La mer est ma nation

La mer est ma nation
©Joseph Banderet

Territoire en détresse

Un abri de fortune sur pilotis et un couple. L’homme, tyran
domestique maniaque, ordonnance ce minuscule territoire de
dénuement : un dépotoir pas loin de la mer. La femme exécute ses
directives qui préservent un semblant de civilité. Ils évoquent les
déchets alentour – mais le public ne verra qu’une nappe de fumée
stagnant en permanence sur le plateau – et les étrangers qui rôdent.
Contre l’invasion des premiers, ils sont impuissants, contre les
seconds, ils installent une clôture de barbelés…

Surgissent deux femmes, une mère et sa grande fille. Elles sont à la
fois des intruses et une socialité possible. Elles fuient une misère
encore plus grande : une fatalité qui pousse, pour survivre, à
s’approprier la barbarie des bourreaux (récit glaçant de Murielle
Colvez). Au bout : la folie. Une folie ordonnée qui amplifie la
barbarie !

Reste la mer, l’espoir d’un ailleurs, qui devient une quête de soi avec
au bout un possible chez soi. Seule la plus jeune s’y accroche, rêvant
d’échapper à la fois à la misère et au poids de la tradition.

Le bruissement du noir installe lentement chaque scène, fait
émerger les corps mangés par cette vapeur et leurs voix faites chair.
Ces fumées ont une odeur, une moiteur et cette palpitation de la
pénombre immerge le spectateur dans un séduisant espace théâtral.

Deux belles options de mise en scène qui font mesurer la distance
entre le spectacle vivant et sa captation (respectueuse du projet au
demeurant) filmée sur le plateau de la Filature avant la mise en ligne
pour les festivaliers.

avec Soleïma Arabi, Murielle Colvez, Marianne Deshayes,
Miglen Mirtchev
texte : Hala Moughanie
mise en scène : Imad Assaf
scénographie & costumes : Manon Grandmontagne
lumières : Vivien Niderkorn
son : Didier Léglise

La Filature / Les Vagamondes 2021, captation accessible
gratuitement jusqu’au 31/01 :
https://www.youtube.com/watch?v=XkOGQ56UKcY&feature=emb_logo

Construire la déconstruction…

[plus ou moins deux virgule deux
degrés de fantaisie orthogonale]

C’est sous ce titre, que l’artiste alsacien Pierre Muckensturm, dernier
invité de l’année 2020, présentera à l’Espace d’Art Contemporain André
Malraux à Colmar ses derniers travaux inspirés de l’Entasis, cette
imperceptible courbure de 2,2° qu’appliquaient les architectes Grecs aux
colonnes de leurs temples pour donner à l’œil l’illusion d’une parfaite
rectitude qu’ils n’avaient pas.

L’art concret n’est pas un dogme, pas un « isme », il est l’expression
d’une pensée intellectuelle. 

L’art concret n’est pas une abstraction, n’est pas narratif, littéraire. Il
est proche de la musique.

L’art concret veut mobiliser notre sens esthétique, notre créativité,
notre conscience sociale.

Extraits du Manifeste de l’art concret (avril 1930)

S’il parle plus volontiers d’art construit, Pierre Muckensturm
s’inscrit dans cette filiation-là. En effet il conçoit beaucoup de ses
œuvres par ordinateur, y teste des séries ouvrant sa création à une
autre spontanéité, celle d’une tentative d’exhaustivité avec des
propositions plurielles (allant quelquefois jusqu’à livrer une matrice
d’accrochage à ses collectionneurs). L’atelier devient un lieu
d’exécution de ses projets, mais le soin, la précision, la pédagogie
demeurent : il laisse sur la toile les indices du tracé, de l’élaboration.
Discrètement l’artiste déconstruit la rigueur par débauche de
rigueur, démasque le simulacre du jeu mathématique qui ne l’est pas
autant que cela. Une transgression de la norme rationnelle qui
égratigne au passage notre société du paraître brandissant une
science dont les réussites masquent les nombreuses lacunes et
incertitudes…

Si le rez-de-chaussée du white cube décline sur de grands formats
une chorégraphie d’équerres avecentas – sa figure de base –, la
coursive déploie avec des pièces plus sérielles et sophistiquées
l’affrontement d’aplats noirs avec leurs interstices blancs. Ces
travaux génèrent d’hypnotiques illusions d’optique suscitant parfois
un troublant malaise : des taches sombres apparaissent en mirages
aux croisements des lignes blanches séparant ces faux carrés
délicatement désalignés. Comme en musique, les figures imaginées
par l’artiste induisent des harmoniques non transcrites sur la
partition.

Un portfolio de douze estampes

© Luc Maechel

On en retrouve certaines en petit format dans le portfolio créé à
l’occasion de cette exposition : un coffret de douze estampes (25 x
25 cm) imprimées chez „En l‘Encre Nous Croyons“ à Gérardmer sur un
vélin BFK Arches par une Original Heildelberg, une presse
typographique à platine de 1965 qui permet de préserver un léger
foulage : l’empreinte laissée par la pression de la matrice (un
„tampon“ en polymère) sur le papier. Une proposition élaborée avec
l’imprimeur Christin Georgel. Formé à l‘École supérieure d‘art
d‘Épinal (ÉSAÉ), celui-ci a dirigé pendant plus de trois ans l‘atelier de
production de l‘Imagerie d’Épinal et enseigne désormais à la Hear à
Strasbourg.

Un lien entre art et art appliqué qui permet à un savoir-faire de
rester vivace et créatif.

Par Luc Maechel

Espace d’Art Contemporain André Malraux
4 rue Rapp 
F. 68000 COLMAR

Tél. : 0033(0)3 89 24 28 73 

Entrée gratuite
Reportée en raison du confinement, elle ouvrira 
du ?/?? au 7/03/2021 ?

Le portfolio est en vente à la boutique du Musée Unterlinden

http://racinesnomades.net/ephemerides/ephemeride-2020/#Muckensturm


Armida d’Antonio Salieri

Poursuivant sa lecture musicale d’Antonio Salieri, Christophe
Rousset et ses Talens lyriques nous emmène cette fois-ci à la
découverte d’Armida, drame musical composé en 1771 qui raconte
les amours d’Armide (Armida) et de Renaud (Rinaldo) et dont il nous
offre le premier enregistrement mondial.

Car ce disque est un véritable cadeau. Une fois de plus,
l’interprétation touche juste. Une atmosphère intime très agréable
s’en dégage grâce à l’alchimie des Talens lyriques et du chœur de
chambre de Namur. On se sent ainsi privilégié de découvrir cet
opéra comme a dû peut-être le ressentir l’empereur et sa cour. De
plus, les voix portent à merveille ce drame. Avec sa palette sonore
stupéfiante entre puissance et murmure, Lenneke Ruiten campe une
Armida très convaincante surtout dans ses arias du troisième acte
tandis que le bariton anglais Ashley Riches brille en Ubaldo. Ses
intonations rappellent celles du commandeur du Don Giovanni de
Mozart. D’ailleurs Salieri n’avait que vingt ans lorsqu’il composa cet
opéra qui devait assoir sa renommée. Un petit génie déboulant dans
la musique. Comme Mozart. Deux cent cinquante ans plus tard,
Christophe Rousset rend ainsi un peu plus justice à ce compositeur
malaimé, injustement reconnu et qui pourtant influença le génie. Ce
disque en est une nouvelle preuve éclatante.

Par Laurent Pfaadt

Armida d’Antonio Salieri par les Talens lyriques
dir. Christophe Rousset,
Chez Aparté

Le diable parle toutes les langues

Un vieillard revient sur sa vie passée. Il a du sang sur les mains. Et
pour cause : il a été le principal marchand d’armes du début du 20e
siècle. A travers ce livre où la fiction côtoie la réalité, un peu comme
l’avait fait Stephen Marlowe avec les mémoires de Christophe
Colomb, Jennifer Richard,  auteure du très beau Il est à toi ce beau
pays, trace le portait en clair-obscur de Basil Zaharoff, ce « marchand
de mort » comme le qualifia Romain Gary.

Voyageant en sa compagnie ainsi qu’avec sa femme Pilar, princesse
espagnole méprisable à souhait – car derrière tout grand homme, il y
a une femme et celle-ci est à la mesure de son double masculin c’est-
à-dire détestable – Jennifer Richard nous embarque dans un
tourbillon d’aventures aux quatre coins du globe avec quelques
scènes d’anthologie comme cette visite à Saint Pétersbourg en
compagnie de l’inventeur de la mitrailleuse Maxim qui faucha tant
de soldats durant le premier conflit mondial et que Zaharoff vendit
aux deux camps. Jamais d’empathie pour son personnage, pour cet
homme malgré ses doutes, sur le sens qu’il peine à donner à sa vie.
Juste une introspection au scalpel à l’heure où le puissant est
ramené à sa dimension humaine débarrassé de ses oripeaux. 

Archétype de l’opportuniste sans scrupules, Zaharoff ne recula
devant aucune compromission pour parvenir à ses fins : violence,
esclavagisme, meurtre, corruption. Au fil des pages, on se demande
finalement quel but poursuivit Zaharoff : enrichissement personnel ?
Quête de notabilité pour cet enfant des bas-fonds de
Constantinople  ou reconnaissance tant recherchée d’un homme
voué à détruire les autres ? Le lecteur n’obtiendra pas de réponses
car il n’y en a jamais pour les hommes sans morale nous dit l’auteure.

Et à l’instar de ces traces du désert algérien dans lequel Zaharoff
chercha l’or noir, sa mémoire vint à s’effacer. Zaharoff assista ainsi,
de son vivant, à son propre supplice, celui de tomber dans l’oubli. Car
le temps est le plus intraitable des marchands de mort. Il ne négocie
jamais et ses règles ne se discutent pas.

Celui qui a trahi tant de nations finit par être trahi par les siens. La
grande leçon de ce livre est là : le cynisme finit toujours par
consumer celui qui le manie. Zaharoff aurait aimé laissé une trace
dans l’histoire. Aujourd’hui qui se souvient encore de celui qui se prit
pour « Dieu » ? Personne. Ce livre magnifique, finaliste du Prix RTL-
Lire 2021, achève d’abattre un mythe construit sur des crânes. Avec
une plume. 

Par Laurent Pfaadt

Jennifer Richard, Le diable parle toutes les langues,
Chez Albin Michel, 432 p.

Soulages, Peintures 1946 – 2019

Soulages, Peinture huile sur toile 1970,
Collection privée. Photo Valérie Cardi

Neige Noire

Dès 1948 et l’exposition « Französische abstrakte Malerei » qui
tournera pendant un an, l’Allemagne saura mettre en avant
l’originalité et le talent du peintre, même pas trentenaire, né à
Rodez. Le Dr Dominick, initiateur de l’évènement, choisira même
une de ses toiles pour l’affiche. Suivront des invitations aux trois
premières éditions de la documenta à Kassel et c’est à Hanovre qu’a
lieu sa première rétrospective dès 1960.
Celle du Museum Frieder Burda qui rassemble une soixantaine
d’œuvres fait suite à celle organisée l’an passé au Louvre à l’occasion
du centenaire de l’artiste.

Brou de noix, ce presque noir, organique et naturel

Le corps de l’artiste – une énergie que prolonge le bras, la main, le
pinceau, l’outil – et cette couleur sombre et végétale s’approprie le
support – toile, papier, panneau de bois. Par le geste se cristallise un
intense surgissement. Une concentration qui confine au tellurique.
Essentiel : Soulages n’aime guère le mot abstrait – abstraire c’est enlever… Lui ajoute, construit, fabrique.

Outrenoir

La série Outrenoir (qui suggère cet autre bout du monde, mais aussi
son autre versant) va aller au bout de ce noir (cette non-couleur), va
chercher cet au-delà. Soulages réduit cette distance démesurée et
ramène sous les yeux du visiteur la quintessence du noir. Car s’il a
peu à peu réduit sa palette, il a densifié la matière : une épaisseur
exigeante, délicate et obstinée, tendue de stries verticales,
horizontales, obliques, rompues quelquefois, selon les toiles. Un noir
qui désormais couvre tout le support, se suffit à lui-même et capte la
lumière (même celle discrète de cet octobre pluvieux) transmuant ce
noir en une luxuriante palette. Moirures, irisations, arêtes
éclatantes, vif argent par endroits. C’est encore plus saisissant sur
ces grands panneaux suspendus : des « murs de lumière » irréels
comme une galaxie dont les visiteurs seraient les satellites. 
Outrenoir, entamée en 1979 – des grands formats dont trois
peintures verticales de quatre mètres de haut exposées l’an passé au
Louvre (ses derniers tableaux datés de 2019) –, accueille le visiteur
dans la grande salle du rez-de-chaussée.

Le voyage remonte le temps (et les étages)

Soulages, peinture, 31 mai 1961
Photo Cardi Valérie

Les toiles des années soixante et soixante-dix se permettent encore
d’autres couleurs, creusent le rouille, le rouge, le bleu, des couleurs
dont l’affleurement est d’autant plus cinglant qu’elles sont
colonisées par le noir. Et puis ces blancs, ces lacunes concédées au
papier, au tissu, au bois brut qu’enlumine, non pas des dorures
imagées, mais ce noir toujours qui capte la lumière et désavoue le
noir qui n’est jamais obscurité, mais vibration polychrome. Il y a une
ivresse du geste et cette omniprésence de la matière noire avec ce
jeu sur le support : la coulure, la craquelure – ce jeu sur le temps qui
passe et magnifie, le pari de la chimie qui transmue la liquide
peinture en solide pigment telle cette matière croûteuse des
libations versées sur les idoles africaines. Le jeu de la légèreté et de
la masse, la spatule qui lisse ou racle, la brosse qui zèbre ou le
couteau qui affouille. La tache, l’aplat, la traîne, le large, le généreux,
le délicat, le fibreux, le ferme et le trouble. Et la vibration de tout ça
qui projette dans l‘œil le blanc, le bois, la respiration du support.
Avec la signature discrète au bas de la toile vivante.

C’est une remontée vers les origines, pas seulement vers les
premières années du peintre, mais aussi celui de la matière. L’huile
des Outrenoir brillante, épaisse, dense confrontée à ce lavis végétal
(cette brou de noix entre 1946 et 1954) appliqué en légèreté
laissant apparaître par transparence le grain du support. Ou d’autres
pistes : le goudron sur du verre… Et ce changement d’échelle comme
si le noir était à l’étroit dans les petits formats du début, souvent du
papier, et exigeait ces formats gigantesques, presque en lévitation.
Remarquable constance de l’artiste qui, du noir au noir, sait se
renouveler, inventer en creusant opiniâtrement le même sillon.

Retour à l’enfance aussi. Alfred Pacquement, ami du peintre et
commissaire aux côtés d’Udo Kittelmann, raconte cette belle
anecdote. Enfant, Soulages traçait de grandes lignes noires – déjà ! –
sur une feuille blanche et avec une telle concentration qu’un adulte
lui a demandé ce qu’il peignait ainsi. Il a levé les yeux et a dit : je peins
la neige.

Baden-Baden, Museum Frieder Burda du
17 octobre 2020 au 28 février 2021

Par Luc Maechel http://racinesnomades.net/ephemerides/ephemeride-2021/#Soulages

Interview – Prix Femina des lycéens 2020

« Un roman qui nous touche par le dilemme de ses personnages si
différents et pourtant si liés. »

Le 9 décembre dernier, le Prix Femina des lycéens 2020 a été
décerné à Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin (Manufacture
de livres). Hebdoscope a rencontré quelques jurys du prix, les
élèves de la classe de 1ère 6 de Marie-Emma Dionne, professeure
de lettres au Lycée Val de Seine, un lycée de la banlieue
rouennaise, qui expliquent leur choix. 

« Ce qu’il faut de nuit, le roman élu par les lycéens lors du vote du Prix
Femina des Lycéens 2020, est un roman touchant traitant d’un sujet
d’actualité avec beaucoup de force. Un roman qui nous touche par le dilemme de ses personnages si différents et pourtant si liés. L’auteur met
en avant deux personnages aux idées fortes, mais contraires, un père et
son fils, de deux tendances politiques différentes. Le développement de la
distance entre ces deux protagonistes est intéressant, le cheminement des
idées est bien construit et développé, les rebondissements s’enchaînent et
surprennent. L’auteur laisse planer le doute quant à la fin du roman, et les
interprétations des dernières pages ont été différentes pour chacun
d’entre nous. Ce qu’il faut de nuit est un roman bien écrit, qui laisse place
à l’imagination et au débat suite à sa lecture. »
(Mylène Morisse)

« J’ai été touché par le désir du père comme du fils de continuer à essayer
de communiquer et de s’aimer malgré toutes leurs différences. Leurs
tentatives de se montrer leur affection sont parfois maladroites. Les
problèmes qu’ils rencontrent ne se limitent pas à un conflit autour d’idées
politiques, mais peuvent être généralisés à une relation compliquée entre
parents et enfants. Ici, le père a du mal à accepter les idées extrémistes de
son fils, le fils a du mal à trouver sa place et à parler de lui, mais il n’est pas
question de prendre parti pour l’un ou pour l’autre, juste question de
donner à voir la difficulté des relations familiales et aussi les
conséquences d’actes que l’on ne maîtrise pas toujours au sein de la
famille, et qui peuvent nous séparer, malgré l’amour que nous nous
portons les uns aux autres. « 
(Marwan Dehbi)

« J’avoue que le début du livre n’a pas été facile à comprendre pour moi,
mais la rencontre physique avec l’auteur qui est venu au Lycée dans le
cadre du Prix Femina des Lycéens m’a éclairée. J’ai bien aimé l’humour de l’auteur et son approche concrète de nos questions. Je me suis remise à
lire le livre grâce aux réponses qui m’avaient été apportées. J’ai trouvé
l’histoire touchante, j’ai beaucoup aimé les liens très forts qui unissent les
deux frères, car je suis issue d’une famille nombreuse, avec sept soeurs,
alors je connais bien ce lien. »
(Sarah Murlin)

« Lire un livre et rencontrer l’auteur qui l’a écrit a été pour nous un
véritable plaisir. Il nous a écoutés, a su nous mettre à l’aise et a éclairé des
zones d’ombre de son livre, tout en nous laissant libres d’interpréter la fin.
Nous avons dans la classe des interprétations différentes de certains
passages du livre, en fonction de nos personnalités, ce qui nous a permis
de discuter littérature, ce qui était assez nouveau pour nous. « 
(Chloé Sauvage)

« Ce qu’il faut de nuit est un roman accessible à tout lecteur. Il se déroule
dans un cadre réaliste, et aborde de nombreux sujets, par petites touches.
Laurent Petitmangin lors de la rencontre a été ouvert et nous a permis
d’aborder toutes sortes de sujets, y compris dans le domaine de la lecture
et de l’écriture, ce qui était très motivant. « 
(Manon Nowaczyk- Lola Rosay- Mathéo Modard- Enzo
Leconte-Agathe Morainville)

« Ce qu’il faut de nuit est un livre très touchant, non seulement grâce à la
relation père-fils qui nous est présentée, mais aussi parce qu’il nous aide à
comprendre l’état d’esprit du père, qui essaie malgré la maladie et la mort
de sa femme, de rester fort et présent pour ses deux fils. Après la
rencontre avec Laurent Petitmangin, nous nous sommes mieux rendus
compte de la sincérité de l’auteur et nous avons vu que cette histoire lui
tenait à cœur. Il nous a dit que dès le départ, il voulait que son roman soit
centré sur la relation père-fils, une relation marquée par la tragédie mais
une relation aimante. La lettre finale de Füss m’a personnellement
beaucoup touchée. Ce qu’il faut de nuit est un roman qui présente des
personnages auxquels on peut s’identifier, l’histoire est captivante et
centrée autour du thème de l’amour. « 
(Djoys Lukuku)

« Je considère comme une chance et une fierté le fait d’avoir été élue pour
représenter la classe au Prix Femina des Lycéens. Tous les livres de la
sélection m’ont apporté quelque chose, et aucun d’entre eux n’était
indigne d’avoir le prix. Ce qu’il faut de nuit garde une place spéciale dans
le palmarès des romans dont nous nous souviendrons. « 
(Cléliah Boucand)

« La rencontre avec l’auteur nous a donné envie de lire le livre. L’histoire
n’est pas toute rose, mais il est facile de s’identifier aux personnages et l’histoire est pleine de rebondissements. La relation fusionnelle qui unit
les membres de la famille rend la fin du roman encore plus surprenante.  »
(Jade Yaya-Yvenislove Vincent- Ambre Koué Bi Seri)

« Dans Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin ne raconte pas
seulement une relation père-fils fusionnelle, mais l’histoire d’un père qui
fait face aux choix de son ainé, à des choix contraires à l’éducation qu’il
lui a donnée. Comment accepter de voir son enfant s’approprier des
valeurs politiques opposées à ses idéaux? Comment accepter le jugement,
la culpabilité qui en résulte lorsque son enfant passe au tribunal  pour
avoir commis un crime?  Laurent Petitmangin nous laisse, nous lecteurs,
libres de choisir l’interprétation du dénouement de ce roman
bouleversant. »
(Charlotte Leduc, Nelson Pirès)M

Merci à tous et à leurs professeurs Marie-Emma Dionne et Hélène Legodec ainsi qu’à Evelyne Bloch-Dano

Propos recueillis par Laurent Pfaadt

Festival vagamondes

Les Vagamondes 2021

La Filature et Benoît André, son nouveau directeur, tenaient à
préserver cette 9e édition du festival. Numérique mais sans
frontière – pandémie et restrictions obligent –, c’est du 12 au 31
janvier en ligne :
https://www.lafilature.org/spectacle/les-vagamondes-2021/

Un programme touffu et ambitieux (arts visuels, théâtre, danse,
musique, rencontres) en résonance avec cette époque de barrières,
car Vagamondes cultive le lien ! Liens entre les rives, les civilisations,
les cultures, les genres.

Le festival vient d’entamer sa seconde semaine. Toutes les
propositions sont accessibles en direct et la plupart le restent en
replay jusqu’au 31 janvier. Beau cadeau à son public : c’est
entièrement gratuit et l’accès ne nécessite aucune identification.
Click and show !

Saint-Maud

Un film de Rose Glass

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice britannique Rose Glass a eu les honneurs du 27ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. Saint Maud faisait partie de la compétition officielle, qui comptait 10 longs-métrages.

Dès sa première projection (à Gérardmer, les films présentés sont diffusés à plusieurs reprises durant les 5 cinq jours du festival), Saint Maud fit beaucoup parler de lui. Au point de très vite figurer comme l’un des favoris de la célèbre manifestation vosgienne. A l’issue des 5 jours de compétition le palmarès ne fit que confirmer cette impression : en repartant avec quatre récompenses, le film réalisa une des plus mémorables razzias de l’histoire du festival. En cumulant le Grand Prix, le Prix de la Critique, le Prix de la Meilleure Musique Originale et enfin le Prix du Jury Jeunes de la Région Grand Est, Saint Maud inscrivit son nom au panthéon de la manifestation, aux côtés du superbe Mister Babadook de Jennifer Kent en 2014 (Prix du Jury, Prix du Public, Prix de la Critique, Prix du Jury Jeunes de la Région Grand Est), seul autre long-métrage à avoir remporté quatre récompenses.

En un peu plus d’une heure vingt Rose Glass invite le spectateur à partager le quotidien d’une jeune femme, Maud, qui cherche à communiquer avec Dieu. La réalisatrice avait fait le déplacement dans les Vosges. Elle monta sur la scène de la grande salle de l’Espace Lac juste avant la projection pour présenter son film. Une fois l’obscurité revenue, les premières images confirmèrent les propos qu’elle venait de tenir. Le film serait une immersion dans la psyché ô combien torturée de son personnage principal.

Après une ouverture très organique – que nous ne dévoilerons pas de peur de priver le spectateur d’un saisissant tableau – le film nous présente son personnage principal, Maud, une jeune femme tout ce qu’il y a de plus banal. Elle va se rendre à son nouveau travail. Apparemment très croyante, elle est l’infirmière particulière d’une ancienne artiste que la maladie a contraint à rester cloîtrée dans sa vaste demeure. Maud communique avec Dieu, elle lui parle à tout instant. Elle attend un signe de lui, une indication sur sa destinée, car elle est intimement convaincue que le Seigneur a une mission pour elle. Il occupe chacune de ses pensées, mais pour l’observateur extérieur Maud a l’air jeune et inoffensive. Parfaitement anodine.

Dans la grande bâtisse que Maud partage avec sa patronne, Amanda Kohl, l’ambiance est pesante et la lumière se fait rare. Le quotidien de Maud se partage entre ses journées consacrées aux soins apportés à Amanda, et ses soirées (et parfois ses nuits) tournées vers Dieu. A l’occasion, Amanda reçoit des invités le soir, ou la nuit. Histoire de s’évader un peu, d’oublier sa déchéance en renouant avec son passé de diva de la danse. Dans ces moments-là, elle prend ses distances avec Maud, alors qu’au contraire chaque journée lui permet de créer un lien de plus en plus fort avec sa soignante. Lors de ces journées passées à communier avec Dieu les deux femmes en deviennent quasi fusionnelles. Car pour Maud, le Seigneur a de grands projets concernant Amanda. Jour après jour, le lien qui les unit n’en devient que plus fort. Jusqu’au drame.

Après s’être emportée contre Amanda, Maud sera relevée de ses fonctions. Et devra réintégrer son petit appartement. Cette rupture la verra sombrer dans l’introspection et le doute. Sans emploi, désœuvrée, elle questionnera chaque jour un peu plus sa foi dans l’espoir de recevoir des réponses. Le profond traumatisme qui frappe alors Maud est le moment que choisit Rose Glass pour laisser libre cours à ses envies d’expérimentation. Elle adopte alors une manière de filmer plus libre et utilise des procédés originaux. Les angles de prises de vue deviennent atypiques, de travers, sens dessus dessous. La mise en scène fait ressentir aux spectateurs ce qui se passe dans la tête de Maud.

Dans sa seconde partie Saint Maud se révèle dans toute sa complexité et sa profondeur. Après avoir appris à connaître Maud, le spectateur se trouve emporté dans son esprit torturé, tour à tour exalté ou traversé de doutes. Dans ce climat anxiogène la musique joue une part importante. Au milieu des doutes qui assaillent Maud le spectateur étouffe. Pendant toute la (petite) durée du film, la jeune comédienne galloise Morfydd Clark accapare l’écran et exprime merveilleusement bien l’intensité dévorante de la foi qui l’habite. Au départ du projet, la réalisatrice avait en tête une comédienne bien plus âgée pour interpréter Maud. Les essais l’ont finalement convaincue de choisir Morfydd Clark, malgré sa relative jeunesse (tout juste 30 ans). Elle s’en est d’ailleurs félicitée à Gérardmer.

Fait assez rare pour le signaler, Rose Glass avait choisi de rester dans la salle de l’Espace Lac toute la durée de la projection. Histoire de ressentir la salle, pouvoir palper les réactions du public. A l’issue de la projection, sa curiosité fut largement récompensée par les salves nourries d’applaudissements.

Jérôme MAGNE

Bernard Latuner à Freiburg

« Notre société hédoniste verra
se multiplier des activités de loisirs
engendrant, entre autres, de la part
des pays émergents, un flux
touristique grandissant, à travers le
monde.

Les derniers grands espaces
deviendront des boulevards
ludiques et balisés.

Une passions de l’Homme étant de
collectionner et de conserver les
objets et les sites, témoins de sa grandeur, mais aussi de sa
mégalomanie, le dernier et le plus grand des musées sera celui de la «
Nature » dont les prémices sont d’ores et déjà réunis dans notre
langage et dans les faits : « préservation de la biodiversité », « sites
identifiés », « protection maximale des sites », « centre d’initiation à
la nature », « réserves naturelles », « parc nationaux », etc.

L’homme pourra enfin se comporter vis-à-vis de la Nature, non plus
comme un marcheur parcourant un espace, dont jusqu’à présent il
n’était que l’hôte, mais comme un propriétaire gérant son
environnement à sa guise.

De cette tragédie est née l’idée du « Musée de la Nature » qui se
concrétisera par un bâtiment en forme de papallélépipède, où, à
travers une série de volumes comprenant en leur intérieur un extrait
d’espèces naturelles, faune ou flore « muséifiée », qui se reflétera à
l’infini grâce à un jeu de miroirs, réveillant en nous le souvenir des
grands espaces disparus, inscrits dans notre mémoire.

Homme lyrique et romantique aux fleurs, aux prairies et à l’espace
naturel dont la disparition est programmée, ce projet donnera la
vraie dimension de l’Homme c’est-à-dire, petit, petit et encore
petit ».

Bernard Latuner

https://youtu.be/hRB5xwOYmNQ