contre les préjugés des autres et d’être forcé de les adopter pour ressembler à l’image que les autres se font de vous, celle enfin du manichéisme qui structure nos modes de pensée. Ici le méridien de Greenwich est symbolique et se trouver d’un côté ou de l’autre ne signifie pas la même chose. Les allers-retours entre le présent et le passé du personnage, notamment l’histoire de sa grand-mère conteuse, ajoutent à ce jeu de masques, cette espèce de bal masqué sociétal dont on ne sait plus, avec délice d’ailleurs, ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Mais surtout, Shady Lewis, en utilisant l’arme de l’humour, réussit parfaitement à dépeindre une société britannique qui marche sur la tête après avoir tant vanté ce fameux multiculturalisme qui ne veut plus rien dire aujourd’hui.

Maniant une langue décapante qui joue à merveille avec les codes de l’absurde, Shady Lewis nous conduit à travers les méandres d’une administration et d’une société où les fous ne sont pas forcément ceux qui se trouvent dans les centres psychiatriques.

Par Laurent Pfaadt

Shady Lewis, Sur le méridien de Greenwich, traduit de l’arabe par May Rostom et Sophie Pommier
Chez Actes Sud, 208 p.