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#Lecturesconfinement : Extérieur monde d’Olivier Rolin par Charif Majdalani

Dans Extérieur monde, Olivier Rolin
se donne pour but affiché de faire
son autoportrait. Mais
l’autoportrait ici ne se conçoit que
selon une règle unique,  qui veut
que l’on n’est jamais que ce qu’on a
fait, vu, parcouru, senti et vécu.
C’est de notre expérience du
monde et des hommes, des
paysages que nous avons vus ou parcourus, de l’amour que nous y
avons rencontré ou pas, que nous
sommes pétris, et c’est de cela, de
ce façonnement de soi par
l’extérieur, que sera donc composé l’autoportrait de Rolin. Or ce
dernier, durant sa vie, a énormément voyagé, parcouru le globe
jusque dans ses coins les plus reculés, de la Terre de Feu à
Vladivostok, du Soudan à Khabarovsk. Il a visité les lieux des conflits
les plus sanglants de notre temps, arpenté cent villes, vécu des
amours et des déconvenues innombrables, rencontré une multitude
de gens qui, dans tous les coins de la planète, furent ses guides, ses
amis ou ses interlocuteurs, et croisé aussi sans oser les aborder des
centaines de femmes dont l’inventaire est à lui seul un hymne à
l’universelle beauté du monde.

C’est cette incroyable richesse de souvenirs qui fait la matière
d’Extérieur Monde. Et on devine que les vertigineux et infinis
méandres qui composent cet autoportrait de l’auteur en globe
terrestre ne pouvaient cependant être racontés linéairement. Le
choix de l’écrivain sera donc plutôt de piocher dans la variété des
choses vues et vécues, au gré des sujets ou des motifs. Les faits s’y
génèrent ensuite les uns les autres par associations, proximités,
regroupements, dans une poétique de la digression où chaque
dérive génère de nouvelles associations qui font elles-mêmes
proliférer le texte en le ramifiant sans fin.

Mais ce roman de Rolin est aussi celui d’un grand lecteur pour qui la
littérature et le monde sont en permanente interaction. Rolin
évoque, cite et dialogue avec des dizaines d’auteurs et d’œuvres tout
le long du livre. Et si les écrivains le plus souvent évoqués sont
Proust et Chateaubriand, ce n’est pas seulement parce que Rolin
s’inscrit dans la tradition des grands stylistes français, mais aussi
parce que, à l’instar de la Recherche du temps perdu et des Mémoires
d’Outre-tombe
, Extérieur monde se veut une exploration des effets du temps et du désenchantement sur les humains, et témoigne des bouleversements du monde au carrefour des grandes époques
historiques.

Charif Majdalani est écrivain libanais et professeur de lettres.
Son dernier ouvrage, Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement
(Actes Sud) a obtenu le prix spécial du jury Femina 2020.

Extérieur monde d’Olivier Rolin (Gallimard)
par Charif Majdalani

#Lecturesconfinement : Amrita de Patricia Reznikov par Gérard de Cortanze

La peintre indienne d’origine
hongroise Amrita Sher-Gil n’avait
pas froid aux yeux. Après avoir
déclaré « l’Europe appartient à
Picasso, Matisse, Braque et bien
d’autres. L’Inde n’appartient qu’à
moi seule », elle révolutionna la
peinture indienne. Belle,
audacieuse, iconoclaste, libre, elle
parcourut l’Europe, de Budapest à
Paris, en passant par Londres et
Florence, avant de passer les
dernières années de sa vie dans
l’Inde coloniale, entre Lahore et
Simla. Morte prématurément à 28 ans, celle qu’on surnomme
aujourd’hui la « Frida Kahlo indienne », est une gloire dans son
pays et le monde anglo-saxon. Avec ce roman inspiré, Patricia
Reznikov écrit le livre qui peut enfin la faire connaître au monde
entier. Remarquablement écrit, il redonne vie à une figure
féminine hors norme et d’une très grande modernité. La première
rétrospective de son œuvre aura lieu de septembre 2021 à janvier
2022 au Kunstsammliung Nordrhein-Westfalen de Dussëldorf.

Gérard de Cortanze est écrivain, essayiste et dramaturge, auteur
de nombreux livres dont Assam (Albin Michel), prix Renaudot
2002
Dernier livre paru : Moi, Tina Modotti, heureuse parce que libre
(Albin Michel)
Amrita de Patricia Reznikov (Flammarion)
par Gérard de Cortanze

#Lecturesconfinement : Kudos de Rachel Cusk par Carole Fives

Je conseille le dernier roman de
Rachel Cusk, Kudos, et tous les
livres de cette autrice que je viens
de découvrir, et que j’ai dévorés en
quelques semaines (vive le confinement, juste pour ça !). Elle a
une façon très ironique et très lucide de parler de nos vies, de nos rencontres, de nos comportements. C’est troublant, c’est très très drôle, et c’est surtout une écriture très nouvelle. Elle me fait penser par beaucoup d’aspects à Nathalie Sarraute, dont je vénère le travail, et dont je vous conseille aussi l’excellent livre Tu ne t’aimes pas (Folio).

Carole Fives est écrivaine. Dernier livre paru : Térébenthine
(Gallimard)
 Kudos de Rachel Cusk (L’Olivier)
par Carole Fives

#Lecturesconfinement : Churchill d’Andrew Roberts par Delphine Ernotte

Je lis, ou plutôt je dévore la
biographie de Churchill d’Andrew
Roberts. C’est bluffant de précision,
de finesse et d’intelligence : on
comprend tout et l’auteur rectifie au
passage les propres récits de
Churchill dans Mes jeunes années
notamment. Et ça qui se lit comme
un roman !
Delphine Ernotte est la présidente
de France Télévisions

Churchill
d’Andrew Roberts (Perrin)
par Delphine Ernotte

#Lecturesconfinement : Le vaisseau des morts de B. Traven par Louise Browaeys

Un livre qui m’a hantée et que j’ai lu plusieurs
fois sans jamais en percer l’intime mystère.
Cette image de deux hommes face à leur
chaudière, pelletant le charbon sur un vieux
bateau à vapeur, un vaisseau fantôme qui va
couler, un cercueil flottant qui est en train de
couler sous nos yeux pour que l’armateur
touche la prime d’assurance, et qui nous fait
couler avec lui. Cette monstrueuse Odyssée
sur les mers de l’Europe, dans les années 20,
qui est une histoire si étrangement
universelle. Cette dérive, sans papier, sans
argent, sans identité. Ce suspens existentiel
qui nous fait toucher la matière de l’éternité,
une émotion littéraire incomparable, la beauté sans limite d’une amitié entre deux
hommes. 

Louise Browaeys est agronome, conférencière et
 l’autrice de nombreux livres en
lien avec l’écologie (Permaculture au quotidien, Terre vivante, 2018, et
Accompagner le vivant, Diateino, 2019). 
Son premier roman, La Dislocation
(HarperCollins) est paru en septembre 2020. 
Le vaisseau des morts de B. Traven (La Découverte)
par Louise Browaeys
 

#Lecturesconfinement : L’archipel d’une autre vie d’Andreï Makine par Nathalie Péchalat

Une épopée dans la taïga
russe…Une fuite en avant, une
traque… Ce livre nous emmène
dans un autre monde, nous
rapproche de la nature et nous
ouvre les yeux sur un possible
« ailleurs ». Vivement conseillé
pour ceux qui pensent ou sont en
reconversion professionnelle ou
personnelle.
Nathalie Péchalat, double
championne d’Europe de danse
sur glace, est la présidente de la
fédération française des sports de glace.
L’archipel d’une autre vie d’Andreï Makine (Seuil)
par Nathalie Péchalat

#Lecturesconfinement : Les Hommes de bonne volonté de Jules Romains par Laurent Petitmangin

J’aime la tension et la résonance de
ces 27 volumes. On sent la Grande
guerre s’imposer, sa sourde
mécanique. On assiste atterrés à la
bataille de Verdun, du côté des
humbles et des puissants. On
s’éprend de Paris et de sa couronne,
magnifiquement décrites. Et
surtout, on y rencontre des hommes
et des femmes de toute extraction,
avec des destins communs ou
extraordinaires, peu importe, on
aura certainement une tendresse
toute particulière pour ces deux
amis de Normale Sup. Le monde tel qu’il est, dans toute son
incohérence, la fragilité des destins, et son lot de désillusions. Une
narration au final très moderne, en « split screens », des bribes de vie
« inutiles » à l’intrigue générale mais précieuses pour le lecteur, et à
peine susurré, l’humanisme optimiste de Jules Romains.
Laurent Petitmangin est cadre chez Air France et romancier. Son premier roman, Ce qu’il faut de nuit (La Manufacture de livres) a
obtenu le prix Stanislas en 2020
Les Hommes de bonne volonté de Jules Romains (Robert Laffont)
par Laurent Petitmangin

#Lecturesconfinement : La Castafiore, nouvelle biographie très enrichie et toujours non autorisée ! d’Albert Algoud et Alain Bouldouyre par Jean-Christophe Berthain

Albert Algoud, pape incontesté
et incontestable de la
tintinolâtrie 
et auteur d’un
nombre considérable
d’ouvrages réputés dédiés à
Hergé et à son héros, met à jour
et complète l’un de ses
monuments : la biographie non
autorisée de la Castafiore dont
on découvrira qu’elle fut l’amie
des Grands de ce monde. Son
parcours enchanté nous
enchantera : Tito, de Gaulle,
Castro, Roosevelt, Mao, Nehru,
Churchill… elle les a tous fréquentés et ils sont tous tombés à ses
pieds, se prosternant devant le rossignol milanais qui, plus que
jamais, rit de se voir si belle (ou si beau ? mystère !) en ce miroir.
Anecdotes, scoops, révélations et témoignages inédits agrémentent
le livre d’Albert Algoud, idéal pour supporter le confinement sans
céder à la morosité. On rit beaucoup, on chante aussi et pour le
cafard, ce sera Tintin !
Jean-Christophe Berthain est romancier. Son premier roman, ZOF
1945
 est publié au Cherche-Midi.
La Castafiore, nouvelle biographie très enrichie et toujours
non autorisée !
d’Albert Algoud et Alain Bouldouyre (Cherche-Midi)
par Jean-Christophe Berthain

#Lecturesconfinement : Des vies à découvert de Barbara Kingsolver par Cécile Menanteau et Géraldine Schiano de Colella

Nous avons très envie de vous dire
combien la lecture du nouveau
roman de l’écrivaine Barbara
Kingsolver nous a envahies,
enchantées, éblouies.
 Cela
s’appelle « Des vies à découvert »
et c’est une merveille d’intelligence
et d’écriture si talentueuse qu’on
ne se rend compte de rien, on se
laisse juste envahir par l’histoire de
cette famille d’universitaires sans
le sou et d’un autre côté par ces
deux voisins qui vont créer une
relation magnifique.
Cela se passe sur deux temps, dans une même maison, dans le New Jersey. Ecrivaine qui écrit avec parcimonie, entre poésie, prose et
militantisme, Barbara Kingsolver est aussi une scientifique qui
questionne nos vies bouleversées depuis plusieurs livres. Ici, ce
serait comment vivre tout en se réinventant sans cesse, sans
détruire quiconque. Prendre le temps de lire cette merveille, c’est
assurément se faire du bien.

Extrait :

« – Nulle créature n’accepte facilement de vivre à découvert.

– A découvert, nous nous tenons dans la lumière

– A découvert nous nous savons destinés à mourir.

A nouveau, elle répondit à ses craintes par un regard plein de
considération, et seulement cela. Pas de niaiseries destinées à le
réconforter. »

Cécile Menanteau et Géraldine Schiano de Colella,
librairie-café les Biens-Aimés à Nantes (44000)
Des vies à découvert de Barbara Kingsolver (Rivages éditions)
par Cécile Menanteau et Géraldine Schiano de Colella

#Lecturesconfinement – Je ne vis que pour toi d’Emmanuelle de Boysson par Eric Genetet

Le titre est si beau, la couverture
évoque immédiatement le plaisir, mais
ce ne sont pas les seuls atouts de ce
nouveau roman d’Emmanuelle de
Boysson. Je ne vis que pour toi est
palpitant et sensuel. Un roman parfait
pour supporter notre époque et qui
rappelle, comme une madeleine, une
autre époque que l’on a baptisée
« Belle ». On y parle de liberté, on y
croise Proust, Cocteau, Joyce et des
femmes fascinantes comme Colette.
Je ne vis que pour toi est l’histoire de
Valentine, une petite Bretonne qui
rêve de devenir écrivain. Lorsqu’elle débarque à Paris au bras de son
mari, elle rencontre Natalie Barney, riche Américaine, femme de
lettres au charme magnétique. Le début d’une passion sulfureuse.
Un roman pour oublier le confinement, et finement les cons.
Eric Genetet est journaliste et écrivain. Derniers livres parus :
Un bonheur sans pitié et Tomber (éditions Héloïse d’Ormesson)
Je ne vis que pour toi d’Emmanuelle de Boysson (Calmann-Lévy)
par Eric Genetet