Ma vie

Les différentes attaques du Hamas ainsi que la riposte menée par Israël ont projeté l’État hébreux un demi-siècle en arrière, presque jour pour jour dans l’une des plus graves crises que connut le pays et qui menaça son existence même : la guerre du Kippour. Comme en 2023, le Premier ministre d’alors, Golda Meir, avait sous-estimé ses ennemis : « De tous les évènements dont j’ai traité dans ce livre, il n’en est pas un dont il me soit plus difficile de parler ici que la guerre d’octobre 1973 dite du Yom Kippour » écrit-elle dans son autobiographie publiée en 1975 et qui reparaît judicieusement ces jours-ci.


Celle que l’on nomma la « grand-mère d’Israël » et fut l’une des premières femmes chef d’un gouvernement naquit en 1898 à Kiev dans une famille pauvre confrontée très tôt à un antisémitisme latent que retranscrivit très bien l’écrivain américain Bernard Malamud dans L’homme de Kiev (Rivages) et qui se déchaîna pendant la seconde guerre mondiale.

Ayant émigré aux Etats-Unis, à Milwaukee puis en Israël avant une Shoah qui emporta de nombreux membres de sa famille, Golda Meir s’engagea très vite dans la construction du nouvel état d’Israël. Elle fut aux côtés de David Ben Gourion lorsque ce dernier proclama, le 14 mai 1948, l’indépendance d’Israël. « Mes yeux étaient pleins de larmes et mes mains tremblaient (…) Quoi qu’il arrivât désormais, quel que fut le prix que nous dussions payer pour cet acte, nous avions ressuscité le Foyer national juif (…) Nous devenions une nation comme tant d’autres, maîtresse pour la première fois depuis vingt siècles, de ses destinées » écrit-elle.

Mais le prix à payer fut lourd, très lourd. Un prix dont elle s’acquitta en tant qu’ambassadrice en Union soviétique puis membre de plusieurs gouvernements. Golda Meir traversa ainsi ces années d’incertitude marquées par plusieurs guerres qu’elle relate. Elle côtoya Molotov, Kissinger, le roi Abdullah ou Nixon avant d’accéder au poste de Premier ministre en 1969 tout en conservant une vie personnelle marquée par une simplicité qu’elle exprime librement dans ses mémoires. Déesse de la vengeance des athlètes assassinés au JO de Munich en 1972, elle remporta l’année d’après, une guerre du Kippour qui constitua pour elle une victoire à la Pyrrhus. Au lendemain de cette dernière sur les armées égyptiennes et syriennes, Golda Meir lançait pourtant : « Le monde en général et les ennemis d’Israël en particulier devraient se mettre dans la tête que les circonstances qui coûtèrent la vie à plus de 2500 Israéliens dans les combats ne se reproduiront plus »

Une phrase qui résonne aujourd’hui avec force et amertume et annonce peut-être une nouvelle histoire.

Par Laurent Pfaadt

Golda Meir, Ma vie, traduit de l’anglais par Georges Belmont et Hortense Chabrier
Aux éditions Les Belles Lettres, 672 p.