#Lecturesconfinement : Genitrix de François Mauriac par Bernard Fournier

Écrit, il y a bientôt un siècle et l’un des
trois romans préférés de son auteur
avec Thérèse Desqueyroux(1927) et 
Le
Mystère Frontenac
 1933), Genitrix
(1923) décrit l’histoire du
confinement d’un homme, Fernand
Cazenave, astreint à vivre chez sa
mère, Félicité, et convaincu d’y rester,
même après son mariage tardif aux
abords de la cinquantaine. Mère
possessive, abusive, castratrice,
Félicité obtient peu de temps après le
mariage que Fernand quitte le lit
conjugal et revienne dormir dans sa
chambre d’enfant dont une mince cloison le sépare d’elle. La mort de
Mathilde, la femme de Fernand, des suites d’une fausse couche, est
vécue par Félicité comme une victoire et une délivrance : elle va lui
permettre d’exercer à nouveau les pleins pouvoirs sur son fils, sans
plus avoir à se heurter à la résistance de Mathilde. Mauvais calcul,
car Fernand prend alors conscience de son amour pour sa femme et
retourne vivre dans la chambre conjugale qu’il avait désertée et il se
confine désormais dans cet amour posthume. Vaincue, Félicité
meurt des suites d’une attaque cérébrale, ce qui n’affecte pas
Fernand dont cependant l’amour pour Mathilde s’éteint. Vient alors
pour Fernand le temps d’un troisième type de confinement, définitif
celui-là, dans son atavisme et son héritage bourgeois.

Hormis, la magnifique construction du roman avec son impitoyable
progression, la puissance dramatique de la narration, il faut
souligner le style, précis, économe, efficace et toujours élégant de
Mauriac.  

Bernard Fournier a enseigné la musicologie à l’université Paris VIII,
et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du quatuor à
cordes et sur Beethoven. Dernier livre paru : A l’écoute des quatuors
de Beethoven (Buchet-Chastel)

Genitrix
de François Mauriac (Livre de poche)
par Bernard Fournier

#Lecturesconfinement : Vivre de Milena Jesenskà par Elsa Dreisig

Vivre. Milena Jesenskà a un regard
visionnaire comme j’en ai rarement
lu. Elle écrit et j’ai le sentiment de
vivre ce qu’elle dit. La beauté de
ses chroniques est époustouflante.
Pourquoi ne la connaissons-nous
pas, ou si peu? Nous savons que
c’était la Muse de Kafka mais ses
écrits restent presque introuvables
en français. Quelle tristesse et
quelle injustice !
Ses Chroniques sur le mariage, le
Kitch, le voyage ou tout
simplement sur les fenêtres (!) font partie des écrits qui vont me suivre dans ma vie. Je le recommande vivement !
Elsa Dreisig est soprano, se produisant sur les plus grandes scènes
du monde. Elle est également jury du Prix Littéraire des Musiciens
2021. Son dernier album, Morgen (Erato), est sorti en janvier 2020

Vivre
de Milena Jesenskà (Cambourakis)
par Elsa Dreisig

#Lecturesconfinement : Jan Karski de Yannick Haenel par Laurent Pfaadt

Un prophète de l’Ancien Testament
qui a vu la vérité, l’a révélé aux
hommes et n’a pas été cru.
Un oeil ayant fixé sur sa rétine
l’innommable et qui fuit celui de
l’histoire dans le documentaire de
Claude Lanzmann.
Un témoin impuissant poursuivi
par la culpabilité.
Un cavalier polonais filant dans une
nuit sans fin dont ne sait s’il
poursuit quelque but ou s’il est poursuivi.
Jan Karski fut tout cela.
Un jour à New York, je me suis assis sur un banc de la Frick
Collection devant le Cavalier polonais de Rembrandt. Pour
retrouver Jan Karski. Pour retrouver les mots inoubliables de
Yannick Haenel.

Jan Karski
de Yannick Haenel (Gallimard)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Le jardin des plantes de Claude Simon par Arno Bertina

Les deux confinements que nous
venons de vivre ont beaucoup
ralenti le cours de certaines
journées. C’est l’occasion de lire
ces livres qui exigent une belle
partie de notre « temps de
cerveau disponible » – mais ces
chef-d’oeuvres nous rendent au
centuple ce que nous leur
donnons. Ainsi du Jardin des
plantes, l’avant-dernier livre de
Claude Simon (prix Nobel de
littérature en 1985). Parce qu’il se
présente comme les mémoires de cet auteur qui aura traversé tout le vingtième siècle, ou comme le « portrait d’une mémoire », le livre semblera austère. Il n’en est rien. C’est au contraire l’œuvre d’un jeune homme de 84 ans, facétieux, inventif, inarrêtable. Alors qu’il avait peu travaillé l’espace de la page, jusque là, Claude Simon multiplie les expériences dans Le Jardin des plantes : un voyage en Inde se trouve mis en regard d’un souvenir de la débâcle de 1940 ; un souvenir d’enfance est entrelacé avec un souvenir de la guerre d’Espagne, ou un diner de prix Nobel, etc. C’est éclaté, vertigineux, complexe mais jouissif, symphonique et de l’ordre du murmure tout aussi bien.

Arno Bertina est écrivain et dramaturge. Dernier livre paru : L’Âge de
la première passe
, Verticales, 2020

Le jardin des plantes
de Claude Simon (Les éditions de Minuit)
par Arno Bertina

#Lecturesconfinement : Sans Silke de Michel Layaz par Nelly Mladenov

Un huis-clos familial dans une
maison bourgeoise, une famille bien
sous tout rapport. La petite
Ludivine, que sa mère présente
comme une enfant un peu difficile à
Silke, la jeune fille au pair qui est
embauchée pour s’occuper d’elle, se
révèle en fait une enfant pleine de
vie, joyeuse et insouciante. On se
rend compte progressivement que
ce sont plutôt les parents qui
posent problème, tout à leur
relation fusionnelle dont Ludivine
est totalement exclue.
L’élégance de l’écriture, l’atmosphère des lieux, la psychologie, tout
est finement rendu par Layaz, c’est un livre qui m’a profondément
touchée.
Tout semble calme et limpide comme la surface d’un lac suisse, mais
en-dessous, la tension sourd.
Nelly Mladenov est attachée de presse littéraire

Sans Silke
de Michel Layaz (ZOE)
par Nelly Mladenov

#Lecturesconfinement : Le plongeur de Minos Efstathiadis par Laurent Pfaadt

Une tragédie en mouvement dans
laquelle les dieux grecs se jouent des
hommes comme de marionnettes.
Avec Eschyle comme maître de
cérémonie. Lorsque Chris Papas,
médiocre détective privé rencontre
ce vieil homme venu lui demander de
suivre cette jeune femme blonde, il ne
se doute pas une minute qu’il vient de
mettre le pied dans un terrible
engrenage meurtrier. Dans ces
entrelacs du passé et du présent,
entre les hôtels miteux d’Hambourg
et les rivages du golfe de Corinthe,
l’homme avance alors pas à pas dans un piège dont il ne sait
comment s’extraire et dont il est lui-même, sans le savoir, l’un des
acteurs.

Tissant un récit que l’on lit la faim au ventre tant il est addictif avec
ses phrases courtes et où le lecteur a l’impression d’être enfermé – à
son grand plaisir – dans ce labyrinthe à la David Lynch dont il veut
absolument sortir, Minos Efstathiadis, scénariste grec reconnu,
construit un récit qui plonge ses racines monstrueuses dans le passé
commun de l’Allemagne et de la Grèce. Il oblige le lecteur à
descendre le Styx de l’Histoire tel une taupe aveugle dans ce
souterrain obscur mais également dans les abysses de l’âme
humaine pour y découvrir la terrible vérité. « Le destin de chacun de
nous se tisse des années durant dans l’ombre » 
écrit ainsi Minos
Efstathiadis dans ce polar où l’on frémit d’effroi devant la
démonstration d’une telle fatalité.

Le plongeur de Minos Efstathiadis (Actes Sud)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Barbarossa 1941, la guerre absolue de Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri par Charles Enderlin

Comme on va d’un confinement
à un autre, il faut des livres que
l’on puisse lire pendant des
semaines. Étant intéressé par
tout ce qui concerne la seconde
guerre mondiale, je vous
propose Barbarossa 1941. La
guerre absolue
 de Jean Lopez et
Lasha Otkhmezuri. Une somme
sur l’invasion de l’URSS par la
Wehrmacht où j’ai découvert
une masse d’informations.
Indispensable pour quiconque
s’intéresse à la genèse de la Shoah.
Charles Enderlin est journaliste, ayant longtemps été le
correspondant de France Télévisions en Israël dont il a relaté
l’histoire dans de nombreux ouvrages. Son dernier livre Les Juifs de
France entre République et sionisme
 (Seuil) est paru en janvier 2020.

Barbarossa 1941, la guerre absolue
de Jean Lopez et Lasha
Otkhmezuri (Passés Composés)
par Charles Enderlin

#Lecturesconfinement : Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé par Maud Bailly

Pour s’évader du confinement et de
l’hiver qui s’installe à pas sûrs… je ne
peux que vous encourager à lire Le
Soleil des Scorta
 de Laurent Gaudé. Au
fil des pages, on sent monter
l’écrasante chaleur des Pouilles. La
lumière si vive sur la terre ocre et
sèche. Nous voilà soudain croqueurs
de soleil dans une Italie qui convoque
tous les sens sur fond de dynastie
familiale violente et prenante…En
tournant la dernière page, reste
comme un goût de terre brûlée dans
la bouche. Magique.
Maud Bailly est actuellement CEO de l’Europe du Sud pour le
groupe hôtelier Accor. Elle a été en charge des affaires économiques
et digitales auprès du Premier Ministre Manuel Valls, mais aussi
directrice de la Gare Montparnasse.

Le soleil des Scorta
de Laurent Gaudé (Actes Sud)
par Maud Bailly

#Lecturesconfinement : Le chien des Baskerville d’Arthur Conan Doyle par Laurent Pfaadt

Un papier froissé et menaçant dans
un tas de feuilles. Une malédiction
visant une illustre famille. Une
créature surnaturelle ayant
l’apparence d’un chien sorti des
Enfers face au plus grand détective
de son temps.

Il est des livres qui demeurent à
jamais dans votre mémoire. Surtout
quand vous l’ouvrez enfant, une
lampe torche à la main, en quête de
frissons et avant que l’aube
brumeuse ne se lève sur ce paysage
alsacien qui rappelle étrangement la lande de Dartmoor au sud-
ouest de l’Angleterre. Il est des livres qui ne vous quittent jamais, qui
vous construisent intellectuellement, culturellement, humainement.
Consciemment ou inconsciemment. Qui impactent votre vocation
d’écrivain. Le chien des Baskerville fut l’un d’eux comme il le fut pour
d’autres y compris pour de grands maîtres, au premier chef le si
regretté Umberto Eco.

Le chien des Baskerville d’Arthur Conan Doyle (Livre de poche)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Les chutes de Joyce Carol Oates par Fatéma Hal

Je relis les chutes de Joyce Carol
Oates, un roman avec une passion
improbable comme j’aime. Le début
est déjà impressionnant mais
l’histoire est encore loin de
commencer.
Un roman fort, beau qui dérange
parfois mais il nous tient en haleine
et nous emprisonne dans nos
contradictions.
Ambassadrice de la cuisine
marocaine, Fatéma Hal dirige le
restaurant La Mansouria à Paris. Elle est également auteur de
nombreux ouvrages sur la cuisine et la culture marocaine
notamment le discours amoureux des épices (Zellige éditions) en 2018.

Les chutes 
de Joyce Carol Oates ((Philippe Rey)
par Fatéma Hal