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La vie comme un souffle

Dans son nouveau roman, Joyce Carol Oates évoque la perte de l’être cher. Une nouvelle fois magnifique

« Car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière » proclame la Genèse. Gérard McManus fut un brillant intellectuel de Harvard venu enseigner à l’Institut de Santa Tierra au Nouveau-Mexique. Après un cancer qu’il affronta en compagnie de sa deuxième femme, Michaela, il fut réduit à 3,1 kg de cendres. De notre naissance à notre mort, notre poids n’a que peu varié mais chacun a vécu pendant 70-80 ans une vie faîte de joies, de peines, de contradictions qu’explore depuis plus de soixante ans la romancière américaine Joyce Carol Oates, véritable peintre des batailles qui secouent notre cerveau. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si l’ouvrage sur lequel travaillait Gérard s’intitulait « Malaise dans le cerveau humain ». Un titre qui sonne chez Oates comme le résumé d’une œuvre bâtie livre après livre. Sorte de Malaise dans la civilisation américaine par cette Freud des lettres américaines.


Dans ce nouvel opus, toujours publié chez le fidèle Philippe Rey, celle qui s’attache à analyser sans relâche nos psychoses et nos peines, s’attarde sur la peine finale, celle de la mort non pas pour celui qui la vit mais pour celui qui la voit, qui la ressent sans mourir. Ici en l’occurrence Michaela, la femme de Gérard qui accompagne, seule, son mari jusqu’au seuil de la mort avant d’errer, à nouveau seule, dans les limbes du deuil.

Respire est bel et bien un thrène au sens aussi bien antique que contemporain. D’ailleurs, la référence à l’Antiquité n’est pas galvaudée puisque l’opéra favori de Gérard est celui d’Orphée et Eurydice de Glück, cette histoire d’amour maudite. Maudit, tiens un autre roman de Joyce Carol Oates. Car Michaela semble condamnée à errer dans ce monde parallèle qui n’est ni la folie, ni la réalité en compagnie des mânes de Gérard. « Tu sais que je suis ici, Michaela. Mais je suis ailleurs » entend-elle. Michaela, cette femme qui, toute sa vie, a cherché sa légitimité auprès de cet homme.

Plus on avance dans cette magnifique variation du chagrin et du deuil enveloppée de ce voile de solitude, plus Respire… nous apparaît comme un condensé de l’œuvre de l’écrivaine. Michaela semble modelée avec la propre autobiographie de l’autrice dévoilée notamment dans J’ai réussi à rester en vie (2021) où elle raconta son deuil après le décès de son mari Raymond Smith. Et cette réalité parallèle, ce calque opaque de la réalité qui fait la grande force des romans de Oates, se teinte d’une dimension animiste, sorte de gothique qu’elle trempe dans le brasier du Nouveau-Mexique.

Si on y ajoute le stupéfiant travail de projection de l’esprit humain dans les objets et la prodigieuse résilience que Joyce Carol Oates insuffle à tous ses personnages notamment féminins où, à l’instar de Michaela, ils trouvent dans leurs souffrances, leurs humiliations, le rabaissement de leurs conditions, matière à leur survie, Respire…constitue non seulement un nouveau tour de force littéraire mais ajoute une pierre supplémentaire à un édifice qui, assurément, demeurera et ne retournera pas, comme tant d’autres, à la poussière.

En plus de son nouveau roman, les éditions Philippe Rey publient également de Joyce Carol Oates une nouvelle série de quinze nouvelles inédites sous le titre d’Un (autre) toi qui mettent en scène des personnages aux prises avec les aléas du destin et où, une fois de plus, le fantastique côtoie la réalité.

Par Laurent Pfaadt

Joyce Carol Oates, Respire…
Aux éditions Philippe Rey, 400 p.

Joyce Carol Oates, Un (autre) toi, Philippe Rey, 352 p.

Tchaïkovsky

Délaissant un moment ce Chostakovitch dont il a entrepris d’enregistrer l’intégrale des symphonies, Le London Symphony Orchestre et son principal chef invité, Gianandrea Noseda ont décidé de rester dans cette Russie qui ne s’appelait pas encore URSS pour s’atteler à deux figures du répertoire russe : Tchaïkovsky et Rimsky-Korsakov.


Monument de la musique symphonique romantique et pièce maîtresse de l’édifice musical tchaïkovskien, la cinquième est de loin la plus belle symphonie du compositeur, tout emplie de drames et d’émotions. Fidèle aux origines, d’une pureté presque parfaite, la version du chef italien est magnifique. Exaltant le lyrisme inhérent à l’œuvre grâce à des cuivres brillants qui donnent une impression de puissance sans exagération et manifestant un sens du tempo parfait, son interprétation est de très grande qualité et s’inscrit indiscutablement dans celle du grand Mravinsky réalisée en 1983 et gravée chez Erato. Avec ce disque supplémentaire, Gianandrea Noseda s’affirme un peu plus comme l’un des grands interprètes du répertoire russe en digne héritier des Mravinsky et Jansons.

La suite Kitezh plonge quant à elle l’auditeur dans une atmosphère de légendes et d’aventures. Grâce à son chef, le LSO est plus qu’un orchestre, c’est un conteur. On a hâte de les entendre sur les Tableaux d’une exposition de Moussorgsky. Un disque qui devrait trouver sa juste place dans la discothèque de tout passionné de musique russe.

Par Laurent Pfaadt

Tchaïkovsky, Symphony n°5, Rimsky-Korsakov, Kitezh Suite,
London Symphony Orchestra, dir. Gianabdrea Noseda
LSO Live

Berlin mon garçon

L’épidémie de Covid 19 nous en avait privé mais cette fois-ci la pièce est bel et bien là, au TNS et nous nous en réjouissons.

C’est une pièce qui interpelle aussi bien par son contenu que par sa forme. De l’auteur, Marie Ndiaye, artiste associée au TNS nous avions pu voir « Hilda » en octobre 2021 et « Les Serpents » en avril 2022 qui, toutes deux nous avaient impressionnés par les situations humaines, bouleversantes qu’elles révélaient.


Il en est de même avec « Berlin mon garçon » qui répond à une commande de Stanislas Nordey à propos du terrorisme et nous conte l’histoire d’un adolescent qui quitte soudainement sa famille pour aller vivre à Berlin mais ne donne aucune nouvelle de lui et reste injoignable.

C’est l’histoire de cette mère, Marina, qui n’y tenant plus décide de se rendre à Berlin pour le retrouver et le ramener avec elle à Chinon où, avec son mari, Lenny, elle tient une librairie.

Son arrivée à Berlin lui réserve quelques surprises, celle de découvrir une ville surprenante, décevante, pour ainsi dire maléfique à ses yeux, alors que nous voyons projetés sur l’écran en fond de scène un défilé de magnifiques points de vue, en noir et blanc, sur l’architecture du Berlin reconstruit après la guerre (scénographie Emmanuel Clolus)

Surprise aussi celle d’être attendue à son arrivée par son futur logeur, un certain Rüdiger, enfin d’apprendre, par celui-ci, que, d’après les nouvelles lois en vigueur, il sera présent dans le logement qu’elle a retenu chez lui dans le Corbusierhaus, ce grand ensemble d’immeubles, imitation de la Cité radieuse de Le Corbusier à Marseille.

Elle est là, dans cet espace gris et vide, petite femme bien droite dans son manteau orange, (costumière Anaïs Romand) exposant son point de vue sur Berlin, ville de liberté, de plaisirs qui aurait attiré son fils et annonçant la quête qu’elle entend y mener. Lui, Rüdiger, se rapprochant d’elle, confie le tourment que lui cause cette cohabitation imposée par les récentes directives de location, sans oublier ces choucas, oiseaux noirs, nombreux et bruyants qui volent au-dessus de l’immeuble et risquent d’importuner son hôte. Mais, ces considérations sont formulées comme un discours intérieur qu’il destine à lui seul, de même pour son autoportrait où il se dit
« homme gentil et serviable ». Cette forme de discours indirect avec souvent l’emploi de l’imparfait est pour le moins originale et sera de mise à maintes reprises au cours des rencontres que cette aventure va susciter. Une cohabitation des discours, en quelque sorte, une forme de distanciation pertinente puisqu’elle correspond aux mondes parallèles dans lesquels vivent les protagonistes. Ainsi, présentement, elle, obsédée par la recherche de son fils ne parlant que de cela et lui, rompant avec la discrétion qu’il voulait s’imposer, décidant de l’aider.

Bientôt, nous serons dans  un autre lieu mais auparavant, c’est le noir sur le plateau et la projection d’ un dessin animé représentant Pinocchio avec des oreilles d’âne, allusion évidente à la désobéissance des enfants qui se laissent facilement séduire par de fallacieuses promesses (vidéo Jérémie Bernaert).

Nous sommes maintenant à Chinon. Autour du plateau, des livres ont été disposés C’est la librairie tenue par Marina et Lenny un lieu de culture dont Lenny est fier et non une « boutique » comme sa mère, Esther se complaît à le dire, il le lui signale violemment lors de sa visite. Leur rencontre est houleuse. Elle est venue le voir pour parler de son petit-fils dont l’absence l’inquiète et de ce silence que son fils maintient à ce propos, silence qu’elle juge dommageable car elle craint le pire concernant le jeune homme. Elle le met en demeure de prendre ses responsabilités et d’aller lui aussi le chercher. Femme autoritaire, elle prétend pénétrer dans les pensées de son fils et lui-même avouera « ma mère parle en moi ».

Après un nouvel intermède où l’on revoit un Pinocchio aux oreilles d’âne encore plus longues, on retrouve dans son appartement Marina qui reçoit Charlotte, la dernière compagne du fils dont elle est sans nouvelle. Rudiger assiste à leur entretien, chargé de traduire les propos de Charlotte et coup de théâtre, voilà qu’il prend en charge la situation et donne à entendre ce qu’il pense rassurant pour Marina et qui est l’inverse de ce que raconte la jeune fille dont le visage apparaît en gros plan sur l’écran et témoigne de son angoisse, des craintes qui l’habitent concernant les projets du garçon, capable, si ce n’est déjà fait, d’accomplir l’irréparable. Elle évoque cela, mais Rüdiger traduit à Marina que le garçon va bien et qu’il est parti à Munich. Elle fait semblant de l’admettre malgré les doutes qui subsistent en elle en voyant le visage affligé de Charlotte.

Quand nous retournerons dans la libraire ce sera pour entendre Esther adjurer Lenny de partir à Berlin avec ce viatique qu’elle répète tournée vers le public « va mon enfant et ne commets pas de faute ». C’est sa morale, celle, pense-t-elle, que les parents n’ont pas inculquée à leur fils.

Lenny ira à Berlin, prêt à fouiller la ville, affirme-t-il pour le retrouver et changer ses tristes habits contre « la chemise à fleurs » qu’il lui destine. Mais Marina qui se souvient que Lenny a été « glacé »  pense-t-elle, avec son fils et lui a souvent parlé durement, lui demande de rentrer à Chinon, puisque, d’après ce qu’on lui a dit, le garçon  est parti vivre sa vie à Munich.

Quant à elle, elle renonce à aller à Munich et réconciliée avec Berlin, de s’y installer, délivrée de sa culpabilité. 

Le texte de et Marie Ndiaye aborde la grande question de l’éducation des enfants, de la façon dont on les aime et de la culpabilité que l’on peut éprouver lorsque ceux-ci prennent un chemin qui les amène au bord du gouffre. Comme elle le fait dire par le personnage de Charlotte ; « demandez-lui ce qu’il a vécu d’effroyable à Chinon pour transporter jusqu’à Berlin un cœur si haineux ». Il met aussi en exergue le mystère de chaque être, la liberté individuelle, l’émancipation dont Marina donne l’exemple et la solidarité dont fait preuve Rüdiger à son égard.

Tout cela exprimé dans une langue superbement travaillée et dans un style qui privilégie le discours intérieur, les adresses imaginées à l’interlocuteur présent ou non, la parole qui devient narrative, formes dont nous sommes amenés à faire usage dans certaines circonstances.

La mise en scène pertinente de Stanislas Nordey donne toute sa place au texte et au jeu des comédiens particulièrement bien choisis pour cette délicate interprétation.

Hélène Alexandridis  campe une Marina, femme à la fois fragile et forte, angoissée par le départ inopiné de son fils,  mais déterminée, volontaire, capable de se métamorphoser pour s’en sortir, toujours debout,  la comédienne assume la partition complexe que son rôle lui réserve à côté de Claude Duparfait qui, lui, est le logeur un peu complexé mais attentif, sachant dépasser sa maladresse pour se faire menteur, sauveur.

Laurent Sauvage se présente, à l’opposé,  comme un Lenny , volontiers fier et hâbleur, parlant fort et facilement accusateur, révélant une certaine dépendance vis-à-vis d’Esther, sa mère, dont le rôle tenu par Annie Mercier impressionne car la comédienne  à la voix rauque sait  se montrer envahissante et péremptoire, captant l’attention du public pour donner ses conseils de bonne éducatrice.

Dea Liane fait une Charlotte désemparée, avertisseuse de la catastrophe qui guette le garçon, son ex- petit ami et qui, sans hésitation, remet en cause sa vie d’avant à Chinon où une cliente de la librairie jouée par Sophie Mihran dit avoir vu changer le garçon au cours de son adolescence.

Une pièce qui ne manque pas de questionner notre sens de la responsabilité soumis aux aléas du mystère de l’être humain.

Marie-Françoise Grislin

Représentation du 9 novembre

A l’affiche jusqu’au 19 novembre au TNS 

CAVALLERIA RUSTICANA

Cavalleria Rusticana ist einer der Pfeiler des italienischen « Verismo »und sicher eine der beliebtesten und meist gespielten Opern in der Welt. Altvater Verdi hat das Werk sehr gelobt. Leider konnte Mascagni den riesigen Erfolg des Werkes nicht mehr erreichen, wenn man auch « Iris » und « Isabeau » bevorzügen kann.


Thomas Hengelbrokhat die Originalpartitur studiert und beschlossen die Urfassung des genialen Wurfs zu geben. Und siehe, das Original klingt viel moderner, besonders in den Chören die beinahe avantgardiste Züge zeigen und developpierter als in der revidierten Fassung sind. So ist die Eintrittsarie des Alfios, mit Chor, viel bewichtiger und gibt der Partie  des Baritons meht Präzens. Das Trinklied des Turiddu ist auch viel länger, eine der Strophen wird mit Lola dargebieten, und der Chor gerät immer mehr in beinahe orgiastische Ausbrüche.

Das Bedeutenste aber ist das Santuzza nicht für Mezzo oder für ein Hochdramatischen Sopran gedacht ist, aber für einen lyrischen, was der Partie eine jugendliche Farbe verleiht ! Wir haben es hier mit einer jungen Frau, nicht mit einer Diva zu tun.

Die Besetzung fügt sich ganz in diese neue Perspektive ein. 

Die Rolle der Santuzza wird von Carolina Lopez Moreno mit jugendlicher Stimme vorgetragen. Ihr lyrische Sopran verfügt über eine wunderbar strahlende Höhe, überzeugt aber auch im tieferen Register. Die Kunst des Legatos und die wunderschönen Nuancen erlauben ihr das rührende Porträt einer liebenden jungen Frau zu gestalten. Da die Sängerin auch Bildhübsch ist und ein feines darstellerisches Gefühl hat kann man ihr eine grosse Karriere voraussagen.

Als die Rivalin Lola, überzeugt Eva Zaïcik mit ihrem leichten Mezzo.

Elisabetta Fiorillo , die eine fabelhafte Karriere hinter sich hat, gestaltet eine tragische Mamma Lucia, ohne je ins pathetische zu entgleisen. Die Stimme ist immer noch schön timbriert und die Ausprache hervorragend.

Giorgio Berrugi gestaltet Turiddu mit seinem schönen, strahlenden Tenor, weiss aber auch den Nuancen der Partie völlig gerecht zu werden.

Alfio wird von Domen Krizaj tadellos vorgetragen. Seine schöne Baritonstimme entfaltet sich in der Rolle, die hier viel gewichtiger ist als in der üblichen Fassung. Sein Alfio ist nicht der brutale Fuhrmann den man gewohnt ist sondern ein junger, verliebter und betrogener Mann.

Thomas Hengelbrock kostet jede Nuance der Partitur aus, die sehr geschickt orchestriert ist und nichts mit manchen Grobheiten eines falschen Verismo zu tun hat. Das grossartig spielende Balthasar Neumann Orchester ist total im Einklang mit dem Dirigenten, sowie der tadellos singende Balthasar Neumann Chor der die heiklen Stellen dieser Fassung völlig meistert.

Um das Gewicht der katholischen Kirchen in Sizilien zu unterstreichen, hat Thomas Hengelbrok das Credo der « Missa di Gloria » von Puccini vor Beginn der Oper dirigiert. Es ist sicher nicht das Beste was Puccini geschrieben hat und war eigentlich überflüssig, trotz der schönen Darbietung des Tenors.

Man kann nur wünschen das die Opernhäuser die Originalfassung des Werkes in ihren Spielplan aufnehmen werden.

Jean-Claude Hurstel

Festspielhaus Baden-Baden Freitag, den 11 November 2022
PIETRO MASCAGNI

Une jeunesse en enfer

Un adolescent couche sur le papier sa vie durant le siège de Leningrad. Bouleversant


Ce qu’il y a de fascinant avec les livres et les manuscrits, c’est les chemins qu’ils prennent pour arriver jusqu’à nous. Même dans les situations les plus extrêmes, les plus inextricables, ils demeurent, survivent au feu, à la mort, à l’oppression et à la destruction systématique et organisée des hommes. Comme si l’histoire, avec sa volonté propre, veillait sur ces documents pour qu’ils nous parviennent.

Tel fut le cas du journal de Iouri Riabinkine, jeune adolescent de quinze ans enfermé dans l’immense piège qu’Adolf Hitler tendit à la ville de Leningrad. Perdu, à moitié brûlé, son journal réapparut à l’occasion d’un recueil de contributions sur le siège avant de retrouver son propriétaire puis d’être enfin publié.

A l’image d’une Anne Frank dont il soutient aisément la comparaison, le jeune Iouri ne s’attendait pas à laisser à l’humanité cet exceptionnel témoignage. Car comme dans le cas de l’invasion des Pays-Bas, celle de l’URSS par la Wehrmacht à partir du 22 juin 1941, changea le destin du jeune adolescent. A cet instant, il n’est que l’un de ces milliers d’enfants vivant dans l’ancienne St Pétersbourg. On est encore confiant. Tout le monde en est convaincu : Staline ne laissera jamais les armées du Troisième Reich prendre la ville. Alors jusqu’au 8 septembre, on vit la guerre certes mais on ne la subit pas. Iouri ne sait pas alors qu’il vient d’entamer les 872 jours de siège qui transforma la cité en une tombe à ciel ouvert.

« Adieu mes rêves d’enfant ! » écrit-il alors. Effectivement aux rêves succèdent des cauchemars qu’il vit les yeux ouverts. Les lignes de Iouri Riabinkine sont lentement rongées par la vermine, le froid, la mort, la culpabilité et surtout la faim. Et tandis que l’hiver 41-42 où les températures descendent jusqu’à -32° s’abat sur la ville, Iouri tente de conserver son humanité tout en vivant dans « la faim, le froid, parmi les puces ». Car la faim est partout. On mange le cuir, la tapisserie, ses semblables. Elle est sur les corps. Dans les âmes. Elle obsède et devient sous les mots de Iouri, un être maléfique : « Je voudrais une mort rapide, sans douleur, pas une mort causée par la faim, ce fantôme sanguinaire qui est si proche » supplie-t-il.

Le journal de Iouri Riabinkine ne fut certes pas le seul témoignage sur le siège de Léningrad, on pense notamment à celui de Lena Mukhina (non traduit), mais la puissance de ce texte frappe par cette lutte intérieure et extérieure que le jeune homme mena pour ne pas devenir une bête, face à l’anéantissement de sa propre condition. C’est le journal d’un adolescent devenu un vieillard sans avoir été un homme qui oppose à la fatalité d’une guerre et à une mort dévoreuse d’enfants une résistance admirable. Cette mort qui, chaque jour, le prive de forces, lui et son récit qui gagne alors en intensité. Ce dernier finit par s’estomper, jusqu’à s’éteindre sur ces mots : « Le temps traîne si lentement, si longtemps… Oh, mon Dieu, qu’est-ce qui m’arrive ? ».

Chaque adolescent devrait lire ce texte qui doit être montré, étudié dans chaque collège, chaque lycée, chaque école. Un texte qui selon les mots de Sarah Gruszka, historienne qui a coordonné ce projet « devrait rejoindre le vivier des grands témoignages de ce XXe siècle sanglant ». Oui, indiscutablement.

Le temps a traîné cher Iouri mais sache que ta résistance ne fut pas vaine. Elle est parvenue jusqu’à nous. Magie de l’Histoire ou hasard du destin, magie du destin ou hasard de l’histoire, je ne sais pas. Mais ton livre et ton courage demeurent aujourd’hui.

Merci.

Par Laurent Pfaadt

Iouri Riabinkine, Le siège de Leningrad, Journal d’un adolescent (1941-1942), traduit du russe par Marine Bobrova
Aux éditions des Syrtes, 236 p.

L’année du tournant

Il y a quatre-vingts ans, jour pour jour, était déclenchée l’opération Torch, le débarquement allié en Afrique du Nord, première étape de la reconquête d’une Europe passée sous le joug nazi.


Deux mois plus tôt, la Wehrmacht commençait le siège d’une ville qui allait se refermer sur elle et symboliser sa défaite : Stalingrad. Au même moment, de l’autre côté du globe, les Américains livraient une autre bataille dantesque, celle de Guadalcanal, après une autre, en juin, non loin de l’atoll des îles Midway.

1942 constitua réellement le tournant de la seconde guerre mondiale. C’est ce que montrent parfaitement Cyril Azouvi et Julien Peltier dans ce livre passionnant alliant pédagogie et érudition. Porté par une rédaction et un graphisme particulièrement réussi signé Julien Peltier qui séduira à coup sûr les plus jeunes, ce livre s’ouvre à n’importe quelle page, à n’importe quelle session pour en croquer tel détail, étudier une carte en compagnie du maréchal Paulus, comparer le Panzer III et le Crusader durant la bataille du désert ou lire une analyse historique. Tout est fait pour faire de cet ouvrage, le livre de chevet par excellence pour tout passionné du second conflit mondial.

Ainsi présentées, les grandes étapes de cette année charnière montrent ainsi un Troisième Reich engagé dans une course à l’abîme tant sur le plan militaire que dans son aveuglement idéologique. Les focus mis sur certains points donnent ainsi une réalité palpable aux théories et grandes opérations de cette année 1942. Il y a presque un côté cinématographique à voir la comparaison des fusils à Stalingrad ou dans les face-à-face des acteurs qui animèrent cette sombre année. Amis ou ennemis, tels Himmler/Heydrich ou Rommel/Montgomery, ces portraits permettent l’indispensable incarnation d’un conflit car il est bien connu que l’histoire est avant tout faite par des hommes…et des femmes que les auteurs n’oublient pas comme en témoigne la Résistance française ou ces femmes soviétiques pilotes de chasse dans le ciel de Stalingrad, ces « sorcières de la nuit » pour citer le récent roman de Chantal Malaval (Préludes)

1942 fut également l’année de l’accélération de la Shoah. Le 20 janvier 1942 se tint la conférence de Wannsee qui décida de la solution finale de la question juive. Et les auteurs de montrer l’accélération de la machine de mort nazie marquée notamment en France par la rafle du Vel d’hiv, les 16 et 17 juillet.

Les Américains quant à eux, engagés sur le front du Pacifique, préparaient les contours d’une victoire qui allait intervenir trois ans plus tard. Le 6 janvier 1942, le président Franklin D. Roosevelt lançait le « Victory Program », vaste programme d’armement qui profita notamment à l’URSS d’un Staline devenu un allié. Et dans le plus grand secret commencèrent les premières recherches du projet Manhattan sous la responsabilité de Robert Oppenheimer qui, malgré ses sympathies communistes, s’était vu confier la concrétisation d’une bombe nucléaire qui allait, non seulement renverser le cours de la guerre mais permettre aux Etats-Unis de dominer l’après-guerre.

Pour autant, ce 8 novembre 1942, les boys américains posant le pied sur le sol africain ne se doutaient pas que leur pays allait devenir une super-puissance. Seule comptait alors la délivrance de l’Europe. Mais nous, lecteurs, nous connaissons, grâce à ce livre vivant, la suite de l’histoire.

Par Laurent Pfaadt

Cyril Zouvi, Julien Peltier, préface d’Olivier Wievorka, 1942, Passés composés

A lire également sur cette année 1942 :

Chantal Malaval, Sorcière de la nuit, Préludes, 384 p.

Joseph Haydn

C’est un Joseph Haydn arrivé à sa maturité qui composa en 1788 les quatuors de l’opus 54. Celui-ci demeure encore aujourd’hui comme une sorte d’absolu pour toute formation musicale.


La montagne était donc difficile à gravir pour le quatuor Psophos, ensemble français fondé en 1997. Pour autant l’ascension de ce monument fut facilitée par leur illustre aîné, le quatuor Ysaÿe, auprès de qui il s’est formé et qui a laissé non seulement une interprétation d’anthologie en 2006 mais également un enregistrement remarqué de l’opus 54.

Celui que propose le quatuor Psophos témoigne d’une incroyable beauté, presque iréelle. Ses mouvements apparaissent comme des neiges éternelles musicales, empreintes de sérénité, de légèreté et de sensibilité. Avec en guise d’apothéose l’adagio du n°2, véritable révélation mais également un apaisant allegretto du n°1 ou un largo du n°3 avec ses airs de vent. Pareil à du miel, cette musique nous apaise, nous enchante.

Léger comme un nuage posé sur le toit du monde musical que le quatuor Psophos a indéniablement atteint. On attend avec impatience l’ascension d’un nouveau sommet.

Laurent Pfaadt

Haydn, Opus 54, Quatuor Psophos,
Enphases

le secret du piano

Dernière-née de l’édition, les éditions Fugue, fondées par trois éditrices du groupe Libella – Sophie Bogaert, Gaëlle Belot et Eva Dolowski – souhaitent promouvoir des voix nouvelles de la littérature française, des livres de référence pour les amateurs de musique ainsi que des portraits de grands artistes des scènes d’aujourd’hui. Pour inaugurer l’aventure de Fugues, elles ont choisi le merveilleux pianiste brésilien, Nelson Freire, par l’un des plus grands connaisseurs de l’instrument roi, Olivier Bellamy, ancien journaliste de Radio classique dans ce portrait à la fois sensible et fascinant.


Novembre 2017. L’auteur de ces lignes assiste à la répétition du 20e concerto de Mozart à Montpellier. Il a pour l’occasion emmener des lycéens pour leur permettre d’observer ce pianiste de légende. En interprétant le génie autrichien, Nelson Freire se souvient-il de ce Jeunehomme, ce neuvième concerto de Mozart qu’il joua à 12 ans en compagnie de l’orchestre symphonique du Brésil et qui signa le début de son incroyable destin ? Repense-t-il à ces rues, à ce Ring d’une Vienne maintes fois arpentées après les classes de Bruno Seidlhofer ? Ou en compagnie de l’autre légende du livre, Martha Argerich, son âme-soeur ? Peut-être.

Martha Argerich – Nelson Freire. L’une des plus belles histoires d’amitié que la musique ait connue. Une histoire digne d’un film. Ils sont si différents et pourtant si complémentaires. Elle est le feu. Lui l’eau. Elle ne jure que par Ravel quand lui préfère Debussy. Olivier Bellamy nous conte à merveille cette relation qui naquit dans la capitale autrichienne et se poursuivit jusqu’à la mort de Freire. Biographe et proche de la pianiste argentine, Olivier Bellamy nous fait pénétrer dans l’intimité de leur relation, « il sent tout d’elle, elle sent tout de lui » écrit-il sans jamais verser dans le voyeurisme. On y découvre cette relation musicale et humaine si spéciale qui les lia. Grâce à sa parfaite connaissance de l’univers du piano et de la musique classique, l’auteur parsème son récit de détails qui humanisent ces êtres parfois perçus comme hermétiques au monde tout en rendant son sujet fascinant. Il est là avec Nelson Freire, en Europe, au Brésil, en Australie dans ces innombrables concerts où il transcenda Brahms, Chopin ou Debussy dont il eut une affectation particulière. Mais également avec ses Miguel et Bosco, ses grands amours.

Suivre la destinée de Nelson Freire, c’est aussi parcourir l’histoire de la musique et du piano durant cette deuxième partie du vingtième siècle et le début du vingt-et-unième. On y croise les figures de légende, de Sviatoslav Richter qu’il croisa à la Roque d’Anthéron dont il devint à partir de 1986 un habitué à Vladimir Horowitz qu’il admira avec Argerich au Carnegie Hall à l’occasion du jubilé du pianiste ukrainien en 1978 en passant par Michelangeli et cette incroyable rencontre avec le pianiste italien et le roi de la bossa nova, Tom Jobim ou son amie de toujours, Cesarina Riso ou Cristian Budu qu’il soutint.

Une mauvaise chute en 2019 va sceller son destin. Le cristal s’est brisé en mille morceaux. L’éclat n’est plus aussi brillant et il le sait. Cet hypersensible sombre alors dans la dépression. Et Olivier Bellamy accompagne dans ces dernières pages, un pianiste jouant cette marche funèbre, non pas ce troisième mouvement de la deuxième sonate de ce Chopin qu’il affectionnait tant mais celle de sa propre vie. Seule la perspective d’aller se reposer à Petrópolis semble encore le réconforter. Petrópolis, la ville où Zweig s’est suicidé, déçu d’un monde qui a sombré dans la folie. Petrópolis, la ville où l’écrivain viennois est définitivement entré dans la légende. Suicide ou chute, le 31 octobre 2021, Freire a rejoint Zweig, inscrivant ses pas dans ce Ring de légende qu’ils ont tous deux arpenté. 

Le livre d’Olivier Bellamy refermé, il a fallu réécouter Chopin.

Par Laurent Pfaadt

Olivier Bellamy, Nelson Freire, le secret du piano,

Aux éditions Fugue, 224 p.

La guerre d’indépendance américaine

Ce fut certainement l’un des conflits qui eut le plus d’influence sur notre histoire, sur notre monde. Une guerre irréversible qui fit ce que nous sommes aujourd’hui. Pourquoi ? C’est tout l’enjeu du livre passionnant des historiens Pascal Cyr et Sophie Muffat qui ont délaissé, le temps de cet ouvrage, l’Europe napoléonienne pour remonter quelques trente années plus tôt. 


1775. Les colonies britanniques sur le sol nord-américain vivent sous le joug d’un pouvoir lointain, celui d’une Grande-Bretagne qui vient de remporter sur la France la guerre de Sept Ans. Maîtresse des mers, il lui faut cependant renflouer ses caisses et actionne le traditionnel levier fiscal, notamment en Amérique du Nord. Mais comme le montre les auteurs dans leur essai qui brille par sa volonté de déconstruire certains mythes fondateurs, la question fiscale et le fameux épisode du Tea Party de Boston, ne furent qu’un prétexte pour remettre en question un système colonial dans sa globalité. Remise en question qui se trouva percutée par une époque marquée par l’émergence des Lumières d’un Benjamin Franklin, l’un des pères de l’indépendance américaine.

La guerre, devenue inévitable, se propage alors tel un feu de paille et les quelques 500 pages du livre, centrées majoritairement autour du fait militaire, passent intelligemment des champs de batailles – l’insertion de cartes est particulièrement pertinente – de l’invasion du Canada à la capitulation de Yorktown en 1781 au tournant de la guerre à Saratoga en octobre 1777, aux innovations en matière d’armement notamment grâce à la France et au système Gribeauval dans l’artillerie et aux répercussions si importantes de la guerre sur les opinions publiques, notamment en Angleterre où les auteurs montrent parfaitement la nasse dans laquelle s’est enfermée le Premier ministre d’alors, lord North.

Mettant à mal quelques clichés de la traditionnelle mythologique américaine, Pascal Cyr et Sophie Muffat montrent que la victoire américaine ne fut pas la longue marche d’une nation en armes mais plutôt la succession de hasards heureux, de défaites qui ne furent pas définitives et de constructions anarchiques qui finalement, avec un peu de chance, concoururent à apporter le succès aux Insurgents. Le chapitre sur la naissance de l’armée américaine est ainsi particulièrement intéressant. Formée de bric et de broc et dotée de commandants médiocres, les deux auteurs n’hésitent pas à qualifier le père des Etats-Unis, George Washington de « piètre tacticien ». De la question de la langue – tous les Américains ne parlaient pas l’anglais – à la naissance de la cavalerie américaine par Kazimierz Pulaski, un noble polonais en fuite car accusé de régicide, la victoire fut en grande partie le fruit d’outsiders.

Pour autant, et cela n’est pas faire preuve d’un chauvinisme exacerbé, la victoire américaine se joua grâce à l’entrée dans le conflit de la France d’un Louis XVI, roi marin et de son ministre Vergennes qui virent immédiatement tout l’intérêt qu’ils pouvaient retirer de cette guerre qui allait affaiblir l’ennemi héréditaire.  Ce soutien symbolisé par Beaumarchais et Lafayette constitue l’un des piliers du livre et donne à la fois une dimension géopolitique européenne au conflit mais surtout revient, au regard des évènements récents, sur les racines notre relation transatlantique. 

A ce titre, ce livre offre enfin et surtout une lecture passionnante d’un conflit qui contient en lui les germes des maux futurs des Etats-Unis. La glorification de l’outsider qui se déclinera dans sa dimension économique. Mais également un esclavage et un sexisme assumés, deux séismes dont les répliques se font toujours sentir dans une Amérique qui a fait de sa guerre d’indépendance et de la violence qu’elle a généré, la matrice d’une civilisation qu’elle continue toujours de diffuser au monde entier. 

Par Laurent Pfaadt

Pascal Cyr, Sophie Muffat, La guerre d’indépendance américaine,
Passés composés, 512 p.

Le soldat désaccordé

Jusqu’aux dernières pages, on essaie de trouver le sens du titre. Le soldat désaccordé. Disloqué peut-être tant celui-ci parcourt les champs de bataille de la Première guerre mondiale à la poursuite d’un poilu dénommé Emile Joplain.


Le narrateur, engagé par la mère de ce dernier, en est devenu un spécialiste dans cette France qui a perdu des millions de soldats et a laissé inconsolables nombre de veuves et de mères. Ecumant registres, asiles et fosses communes, il en a retrouvé plus d’un.

Notre Blaise Cendrars d’un jour – il a comme lui perdu une main au champ d’honneur – accepte cette affaire sans savoir qu’elle va l’obséder pendant une quinzaine d’années. Car Joplain « Il parle comme un poète, il est beau comme un prince ». Le lecteur est ainsi très vite embarqué dans l’aventure. Plongeant avec bonheur sa plume dans l’encre de boue et de sang d’un Sébastien Japrisot, l’écriture de Gilles Marchand enivre. On veut savoir. 

La narration s’étoffe alors de deux éléments qui vont densifier le récit : l’amour et le fantastique. Et en alliant les deux dans la même personne, Gilles Marchand réussit coup double. Car oui, il y a une femme dans cette histoire. Mais en est-on bien certain ? Qui est Lucie l’Alsacienne, amoureuse d’Emile, rejetée par la mère de ce dernier et partie à la recherche de son grand amour qui laisse sur les champs de bataille, de Verdun à Vimy, des poèmes comme le Petit Poucet des cailloux ? Ou est-elle cette Fille de La Lune, cette hallucination collective traversant les no man’s land, apportant le repos aux soldats agonisants et que le grand Henri Barbusse décrivit dans son Feu ? Cet amour, ce feu que le héros poursuit et dont il a lui-même été privé pendant quatre ans finit par entremêler les deux histoires – celle du narrateur et celle de Joplain – jusqu’au dénouement final. « C’est pour ça que, quelques années plus tard, je me suis tant investi dans l’histoire d’Emile et Lucie. Parce que c’était un amour incroyable, magnifique, entier, sans concession, et que chaque histoire que je croisais contribuait à redonner vie à la mienne » dit -il.

Avec ses personnages tantôt truculents notamment ce Raymond Davisse qui s’obstine à tout compter tantôt si attachants, et la manière que l’auteur a de raconter cette quête presque impossible qu’il fond dans la grande histoire – quel plaisir de voir enfin l’histoire des lieutenants Millant et Herduin du 347e RI entrer dans la littérature – Gilles Marchand signe un magnifique roman à ranger assurément sur les étagères dédiées à la Grande Guerre, entre Sébastien Japrisot et Pierre Lemaître. Et pourquoi alors désaccordé ? Car dans cette marche funèbre littéraire, rien ne se passe comme prévu. Réponse donc dans les dernières pages.

Par Laurent Pfaadt

Gilles Marchand, Le soldat désaccordé
Aux forges de Vulcain, 206 p.
Prix des libraires 2023, Le Livre de Poche