23 Fragments de ces derniers jours

Un des spectacles qui fera date dans cette saison du Maillon, celui de la franco-brésilienne Maroussia Diaz Verbèque directrice de la Cie Le Troisième Cirque qui nous offre un voyage au Brésil de la plus étonnante et ludique façon qui soit. Et d’abord en nous faisant part de son bonheur d’enfin avoir pu réaliser ce spectacle différé ces dernières années en raison de la venue au pouvoir de Bolsonaro, véritable destructeur de la culture au Brésil et de l’épidémie de covid. La réalisatrice qui se définit comme circographe (néologisme pour parler d’une forme originale du cirque, un cirque qui parle et peut faire surgir le politique) a rassemblé trois circassiennes, Beatrice Martins, Julia Henning, Maira Moraes du collectif Ver de Brasilia et trois artistes brésiliens, venus de Rio, Recife et Salvador, engagés par la Cie Le Troisième Cirque, Lucas Cabral Maciel, Marco Motta, André Oliveira.


© João Saenger

Véritable festival de jeux qui mettent en valeur la créativité des artistes, leur audace à réaliser des numéros on ne peut plus délicats comme celui de la fakiriste, Maira marchant avec précaution mais tranquillité sur un tapis de verre cassé ou sur des bougies de chauffe-plat allumées, évidemment impressionnant comme le seront bien d’autres performances. On nous en annonce 23, elles seront en réalité 36, c’est dire combien nous avons eu d’occasions de nous régaler allant de surprises en émerveillements.

Les artistes règnent en maitres sur des objets hétéroclites venus du quotidien, tel marche sur des jouets qui couinent quand on les écrase, Béatrice avance avec application sur une bâche à bulles qui émet de petits claquements à chaque pas. Mais bientôt on a le souffle coupé en voyant Julia escalader en talons une pyramide constituée de tabourets et de bouteilles superposés et on admire son sang-froid tandis qu’elle est aux prises ce fragile équilibre.

Les performances se succèdent à un rythme soutenu, toujours accompagnées de musique et chose remarquable tous les acteurs sont aussi régisseurs, s’empressant d’apporter les objets nécessaires aux numéros à réaliser ou débarrassant promptement la piste de ce qui ne sert plus. Une entente et une complicité sans faille. Si on casse des bouteilles on ramasse les morceaux dans un bac, s’il faut annoncer de prestations on apporte des paillassons avec inscription adéquates. Tout se décline dans la bonne humeur, avec une grande liberté de ton qui fait que toutes les disciplines sont convoquées, la poésie avec ce survol du cerf-volant ou ce défilé de parapluies, la tendresse avec ces baisers interrompus gentiment par l’irruption de ballons entre les partenaires. Et puis les danses dans lesquelles excellent Lucas pour la samba, André pour la danse urbaine acrobatique, d’une virtuosité éblouissante, sans oublier les prestigieux numéros de trapèze où Marco aux sangles livre son corps à de prodigieuses contorsions et où on suit Julia faire l’ascension d’une corde garnie de bouteilles.

Sans esbrouffe avec une simplicité apparente, ces artistes qui sont danseurs, acrobates, équilibristes, trapézistes nous ont emmenés dans le monde du jeu, où l’incroyable devient possible par la magie de leur talent et nous ont donné de vivre un moment d’espoir et de joie .

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 22 février au Maillon