« Ce pays est l’épicentre d’une culture plus que millénaire vers lequel tous les savoirs ont convergé »

Charlotte Kramer est la présidente de Faksimile Verlag. A l’occasion du congrès du World Society for the Preservation, Study and Popularization of the Cultural Legacy of Uzbekistan  à Samarcande où elle a présenté le Catalogue des étoiles fixes d’Ulugh Beg, nous l’avons rencontré pour évoquer ses travaux sur les grands textes de l’Ouzbékistan.

Charlotte Kramer au congrès du WOCSU
Copyright Sanaa Rachiq

Pouvez-vous nous présenter votre maison d’édition ?

Faksimile Verlag réalise des fac-similés, des copies fidèles en tout point (couleurs, coupe et reliure si elle existe encore) de manuscrits originaux conservés dans les princpaux musées et institutions  du monde. Nos projets prennent du temps – deux à trois ans voire plus – avant d’aboutir et mobilise une équipe scientifique et des experts spécialisés dans les époques ou les thématiques abordées par ces manuscrits que nous reproduisons.

Comment êtes-vous arrivés au Catalogue des étoiles fixes d’Ulugh Beg ?

Nous travaillons depuis longtemps avec l’Ouzbékistan et nos recherches nous ont conduit vers ce manuscrit qui se trouve à la BNF à Paris. Nous sommes immédiatement tombés sous le charme de ce fabuleux manuscrit et avons décidé d’en faire un fac-similé destiné au marché européen. Ce projet fut une réelle aventure, risquée car nous ne savions pas comment il serait accepté par le public européen. Mais le succès fut au rendez-vous. Et puis derrière ce manuscrit, il y a aussi une histoire à la fois belle et tragique, celle d’Ulugh Beg, ce sultan passionné d’art et de science assassiné par sa propre famille.

Comment votre démarche a-t-elle été ressentie ici, en Ouzbékistan ?

Ils étaient ravis car ils voulaient depuis longtemps réaliser ce projet sans pour autant l’avoir  formalisé. J’ai décidé de prendre le risque en éditant 600 exemplaires de ce livre. Ils ont ainsi vu que leurs initiatives pour promouvoir leur culture rencontraient des échos et que leur culture suscitait intérêt et respect.

L’Ouzbékistan est très engagé, en Europe mais aussi aux Etats-Unis, dans la promotion de leur culture.

Oui c’est vrai. Ce pays est l’épicentre d’une culture plus que millénaire vers lequel tous les savoirs ont convergé. Ce congrès a ainsi permis de mettre en lumière divers éléments de leur patrimoine assez peu connus même si les choses évoluent grâce par exemple aux expositions du Louvre, de l’Institut du monde arabe, de Berlin et de Djeddah.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous vous êtes rendus à l’observatoire d’Ulugh Beg ?

C’était assez indescriptible car on sait qu’Ulugh-Beg a travaillé dans cet observatoire avec ce manuscrit pour faire sa propre liste d’étoiles. Samarcande constitue d’ailleurs pour moi un endroit spécial. Il y a une énergie unique dans cette ville.

Cette année vous êtes venus présenter un nouveau projet, celui du Coran Kata Langar. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Coran Kata Langar

Ce projet a démarré il y a six ans environ. Il s’agit de la reproduction dans son intégralité du Coran Kata Langar, un Coran dispersé en Russie, en Ouzbékistan et dans les anciennes républiques socialistes soviétiques. Sous l’URSS dont faisait partie l’Ouzbékistan, le manuscrit a été vendu à un collectionneur privé et s’est retrouvé à Saint-Pétersbourg. Nous l’avons reconstitué pour la première fois et montré lors de ce congrès. Nous avons également présenté deux autres projets : une compilation des trois cents plus belles miniatures d’Asie centrale et un livre regroupant 114 sourates issues des 114 Corans les plus importants du monde en reproduisant à chaque fois la première sourate, la Fatiah, celle qui est la plus enluminée.

Le Coran Kata Langar : Daté du VIIIe siècle, il compte parmi les manuscrits islamiques les plus précieux au monde et est considéré comme une « richesse spirituelle » de l’Ouzbékistan. Le Coran Kata Langar tire son nom d’un petit village de l’Ouzbékistan qui conservaient soixante-sept pages . D’autres pages se trouvent en Ouzbékistan mais la majeure partie du Coran, soit quatre-vingt unes pages, repose à l’Institut des manuscrits orientaux de l’Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg. Personne ne sait aujourd’hui où se trouvent les pages restantes.

Interview Charlotte Kramer par Laurent Pfaadt