Retisser l’espace en bataille

Maurice Mata
Entre les lignes !

Depuis le 12 mars, la galerie Valérie Cardi accueille le travail de
Maurice Mata que le musée des Beaux-Arts de Mulhouse avait
exposé en 2014. L’artiste a eu plusieurs vies : éditeur, courtier en
art… et bien sûr peintre. S’il a vite déserté les écoles d’art et ne
revendique aucun maître, il reconnaît volontiers des influences :
Soulages et sa série Outrenoir ou la récurrence du bleu Klein (dont
il a élaboré son propre mélange plus stable que l’original selon ses
dires 🙂

photo Luc Maechel

Fervent adepte de l’abstraction, Maurice Mata avance d’emblée son
refus de donner à ses œuvres un titre qui briderait l’imagination du
visiteur. Il en est presque à regretter la trop grande figuration de sa
série inspirée par les masques africains. Une envie de délivrer un
secret tout en l’enfouissant profondément sous la géométrie ?

Si, notamment pour ses travaux récents, Soulages se caractérise par
un geste ample imposant de (très) grands formats, une quasi-
exclusivité de la matière noire et une direction identique des traces,
Maurice Mata articule chaque toile – souvent carrée – en une entité
géométrique diffractée : l’ostinato d’un thème principal affronte en
contrepoint suspendu un motif voisin ou tranché selon la pièce. Un
ordre en apparence nettement établi bousculé par un intrus ou une
trahison, une tentative de perfection contrariée ou rompue par une
saignée incendiaire. Quelquefois de ses jeux de diagonales, de
rectangles, de lignes scrupuleusement alignées surgit la profondeur
de la troisième dimension. Le damier devient labyrinthe, mais discret
comme si, trop enraciné dans la toile, il hésitait à prendre son envol.

Si le peintre superpose les couches, celles-ci s’échappent de
l’oppression de la supérieure imposante, mais parcellaire. Naissent
de subtiles nuances favorisant la vibration de tons proches : si
l’incidence de la lumière fait vivre ses noirs, leurs marges sont
contaminées par l’outremer. La défaite assumée de l’opacité plutôt
que la victoire de la transparence crée ces débordements, ces
frontières fragiles, mais impertinentes.

Cette netteté laisse peu de place aux courbes. Pourtant l’esquisse
d’un paysage se devine parfois, mais une dominante rouge semble
vouloir en désamorcer la tension figurative.

Des rêves géométriques que l’artiste transcrit directement sur la
toile retissant le support en champ de bataille aussi tourmenté que
feutré.

Par Luc Maechel

Galerie Valérie Cardi à voir jusqu’au 16 avril 2022
11 Rue Descartes – 68200 Mulhouse
https://galerie-valeriecardi.com

Horaires : du mardi au vendredi de 14h à 18h. et sur RDV