L’égyptienne Reem Bassiouney grande favorite de la 18e édition du Sheikh Zayed Book Award 2024

Parmi les 4240 candidatures émanant de 74 pays dont 19 venues du monde arabe, soit une hausse de 34 % par rapport à l’an passé ce qui traduit incontestablement un regain de notoriété mais également comme le rappelle le Dr Ali Bin Tamim, secrétaire général du Sheikh Zayed Book Award « la richesse culturelle et la vitalité intellectuelle du paysage littéraire arabe d’aujourd’hui », ce dernier a communiqué ses finalistes dans les différentes catégories du prix.


Reem Bassiouney

Parmi ces derniers figurent quelques écrivains à surveiller. Et en premier lieu, dans la catégorie reine, celle de la littérature, l’auteure égyptienne Reem Bassiouney, victorieuse du prestigieux prix Naguib Mahfouz en 2020 pour son livre The Mamluk Trilogy et qui fait figure de favorite avec son nouvel ouvrage Al Halawani: The Fatimid Trilogy (The Sicilian, the Armenian, the Kurd) qui raconte à travers les figures de Jawhar Al-Siqilli (Le Sicilien) général fatimide de la fin du Xe siècle qui fonda la ville du Caire (al-Qahirah) et la grande mosquée al-Azhar, Badr Al-Djamali (L’Armenien), cet ancien esclave arménien devenu général et Youssef Ibn Ayoub, plus connu sous le nom de Saladin (Le Kurde), général victorieux des croisés à Hattin en 1187, l’ histoire de cette dynastie descendante du prophète qui régna sur l’Egypte. Son livre est intitulé Al Halawani « le confiseur », surnom donné à Jawhar Al-Siqilli qui fut un confiseur avant d’embrasser une carrière militaire.

Non traduite pour l’instant en français, cette incroyable histoire délicieuse comme une boîte de katayef, ces pâtisseries farcies de crème de lait ou de pistaches, séduira à n’en point douter les lecteurs français dans un proche avenir. Reem Bassiouney aura face elle l’écrivain jordanien Jalal Barjas, lauréat de l’International Prize for Arabic Fiction en 2020, avec son nouveau livre The Duduk’s Whimper et l’écrivain et journaliste libanais Hassan Daoud dont les livres notamment Cent quatre-vingt crépuscules (2010) ont été publiés en France chez Actes Sud.

Dans la catégorie jeune auteur, plusieurs romanciers et essayistes figurent parmi les finalistes. Parmi eux, Mustapha Rajouane, déjà sélectionné en 2021 et qui revient avec Vivre pour raconter :
l’imagination éloquente dans Kalīla wa-Dimna (Na’eesh li-Nahki: Balaghat al-Takhyeel fi Kalila wa Dimna,
Publishing and Distribution House, 2023). Il disputera le prix à deux universitaires, le yéménite Dr Alawi Ahmed Al Malgam pour La sémiotique de la lecture : une étude de l’interprétation du Diwand’Al-Mutanabbi au septième siècle (Simya’iyat al-Qira’a: Dirasa fi Shurooh Diwan al-Mutanabbi fi al-Qarn al-Sabe’ Hijri (Kunouz Al-Ma’refa Publishing and Distribution House, 2023) et le tunisien Dr Houssem Eddine Chachia pour Le paysage morisque : récits d’expulsion dans la pensée espagnole moderne (Al Mashhad al-Moriski: Sardiyat al-Tard fi al-Fikr al-Espani, Centre for Research and Knowledge, Intercommunication, 2023)

La France sera à nouveau représentée dans la catégorie culture arabe dans une autre langue où Florence Ollivry, autrice d’un Louis Massignon et la mystique musulmane : analyse d’une contribution à l’islamologie (Brill, 2023), tentera avec cet ouvrage consacré au grand islamologue français de succéder à Mathieu Tillier, couronné l’an passé. Elle aura pour concurrents deux universitaires allemands (Thomas Bauer et Frank Griffel), l’italienne Antonella Ghersetti et l’américain Eric Calderwood, auteur du remarqué On earth or in Poems : Many Lives of al-Andalus (Harvard University Press, 2023). Côté traduction, Italo Calvino dont on a fêté le centenaire de la naissance en 2023, Arthur Schopenhauer et Giambattista Vico seront à l’honneur.

Tous les finalistes du Sheikh Zayed Book Award seront une fois de plus placés sous le patronage du département de la culture et du tourisme d’Abu Dhabi et de son centre de langue arabe présidé par le docteur Ali Bin Tamim. Chaque lauréat se verra remettre un chèque de près de 187 000 euros lors de la Foire Internationale du livre d’Abu Dhabi qui se tiendra du 29 avril au 5 mai 2024.

Par Laurent Pfaadt

Pour retrouver la liste de tous les finalistes : http://www.zayedaward.ae

La Nouvelle France à la conquête de l’ancienne

Le Québec sera l’invité d’honneur de la prochaine édition du Festival du livre de Paris. L’occasion de découvrir cette littérature atypique

Malgré son incontestable richesse, la littérature québécoise reste encore méconnue de ce côté-ci de l’Atlantique. Quelques auteurs ont bien réussi à percer ces dernières années comme Heather O’Neill dont on garde encore en tête son merveilleux roman Les enfants de coeur (Seuil, 2018) pourtant écrit en anglais et qui présentera cette année Perdre la tête (Les Escales, 2024), une sombre histoire d’amitié féminine dans le Montréal de la deuxième moitié du XIXe siècle, ou plus récemment Eric Chacour qui a rencontré un succès mérité pour sonCe que je sais de toi (Éditions Philippe Rey, 2023) récompensé à juste titre par le prix Femina des lycéens l’an passé, deux auteurs qui seront présents lors de cette nouvelle édition du festival du livre de Paris. Pourtant, la Belle Province recèle de nombreux auteurs de talent à découvrir qui, à l’instar de leurs homologues africains notamment, concourent à enrichir et à magnifier une langue française en perpétuelle évolution.


Aujourd’hui le Quebec publie près de 6000 livres chaque année et le monde éditorial québécois témoigne avec plus de 175 maisons d’édition agréées par le ministère de la Culture et des Communications du Québec, d’une extraordinaire vitalité. Et certaines ont ainsi décidé de partir à la conquête des librairies françaises notamment Heliotrope, maison d’édition fondée à Montréal en 2006 qui publie de la littérature, des livres illustrés, des essais et depuis 2015, des romans noirs. Elle sera présente à Paris en compagnie de trois auteurs : Vincent Brault qui, à travers son roman Le Fantôme de Suzuko (2021), évoquera lors d’une rencontre la recherche impossible d’une amoureuse disparue dans les rues de Tokyo, Martine Delvaux (Thelma, Louise et moi, 2021) qui refait le film de sa vie à travers le célèbre long-métrage qu’elle évoquera lors d’un débat, le 13 avril autour du féminisme et André Marois qui viendra présenter La Sainte Paix sortie l’an passé.

D’autres auteurs bien installés dans les catalogues des grandes maisons d’édition viendront également à la rencontre de leur public. En premier lieu Dany Laferrière, écrivain haïtien désormais immortel et résidant à Montréal qui partagera maximes, réflexions commentées et rêveries tirées de son dernier livre, Un certain art de vivre paru chez Grasset l’an passé. Il sera accompagné de Dominique Fortier qui reviendra dans son dernier livre, Les ombres blanches, sur la poésie et le deuil de la poétesse britannique Emily Dickinson, sujet de son magnifique roman précédent, Les Villes de papier, qui avait obtenule Prix Renaudot en 2020.

Ces moments de partage et de découverte autour de la littérature québécoise inciteront certainement un certain nombre de lecteurs à se tourner vers quelques romans parus ces dernières semaines et qui séduiront à coup sûr de nouveaux lecteurs à commencer par le puissant Mykonos d’Olga Duhamel-Noyer, directrice littéraire des éditions Heliotrope. Ce court roman au style incisif dépeint au vitriol ce paradis de la jet-set à l’occasion de la virée de cinq amis. Ces derniers auraient pu y rencontrer Anaïs, l’héroïne de Prendre son souffle, le dernier né des romans de Geneviève Jannelle publié dans une autre maison d’édition qui souhaite s’implanter en France, Québec Amérique. Mais voilà Anaïs a rencontré Eden et le coup de foudre fut immédiat. Mais la foudre est devenue drogue avec son addiction mortifère qui contamine les protagonistes de ce roman. Bientôt l’addiction deviendra poison. On vous laisse imaginer la suite.

Côté essais,  l’œuvre à découvrir est assurément celle de Jean-François Beauchemin, essayiste prolifique récompensé par de nombreux prix internationaux. Qu’il s’agisse des Archives de la joie, petit traité de métaphysique animale ou Le vent léger (tous deux chez Québec Amérique), chronique d’une famille au début des années 1970 qui interroge sur les notions de destin et de fatalité, les livres et la pensée de Jean-François Beauchemin ne vous laisseront pas insensibles tout comme cette merveilleuse littérature québécoise qui, à l’image des Invasions barbares de Denys Arcand, sait plonger, mieux que personne, dans les tréfonds de l’âme humaine.

Par Laurent Pfaadt