Archives de catégorie : Lecture

Mohamed Ali Kinshasa 1974

Poursuivant sa série entamée
avec Capa, Mc Curry et
Cartier-Bresson, les éditions
Dupuis ont investi le champ
du noble art afin de croquer
l’un des plus grands matchs de
boxe du 20e siècle, celui qui
opposa George Foreman,
champion du monde des poids
lourds à son insaisissable
provocateur et challenger :
Mohamed Ali.

C’est un photographe iranien, Abbas, mort en mars 2018, qui
immortalisa le combat du 30 octobre 1974 dans le stade de
Kinshasa et que la postérité allait retenir sous le nom de « Rumble
in the jungle »
, le « combat dans la jungle ». Ses photographies
mythiques désormais propriétés de l’agence Magnum, partenaire
de cet album, dessinent littéralement le film du combat tandis que
les crayons des auteurs offrent des instantanés saisissants.
Cependant, comme le rappelle Jean-David Morvan, à nouveau
scénariste de ce nouvel opus dans la passionnante histoire de
l’aventure de ce roman graphique : « ne jamais redessiner une photo
telle quelle, ne jamais la recadrer, ne jamais placer une bulle ou un pavé
de texte dessus. Ce serait tuer la force de l’image »

Le lecteur suit ainsi les pas d’Abbas à Kinshasa, son histoire ainsi
que celle du combat, qui prennent forme sous la plume du
dessinateur argentin Rafael Ortiz dont la talentueuse approche de
sujets historiques n’est plus à prouver. Son trait nerveux, tout en
rupture, trouve ici une incroyable résonance avec l’univers de la
boxe. Nulle trace de sang mais plutôt une atmosphère à couper au
couteau, étouffante à souhait avec une longue montée en
puissance de la tension au fil des rounds, entrecoupée de
flashbacks qui plongent dans l’enfance des deux boxeurs ou dans
les combats politiques d’un Cassius Clay devenu Mohamed Ali.
Les personnages gagnent en densité et la dramaturgie s’en trouve
renforcée. L’alchimie entre photos et dessins, entre réel et
inconscient opère immédiatement et ne cesse qu’au huitième
round après un ultime battement d’ailes du papillon de Louisville.
Foreman ne s’en relèvera pas. Quant au lecteur, il restera
longtemps sonné.

Par Laurent Pfaadt

Magnum Photos : Mohamed Ali Kinshasa 1974,
Abbas-JDMorvan/Rafael Ortiz,
Parution Dupuis, 136 p.

Demande à la poussière

Les livres à emmener à la plage

Comme chaque année, Hebdoscope
vous propose une sélection de livres
à lire pendant vos vacances. Des
livres peu ordinaires pour des
vacances pas ordinaires. Alors
embarquez pour un voyage dans les
années 20, 30, 40, 50 et bien au-delà !

Enfin, une fois n’est pas coutume, il
sera possible de lire les yeux fermés.
Le confinement et la fermeture des
libraires ont ainsi remis à l’honneur les
livres audio. Avec ce classique de la littérature américaine des
années 30, extrait du quatuor Bandini et lu par Thibault de
Montalembert, l’auditeur suit les aventures d’Arturo Bandini, jeune
écrivain fauché qui rêve de gloire et d’ascension sociale.

Magnifiquement porté par le narrateur qui réussit parfaitement à
restituer la voix intérieure du héros, bigot torturé en permanence
par sa bonne conscience, et rythmé par des mélopées jazzy, on suit
Bandini, aspirant écrivain perdu dans cette Los Angeles des années
30, mégapole en devenir et Babylone contemporaine, des bas-fonds
jusqu’aux sentiers de la gloire où l’attendra son destin et la belle
Camilla Lopez. Une œuvre sensible et magnifique à réécouter.

Versions papiers disponibles chez Christian Bourgois et 10/18.

Par Laurent Pfaadt

John Fante, Demande à la poussière
Livre audio lu par Thibault de Montalembert, Lizzie

Temps noirs

Les livres à emmener à la plage

Comme chaque année,
Hebdoscope vous propose une
sélection de livres à lire pendant
vos vacances. Des livres peu
ordinaires pour des vacances pas
ordinaires. Alors embarquez pour
un voyage dans les années 20, 30,
40, 50 et bien au-delà !

Quelques semaines après la mort
de George Floyd, le 12 juin 2020,
Rayshard Brooks, un afro-
américain était abattu par la police dans les rues d’Atlanta. C’est
dans ces mêmes rues que patrouillèrent plus d’un demi-siècle
auparavant, Lucius Boggs et Tommy Smith, ces flics noirs, héros de
Darktown que l’on retrouve dans ce nouvel opus. Atlanta est à feu et
à sang, les violences raciales font rage et la guerre contre la drogue
bat son plein. C’est dans cette ambiance délétère que nos deux
héros sont confrontés à une sombre histoire de trafic de drogue
dont les fils remontent jusque dans la police.

Ce second opus, sélectionné pour le Grand prix de littérature
policière est du niveau de Darktown. Deux ans après leurs entrées,
nos aspirants policiers sont devenus des flics aguerris après avoir
fait preuve d’une incroyable résilience. Celle-ci sera une nouvelle
fois mise à l’épreuve pour avancer dans ce marécage qui plonge ses
racines dans la ségrégation raciale, la corruption policière, le crime
organisé et bien entendu le Klux Klux Klan. Tout n’est jamais
complètement noir ou totalement blanc semble nous dire Thomas
Mullen et chacun, à sa place, va devoir faire des choix avec sa
conscience. Aux doutes professionnels des uns s’ajouteront ceux,
privés, des autres. Un monument appelé à faire date à lire de toute
urgence donc.

Par Laurent Pfaadt

Thomas Mullen, Temps noirs
Chez Rivages, 350 p.

La Fin des étiages

Les livres à emmener à la plage

Comme chaque année,
Hebdoscope vous propose une
sélection de livres à lire pendant
vos vacances. Des livres peu
ordinaires pour des vacances pas
ordinaires. Alors embarquez pour
un voyage dans les années 20, 30,
40, 50 et bien au-delà !

Si vous souhaitez changer
d’univers au sens propre, rien ne
vaudra la saga de Gauthier Guillemin, paisible professeur de collège qui, le soir venu, recrée ce
monde qu’est le Domaine où cohabite, dans une nature préservée,
une multitude de peuples toujours aussi fascinants avec comme
guide, le Voyageur, qui se transporte d’arbre en arbre. Avec La fin des
étiages
, second volet de sa saga commencée avec Rivages en 2019,
l’auteur nous embarque cette fois dans l’exploration du Domaine,
avec ses coutumes et ses différents peuples dont il bouleverse nos
représentations.

La Fin des étiages est donc une sorte d’anti Rivages. Moins
contemplatif que ce dernier même s’il repose sur des postulats
identiques notamment l’importance de la nature, et plus classique
littérairement, il permettra aux lecteurs de partir à la découverte de
ce monde imaginaire et d’en percer les mythes qui le sous-tendent
avec leur logique manichéenne ou leur utilisation du savoir comme
arme de domination. Sorte de miroir offert au premier volume où le
mythe rousseauiste introduit dans le premier volume est
déconstruit, La Fin des étiages nous interpelle avec ces questions : et
si recommencement était synonyme de perpétuation ? Et s’il y avait
du Hobbes dans ce second volume ?

Par Laurent Pfaadt

Gauthier Guillemin, La Fin des étiages
Chez Albin Michel Imaginaire, 304 p.

Mon cœur restera de glace

Les livres à emmener à la plage

Comme chaque année, Hebdoscope
vous propose une sélection de livres
à lire pendant vos vacances. Des
livres peu ordinaires pour des
vacances pas ordinaires. Alors
embarquez pour un voyage dans les
années 20, 30, 40, 50 et bien
au-delà !

La vengeance est un plat qui se mange
glacé. Telle pourrait être l’adage de ce
roman noir qui plonge ses racines
sanglantes dans les crimes de guerre de la Seconde guerre mondiale
et dans cette Corrèze où une compagnie de la Wehrmacht est
décimée par un fantôme.

Le Croquemitaine, nom donné à ce tueur surgissant des arbres de
ces épaisses forêts de Corrèze, sorte de justicier sans visage, va
poursuivre ceux qui ont répandu la mort et épargner ceux qui ont
tenté de fuir le Mal. Mais pour les héros de ce thriller historique
absolument prenant, la fuite sera sans fin. Les rudes hivers
corréziens risqueront bien de glacer vos nuits…

Par Laurent Pfaadt

Eric Cherriere, Mon cœur restera de glace
Chez Belfond, 192 p.

L’iguane de Mona

Les livres à emmener à la plage

Comme chaque année, Hebdoscope vous propose une sélection de
livres à lire pendant vos vacances. Des livres peu ordinaires pour
des vacances pas ordinaires. Alors embarquez pour un voyage
dans les années 20, 30, 40, 50 et bien au-delà !

Comme tant de gens durant ce confinement, on a tous voulu
changer de vie, s’entourer de gens qui nous font du bien. Tout laisser
tomber. C’est ce qu’a fait Paul, le héros du nouveau roman de
Michael Uras. Tout le monde l’emmerde. Et lorsque son dentiste lui
parle de l’île de Mona avec son iguane menacé d’extinction, perdue
au fin fond des Caraïbes, il décide de sauter le pas et de partir à la
conquête…de son quartier.

Car ni iguane, ni destination exotique dans ce livre. Simplement un
homme qui décide de reprendre sa vie en main. Une fois de plus,
Michael Uras renoue avec l’humour de ses livres précédents et y
célèbre ces choses simples, ordinaires qui nous ont tant manqué
comme celle de se promener dans les rues en compagnie de son
chien. Mais il nous livre également une belle réflexion sur nos
sociétés où il est si difficile d’y trouver du sens. Et si nos modes de
vie d’avant étaient menacés d’extinction ? Car nous sommes des
millions à avoir rêvé, durant ces trois derniers mois, à devenir
l’iguane de Mona.

Par Laurent Pfaadt

Michael Uras, L’iguane de Mona
Chez Préludes, 288 p.

Le « Camion qui livre » du 10 juillet au 15 août 2020

© Romain Berthiot – Bureau à côté

Pour sa 7e édition, le
« Camion qui livre »
débutera son
parcours dans les
Hauts de France, sur
les plages du Touquet
pour le finir sur la
côte
méditerranéenne,
sur l’île de Porquerolles. Le « Camion qui livre » fera étape entre
temps en bord de plage sur toutes les destinations qui ont fait son
succès : Fécamp, Quiberon, Belle-Île, Arcachon, Anglet, Collioure,
Ajaccio et fera un retour cette année sur l’île de Ré. De nombreux
auteur(e)s ont déjà répondu présents pour venir à la rencontre des
lecteurs et animer des ateliers d’écriture (en partenariat avec le
Labo des Histoires) tout au long de l’été : Laetitia Colombani,
Bernard Werber, Sébastien Spitzer, Anne-Gaëlle Huon, Michaël
Uras, Laure Manel, Julien Sandrel …

Comme chaque année, cette manifestation apportera son soutien
aux libraires indépendants qui suivront à chaque étape cette
escapade littéraire. Comme chaque année, un libraire local
bénéficiera de ce magasin éphémère lui permettant d’attirer une
clientèle nouvelle de vacanciers aux côtés de ses clients habituels. Il
proposera pour l’occasion une sélection d’ouvrages des plus variées,
pour petits et grands, et ne manquera pas de mettre en avant ses
coups de cœur de l’été !

Alors, venez nombreux pour permettre aux livres et aux libraires
d’assurer leurs missions si essentielles de nous cultiver et de nous
amuser.

Laurent Pfaadt

Le « Camion qui livre » du 10 juillet au 15 août 2020

Fête de la librairie indépendante par les libraires indépendants, 13 juin 2020

A l’occasion de la fête de la librairie indépendante par les libraires indépendants, le samedi 13 juin 2020 dans le cadre de la journée mondiale du livre et du droit d’auteur, l’Association Verbes s’est
mobilisée comme chaque année
en direction des jeunes publics.

La publication d’un livre inédit,
« A plus d’un titre », offert comme
chaque année aux lecteurs
tentera de proposer un éclairage
inattendu sur la culture du livre.
Tout particulièrement cette
année sur les titres, les mots
d’écrivains et l’imaginaire.

Ainsi du 23 avril 2020 au 23 avril
2021, ce livre puisera dans le
foisonnant catalogue de la collection Folio, à travers ses titres les
plus provocateurs, célèbres, vivants, 366 titres minutieusement
choisis qui seront gorgés de la sève de tous les poètes…

Chaque page reproduit la première de couverture du livre avec le
logo, l’auteur et le titre, mais sans l’illustration (sauf le dimanche). En
bas de page de cet espace vierge, nous proposons deux ou trois
lignes de biographie de l’auteur et un bref résumé du livre. L’ouvrage
offrira donc aux lecteurs ces 314 espaces vides et les invite à la joie
simple de dessiner, inspirés par les mots des titres.  Les cinquante-
deux dimanches de l’année seront quant à eux réservés à des
illustrateurs appréciés et talentueux du catalogue des éditions
Thierry Magnier.

L’association célèbrera ainsi ce geste de l’écriture automatique cher
aux surréalistes en le transformant en dessin automatique. Prendre
de vitesse les images fugitives surgissant d’un mot et faire de ces
apparitions un dessin, un miroir, un paysage de notre intériorité est
l’objectif avoué de l’ouvrage. Cet espace blanc sera comme un balcon
en forêt, un ailleurs infini qui permettra de concrétiser l’inexprimé…

Dans le cadre du lien si particulier tissé entre les librairies et les
enseignants et leurs élèves, ce livre inédit sera offert à des élèves
comme premier geste pour entrer en contact avec les écoles et les
mener, peut-être, à une initiation à l’histoire de la culture du livre.

Cette manifestation permettra, à n’en point douter, de remettre le
livre et leurs ardents défenseurs, au centre d’une culture qui a trop
souffert pendant le confinement et qui pourtant, demeure
l’épicentre de toute vie humaine.

Par Laurent Pfaadt

Jaune est la couleur

Dans son nouveau roman,
Alexandre Jardin célèbre la
France des invisibles

Française, c’est l’histoire de Kelly,
une combattante abîmée par la vie
mais qui ne s’en laisse pas conter.
Bien décidée à faire la lumière sur
ce viol qu’elle a subi et qui sert un
peu de fil rouge au récit, Kelly
entraîne le lecteur dans son
histoire où gravite toute une
galerie de personnages : ses deux
sœurs, ses amis, ses amours et ces
hommes et ces femmes qui chaque jour, loin de Paris, dans une
province oubliée, se réinventent et transforment une société en
perpétuel mouvement. Il y a là entre autres, la responsable d’un café
associatif, le maire d’un village luttant contre une administration
étatique qui a fait de cette campagne un désert médical ou le
gendarme payé une misère pour défendre une loi dans laquelle il ne
croit plus ou si peu.

Prévenu dès le début de l’ouvrage, le lecteur ne doit pas s’attendre à
retrouver la veine du Zubial ou de l’Ile des gauchers mais plutôt un
Alexandre Jardin qui a trempé sa plume dans un fiel civique coulant
dans les veines d’une majorité de citoyens et mise au service d’un
récit plein de verve. Cela s’apparente parfois à un véritable jeu de
massacre. Tout y passe : les institutions, président de la République
en tête, l’administration « spécialement inventée pour contrarier
l’homme »
, les convenances, la mondialisation avec son cortège
macabre de délocalisations – notamment celle de la Compagnie
Normande d’Expédition – qui laisse de côté ceux qui n’ont pas accès
à internet, et les médias avec le succulent personnage de Pierre-
Esprit, journaliste cynique et bonimenteur invétéré qui nous dévoile
les masques de la comédie d’un pouvoir parisien déconnecté des
réalités.

Son roman célèbre ainsi ces petites solidarités quotidiennes et
locales qui, mises bout à bout, permettent à notre pays de continuer
à se réclamer de valeurs telles que la liberté et la fraternité. Dans
son livre, Alexandre Jardin continue à croire dans la République, pas
de doute là-dessus, mais certainement pas celle qui nous gouverne,
celle de la technocratie qui broie les « sans-dents » mais plutôt celle
d’hommes politiques possédant encore « un savoir sans limites, une
tendresse profonde pour l’homme et une radicalité dans notre défense »

et qui ne sacrifient pas des maisons médicales si importantes dans
nos campagnes sur l’autel de petites rivalités politiques pathétiques.
Les jugements que l’auteur qui tenta d’être candidat à l’élection
présidentielle de 2017, livrent sur notre société sont à la mesure des
claques que distribuent Kelly : cinglantes. Notre héroïne,
professeure de français violée par on ne sait qui si ce n’est
symboliquement par la misère et le déclassement trouvera son salut
dans la révolte des gilets-jaunes, brillamment qualifiés de « citoyens-
serfs »
, sorte de Tiers-Etat contemporain quand d’autres y compris sa
sœur Cindy choisiront le fanatisme ou la violence d’Etat. « Quand
une société est à bout, la civilité devient un rêve »
écrit ainsi Alexandre
Jardin pour résumer cette jacquerie des temps modernes.

Refermant ce livre finalement assez optimiste qui casse
intelligemment tous les stéréotypes et les raccourcis en tout genre,
le lecteur en ressort marqué par cette résilience citoyenne qui,
passée par sa phase violente, laisse entrevoir un espoir, celui qui
verrait la famille de Kelly, à l’image de la France, se réconcilier.

Par Laurent Pfaadt

Alexandre Jardin, Française,
Chez Albin Michel, 320 p.

Mon grand-père, ce héros

Avec ce récit passionnant d’un
épisode de la bataille de France,
l’auteur replace l’évènement à
hauteur d’hommes.

« Elles sont impénétrables (…) Si l’ennemi
s’y engage on le pincera à la sortie des
forêts. Donc ce secteur n’est pas
dangereux »
estimait le maréchal
Pétain, alors ministre de la guerre, en
1934 à propos des forêts ardennaises.
La phrase demeurée célèbre devait
illustrer six ans plus tard, l’incurie de l’Etat-major français et de leurs
chefs. Les autorités militaires françaises auraient mieux fait de
méditer cette autre phrase de Ferdinand Foch : « tous les terrains sont
franchissables par l’ennemi si on ne les défend pas à coups de fusils »

On connaît tous la suite. L’armée la plus puissante du monde
s’effondra en un mois et quinze jours, entraînant un armistice
honteux, le déshonneur d’une nation ainsi que l’ascension d’un
général inconnu. De récents travaux jettent depuis plusieurs années
une lumière plus objective sur la résistance héroïque qu’offrirent
certaines poches face à l’avancée des blindés de Guderian et de
Rommel, comme dans cette bataille de Sedan, prélude d’une
tragédie pas forcément annoncée.

L’auteur de cet essai passionnant, le général Yves Lafontaine, l’un
des artisans de la brigade franco-allemande, est certes un fin
connaisseur de l’art militaire mais il est surtout le petit-fils du
général Henri Lafontaine qui commanda la 55e division d’infanterie
placée devant Sedan aux premières heures de la bataille. Et
paradoxalement, son propos analyse la situation non pas devant une
carte d’état-major au ministère de la guerre mais à hauteur
d’hommes, dans les chars et sur le terrain.

Mal équipée et constituée en grande partie de réservistes mal
préparés, la 55e DI affronta quelques mille blindés dont le XIXe
corps blindé de Heinz Guderian, un stratège hors pair. Pendant deux
jours, les 12 et 13 mai, la 55e DI tenta de contenir la foudre des
assauts conjoints des stukas de la Luftwaffe et des panzers. « Nous
restons debout et assistons fascinés à la scène – là, en bas, c’est l’enfer ! Et
nous sommes dans le même temps pleinement persuadés que la percée
sera réussie – pas possible que l’ennemi ne soit pas affaibli ! »
affirma
ainsi un soldat allemand. Émaillant son récit d’innombrables
témoignages aussi bien français qu’allemands qui lui donnent une
incroyable respiration, le général Lafontaine détaille la succession
dramatique des évènements : la violence de l’attaque, la panique qui
gagne les soldats et la débandade à l’arrière. Mais surtout, il souligne
le courage des hommes de la 55e qui tentèrent de contre-attaquer
en vain le 14 mai au matin. Son essai, brillant, montre ainsi que la
guerre est surtout une affaire de soldats, ces héros dont la bravoure
dissipée dans l’ombre infamante de leurs chefs, éclate enfin au grand
jour.

Par Laurent Pfaadt

Général Yves Lafontaine,
La bataille de Sedan, 10-14 mai 1940,
Aux éditions de Fallois, 240 p.