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Déjà l’air fraîchit

Le dixième roman de Florian Ferrier
explore une facette quelque peu
méconnue du Troisième Reich, celle
des femmes instruites. Cantonnées à
leurs rôles de mères et d’agents de
perpétuation de la race aryenne
véhiculés par Hitler et Himmler, il n’y
eut que peu de place pour celles qui
effectuèrent des études et tentèrent
de construire leur propre vie.

Attendant son procès dans la prison
d’Hamelin où se trouvent
emprisonnés quelques criminels de guerre, Elektra Winter, walkyrie des bibliothèques, se remémore ses
actions passées au service du Troisième Reich. Elle a été chargée de
purger bibliothèques et archives de l’Europe entière, de Paris aux
territoires de l’Est. Mais quel crime a-t-elle commis ? se demande le
lecteur dans ce roman très réussi. Celui d’avoir servi d’agent de
nazification des consciences ? Certainement. Celui d’avoir permis la
spoliation d’œuvres d’art littéraires pour le compte du
Reichsmarschall Goering ? Assurément. Ou celui, finalement, d’avoir
satisfait une ambition professionnelle quitte à pactiser avec le
diable ? D’avoir saisi cette liberté professionnelle, mais aussi
sexuelle avec Madeleine, son grand amour, durant cette époque
troublée où ces libertés étaient toutes refusées aux femmes. Car la
guerre a permis cela. Le meilleur comme le pire. Avec Elektra, Déjà
l’air fraîchit
nous emmène dans un voyage passionnant des Deux-
Magots à la Shoah au cours duquel le lecteur se demandera en
permanence où se situe la frontière entre ambition et
compromission, entre liberté et asservissement.

Par Laurent Pfaadt

Florian Ferrier, Déjà l’air fraîchit,
Chez Plon, 672 p.

#Lecturesconfinement : Une famille dans la mafia. Corse, au cœur d’une violence sans fin de Marie-Françoise Stefani par Jacques de Saint-Victor

Ce n’est pas un roman policier. Mais il
peut se lire comme tel.
Malheureusement, c’est une histoire
vraie. En novembre 2011, Angèle et
sa fille, la petite Carla-Serena, qui est
âgée de 10 ans, sont victimes avec
leur père, Yves, d
un attentat féroce.
La petite Carla-Serena, blottie sur le
siège arrière, a le bras déchiqueté.
Elle a pu voir ses agresseurs. Elle va
devenir le témoin crucial d’une des
plus dramatiques affaires judiciaires
de ces dernières années. Avec clarté,
minutie et surtout avec courage, 
Marie-Françoise Stefani,
journaliste à France 3 Corse, décortique cette affaire emblématique
de toutes les dérives mafieuses de la Corse. 
Jacques de Saint-Victor est historien et journaliste
au Figaro littéraire

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ne famille dans la mafia. Corse, au cœur d’une violence sans fin de Marie-Françoise Stefani (Plon)
par Jacques de Saint-Victor

#Lecturesconfinement : La discrétion de Faïza Guène par Christophe Desmurger

À notre époque où les extrêmes sont
trop à la mode, où l’argent règne en
maître impitoyable, où tout doit aller
vite, un peu de discrétion est
salutaire.
Cette discrétion-là est celle d’une
femme ordinaire. De son village en
Algérie au bitume d’Aubervilliers,
Yamina rase les murs, ne fait aucune
vague.
Un émouvant portrait d’une femme
qui vit sans éclat.
Une très fine analyse du drame de l’exil, de la difficulté d’être un
enfant d’immigré et de grandir l’âme entre deux terres.
Cette discrétion-là est d’une grande subtilité, elle est grave et
poétique, drôle et émouvante.
Une bulle d’humanité en plein cœur d’une société ubérisée.

Vive La discrétion!

Christophe Desmurger est professeur et écrivain.
Dernier livre paru : Zone d’éducation privilégiée (Anne Carrière).

La discrétion
de Faïza Guène (Plon)
par Christophe Desmurger

Le livre à emmener à la plage

Robert Harris, D.,
Chez Plon

 

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On pensait l’Affaire Dreyfus inadaptable, impossible à romancer. Trop lourde d’enjeux, trop imposante dans sa symbolique historique, trop fragile pour l’histoire nationale française ! Et pourtant, Robert Harris l’a fait et de quelle manière ! Il faut dire que le maître du suspense britannique avait préparé le terrain ces dernières années avec plusieurs romans d’anthologie comme Fatherland (1992), Pompéi (2003) ou Impérium (2006).

Parvenu assez rapidement au terme de ce roman tellement il est difficile de le lâcher, une impression domine : mais pourquoi ne l’a-t-on pas écrit plus tôt ? Car tout se prête au roman dans cette affaire Dreyfus: un innocent injustement condamné (Alfred Dreyfus), un Etat décidé à étouffer un scandale, un héros qui doit se battre contre ses pairs et contre des forces qui tentent de le broyer (Georges Picquart), une histoire d’amour déchirante (entre Lucie et Alfred Dreyfus) et pour pimenter tout cela, une histoire d’espionnage entre deux pays au bord de la guerre.

Suivant les traces du colonel Georges Picquart, chef du deuxième bureau (le service de renseignement militaire), l’intrigue du roman et le scandale de l’affaire se déroulent lentement comme une pelote de laine sous la plume d’un Robert Harris au sommet de son art. Plus qu’un roman policier, D. est également une formidable entrée en matière pour un public peu familier de cet évènement majeur qui laissa des traces indélébiles sur notre histoire de France et peu enclin à se plonger dans des essais volumineux parfois dissuasifs.

Quand l’histoire se lit comme un roman…

Par Laurent Pfaadt
Edition hebodscope 1009, juillet 2014