Un abri de fortune sur pilotis et un couple. L’homme, tyran domestique maniaque, ordonnance ce minuscule territoire de dénuement : un dépotoir pas loin de la mer. La femme exécute ses directives qui préservent un semblant de civilité. Ils évoquent les déchets alentour – mais le public ne verra qu’une nappe de fumée stagnant en permanence sur le plateau – et les étrangers qui rôdent. Contre l’invasion des premiers, ils sont impuissants, contre les seconds, ils installent une clôture de barbelés…
Surgissent deux femmes, une mère et sa grande fille. Elles sont à la fois des intruses et une socialité possible. Elles fuient une misère encore plus grande : une fatalité qui pousse, pour survivre, à s’approprier la barbarie des bourreaux (récit glaçant de Murielle Colvez). Au bout : la folie. Une folie ordonnée qui amplifie la barbarie !
Reste la mer, l’espoir d’un ailleurs, qui devient une quête de soi avec au bout un possible chez soi. Seule la plus jeune s’y accroche, rêvant d’échapper à la fois à la misère et au poids de la tradition.
Le bruissement du noir installe lentement chaque scène, fait émerger les corps mangés par cette vapeur et leurs voix faites chair. Ces fumées ont une odeur, une moiteur et cette palpitation de la pénombre immerge le spectateur dans un séduisant espace théâtral.
Deux belles options de mise en scène qui font mesurer la distance entre le spectacle vivant et sa captation (respectueuse du projet au demeurant) filmée sur le plateau de la Filature avant la mise en ligne pour les festivaliers.
avec Soleïma Arabi, Murielle Colvez, Marianne Deshayes, Miglen Mirtchev texte : Hala Moughanie mise en scène : Imad Assaf scénographie & costumes : Manon Grandmontagne lumières : Vivien Niderkorn son : Didier Léglise
[plus ou moins deux virgule deux degrés de fantaisie orthogonale]
C’est sous ce titre, que l’artiste alsacien Pierre Muckensturm, dernier invité de l’année 2020, présentera à l’Espace d’Art Contemporain André Malraux à Colmar ses derniers travaux inspirés de l’Entasis, cette imperceptible courbure de 2,2° qu’appliquaient les architectes Grecs aux colonnes de leurs temples pour donner à l’œil l’illusion d’une parfaite rectitude qu’ils n’avaient pas.
L’art concret n’est pas un dogme, pas un « isme », il est l’expression d’une pensée intellectuelle.
L’art concret n’est pas une abstraction, n’est pas narratif, littéraire. Il est proche de la musique.
Extraits du Manifeste de l’art concret (avril 1930)
S’il parle plus volontiers d’art construit, Pierre Muckensturm s’inscrit dans cette filiation-là. En effet il conçoit beaucoup de ses œuvres par ordinateur, y teste des séries ouvrant sa création à une autre spontanéité, celle d’une tentative d’exhaustivité avec des propositions plurielles (allant quelquefois jusqu’à livrer une matrice d’accrochage à ses collectionneurs). L’atelier devient un lieu d’exécution de ses projets, mais le soin, la précision, la pédagogie demeurent : il laisse sur la toile les indices du tracé, de l’élaboration. Discrètement l’artiste déconstruit la rigueur par débauche de rigueur, démasque le simulacre du jeu mathématique qui ne l’est pas autant que cela. Une transgression de la norme rationnelle qui égratigne au passage notre société du paraître brandissant une science dont les réussites masquent les nombreuses lacunes et incertitudes…
Si le rez-de-chaussée du white cube décline sur de grands formats une chorégraphie d’équerres avecentas – sa figure de base –, la coursive déploie avec des pièces plus sérielles et sophistiquées l’affrontement d’aplats noirs avec leurs interstices blancs. Ces travaux génèrent d’hypnotiques illusions d’optique suscitant parfois un troublant malaise : des taches sombres apparaissent en mirages aux croisements des lignes blanches séparant ces faux carrés délicatement désalignés. Comme en musique, les figures imaginées par l’artiste induisent des harmoniques non transcrites sur la partition.
Un portfolio de douze estampes
On en retrouve certaines en petit format dans le portfolio créé à l’occasion de cette exposition : un coffret de douze estampes (25 x 25 cm) imprimées chez „En l‘Encre Nous Croyons“ à Gérardmer sur un vélin BFK Arches par une Original Heildelberg, une presse typographique à platine de 1965 qui permet de préserver un léger foulage : l’empreinte laissée par la pression de la matrice (un „tampon“ en polymère) sur le papier. Une proposition élaborée avec l’imprimeur Christin Georgel. Formé à l‘École supérieure d‘art d‘Épinal (ÉSAÉ), celui-ci a dirigé pendant plus de trois ans l‘atelier de production de l‘Imagerie d’Épinal et enseigne désormais à la Hear à Strasbourg.
Un lien entre art et art appliqué qui permet à un savoir-faire de rester vivace et créatif.
Par Luc Maechel
Espace d’Art Contemporain André Malraux 4 rue Rapp F. 68000 COLMAR
Tél. : 0033(0)3 89 24 28 73
Entrée gratuite Reportée en raison du confinement, elle ouvrira du ?/?? au 7/03/2021 ?
Le portfolio est en vente à la boutique du Musée Unterlinden
Poursuivant sa lecture musicale d’Antonio Salieri, Christophe Rousset et ses Talens lyriques nous emmène cette fois-ci à la découverte d’Armida, drame musical composé en 1771 qui raconte les amours d’Armide (Armida) et de Renaud (Rinaldo) et dont il nous offre le premier enregistrement mondial.
Car ce disque est un véritable cadeau. Une fois de plus, l’interprétation touche juste. Une atmosphère intime très agréable s’en dégage grâce à l’alchimie des Talens lyriques et du chœur de chambre de Namur. On se sent ainsi privilégié de découvrir cet opéra comme a dû peut-être le ressentir l’empereur et sa cour. De plus, les voix portent à merveille ce drame. Avec sa palette sonore stupéfiante entre puissance et murmure, Lenneke Ruiten campe une Armida très convaincante surtout dans ses arias du troisième acte tandis que le bariton anglais Ashley Riches brille en Ubaldo. Ses intonations rappellent celles du commandeur du Don Giovanni de Mozart. D’ailleurs Salieri n’avait que vingt ans lorsqu’il composa cet opéra qui devait assoir sa renommée. Un petit génie déboulant dans la musique. Comme Mozart. Deux cent cinquante ans plus tard, Christophe Rousset rend ainsi un peu plus justice à ce compositeur malaimé, injustement reconnu et qui pourtant influença le génie. Ce disque en est une nouvelle preuve éclatante.
Par Laurent Pfaadt
Armida d’Antonio Salieri par les Talens lyriques dir. Christophe Rousset, Chez Aparté
Un vieillard revient sur sa vie passée. Il a du sang sur les mains. Et pour cause : il a été le principal marchand d’armes du début du 20e siècle. A travers ce livre où la fiction côtoie la réalité, un peu comme l’avait fait Stephen Marlowe avec les mémoires de Christophe Colomb, Jennifer Richard, auteure du très beau Il est à toi ce beau pays, trace le portait en clair-obscur de Basil Zaharoff, ce « marchand de mort » comme le qualifia Romain Gary.
Voyageant en sa compagnie ainsi qu’avec sa femme Pilar, princesse espagnole méprisable à souhait – car derrière tout grand homme, il y a une femme et celle-ci est à la mesure de son double masculin c’est- à-dire détestable – Jennifer Richard nous embarque dans un tourbillon d’aventures aux quatre coins du globe avec quelques scènes d’anthologie comme cette visite à Saint Pétersbourg en compagnie de l’inventeur de la mitrailleuse Maxim qui faucha tant de soldats durant le premier conflit mondial et que Zaharoff vendit aux deux camps. Jamais d’empathie pour son personnage, pour cet homme malgré ses doutes, sur le sens qu’il peine à donner à sa vie. Juste une introspection au scalpel à l’heure où le puissant est ramené à sa dimension humaine débarrassé de ses oripeaux.
Archétype de l’opportuniste sans scrupules, Zaharoff ne recula devant aucune compromission pour parvenir à ses fins : violence, esclavagisme, meurtre, corruption. Au fil des pages, on se demande finalement quel but poursuivit Zaharoff : enrichissement personnel ? Quête de notabilité pour cet enfant des bas-fonds de Constantinople ou reconnaissance tant recherchée d’un homme voué à détruire les autres ? Le lecteur n’obtiendra pas de réponses car il n’y en a jamais pour les hommes sans morale nous dit l’auteure.
Et à l’instar de ces traces du désert algérien dans lequel Zaharoff chercha l’or noir, sa mémoire vint à s’effacer. Zaharoff assista ainsi, de son vivant, à son propre supplice, celui de tomber dans l’oubli. Car le temps est le plus intraitable des marchands de mort. Il ne négocie jamais et ses règles ne se discutent pas.
Celui qui a trahi tant de nations finit par être trahi par les siens. La grande leçon de ce livre est là : le cynisme finit toujours par consumer celui qui le manie. Zaharoff aurait aimé laissé une trace dans l’histoire. Aujourd’hui qui se souvient encore de celui qui se prit pour « Dieu » ? Personne. Ce livre magnifique, finaliste du Prix RTL- Lire 2021, achève d’abattre un mythe construit sur des crânes. Avec une plume.
Par Laurent Pfaadt
Jennifer Richard, Le diable parle toutes les langues, Chez Albin Michel, 432 p.
Dès 1948 et l’exposition « Französische abstrakte Malerei » qui tournera pendant un an, l’Allemagne saura mettre en avant l’originalité et le talent du peintre, même pas trentenaire, né à Rodez. Le Dr Dominick, initiateur de l’évènement, choisira même une de ses toiles pour l’affiche. Suivront des invitations aux trois premières éditions de la documenta à Kassel et c’est à Hanovre qu’a lieu sa première rétrospective dès 1960. Celle du Museum Frieder Burda qui rassemble une soixantaine d’œuvres fait suite à celle organisée l’an passé au Louvre à l’occasion du centenaire de l’artiste.
Brou de noix, ce presque noir, organique et naturel
Le corps de l’artiste – une énergie que prolonge le bras, la main, le pinceau, l’outil – et cette couleur sombre et végétale s’approprie le support – toile, papier, panneau de bois. Par le geste se cristallise un intense surgissement. Une concentration qui confine au tellurique. Essentiel : Soulages n’aime guère le mot abstrait – abstraire c’est enlever… Lui ajoute, construit, fabrique.
Outrenoir
La série Outrenoir (qui suggère cet autre bout du monde, mais aussi son autre versant) va aller au bout de ce noir (cette non-couleur), va chercher cet au-delà. Soulages réduit cette distance démesurée et ramène sous les yeux du visiteur la quintessence du noir. Car s’il a peu à peu réduit sa palette, il a densifié la matière : une épaisseur exigeante, délicate et obstinée, tendue de stries verticales, horizontales, obliques, rompues quelquefois, selon les toiles. Un noir qui désormais couvre tout le support, se suffit à lui-même et capte la lumière (même celle discrète de cet octobre pluvieux) transmuant ce noir en une luxuriante palette. Moirures, irisations, arêtes éclatantes, vif argent par endroits. C’est encore plus saisissant sur ces grands panneaux suspendus : des « murs de lumière » irréels comme une galaxie dont les visiteurs seraient les satellites. Outrenoir, entamée en 1979 – des grands formats dont trois peintures verticales de quatre mètres de haut exposées l’an passé au Louvre (ses derniers tableaux datés de 2019) –, accueille le visiteur dans la grande salle du rez-de-chaussée.
Le voyage remonte le temps (et les étages)
Les toiles des années soixante et soixante-dix se permettent encore d’autres couleurs, creusent le rouille, le rouge, le bleu, des couleurs dont l’affleurement est d’autant plus cinglant qu’elles sont colonisées par le noir. Et puis ces blancs, ces lacunes concédées au papier, au tissu, au bois brut qu’enlumine, non pas des dorures imagées, mais ce noir toujours qui capte la lumière et désavoue le noir qui n’est jamais obscurité, mais vibration polychrome. Il y a une ivresse du geste et cette omniprésence de la matière noire avec ce jeu sur le support : la coulure, la craquelure – ce jeu sur le temps qui passe et magnifie, le pari de la chimie qui transmue la liquide peinture en solide pigment telle cette matière croûteuse des libations versées sur les idoles africaines. Le jeu de la légèreté et de la masse, la spatule qui lisse ou racle, la brosse qui zèbre ou le couteau qui affouille. La tache, l’aplat, la traîne, le large, le généreux, le délicat, le fibreux, le ferme et le trouble. Et la vibration de tout ça qui projette dans l‘œil le blanc, le bois, la respiration du support. Avec la signature discrète au bas de la toile vivante.
C’est une remontée vers les origines, pas seulement vers les premières années du peintre, mais aussi celui de la matière. L’huile des Outrenoir brillante, épaisse, dense confrontée à ce lavis végétal (cette brou de noix entre 1946 et 1954) appliqué en légèreté laissant apparaître par transparence le grain du support. Ou d’autres pistes : le goudron sur du verre… Et ce changement d’échelle comme si le noir était à l’étroit dans les petits formats du début, souvent du papier, et exigeait ces formats gigantesques, presque en lévitation. Remarquable constance de l’artiste qui, du noir au noir, sait se renouveler, inventer en creusant opiniâtrement le même sillon.
Retour à l’enfance aussi. Alfred Pacquement, ami du peintre et commissaire aux côtés d’Udo Kittelmann, raconte cette belle anecdote. Enfant, Soulages traçait de grandes lignes noires – déjà ! – sur une feuille blanche et avec une telle concentration qu’un adulte lui a demandé ce qu’il peignait ainsi. Il a levé les yeux et a dit : je peins la neige.
« Un roman qui nous touche par le dilemme de ses personnages si différents et pourtant si liés. »
Le 9 décembre dernier, le Prix Femina des lycéens 2020 a été décerné à Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin (Manufacture de livres). Hebdoscope a rencontré quelques jurys du prix, les élèves de la classe de 1ère 6 de Marie-Emma Dionne, professeure de lettres au Lycée Val de Seine, un lycée de la banlieue rouennaise, qui expliquent leur choix.
« Ce qu’il faut de nuit, le roman élu par les lycéens lors du vote du Prix Femina des Lycéens 2020, est un roman touchant traitant d’un sujet d’actualité avec beaucoup de force. Un roman qui nous touche par le dilemme de ses personnages si différents et pourtant si liés. L’auteur met en avant deux personnages aux idées fortes, mais contraires, un père et son fils, de deux tendances politiques différentes. Le développement de la distance entre ces deux protagonistes est intéressant, le cheminement des idées est bien construit et développé, les rebondissements s’enchaînent et surprennent. L’auteur laisse planer le doute quant à la fin du roman, et les interprétations des dernières pages ont été différentes pour chacun d’entre nous. Ce qu’il faut de nuit est un roman bien écrit, qui laisse place à l’imagination et au débat suite à sa lecture. » (Mylène Morisse)
« J’ai été touché par le désir du père comme du fils de continuer à essayer de communiquer et de s’aimer malgré toutes leurs différences. Leurs tentatives de se montrer leur affection sont parfois maladroites. Les problèmes qu’ils rencontrent ne se limitent pas à un conflit autour d’idées politiques, mais peuvent être généralisés à une relation compliquée entre parents et enfants. Ici, le père a du mal à accepter les idées extrémistes de son fils, le fils a du mal à trouver sa place et à parler de lui, mais il n’est pas question de prendre parti pour l’un ou pour l’autre, juste question de donner à voir la difficulté des relations familiales et aussi les conséquences d’actes que l’on ne maîtrise pas toujours au sein de la famille, et qui peuvent nous séparer, malgré l’amour que nous nous portons les uns aux autres. « (Marwan Dehbi)
« J’avoue que le début du livre n’a pas été facile à comprendre pour moi, mais la rencontre physique avec l’auteur qui est venu au Lycée dans le cadre du Prix Femina des Lycéens m’a éclairée. J’ai bien aimé l’humour de l’auteur et son approche concrète de nos questions. Je me suis remise à lire le livre grâce aux réponses qui m’avaient été apportées. J’ai trouvé l’histoire touchante, j’ai beaucoup aimé les liens très forts qui unissent les deux frères, car je suis issue d’une famille nombreuse, avec sept soeurs, alors je connais bien ce lien. » (Sarah Murlin)
« Lire un livre et rencontrer l’auteur qui l’a écrit a été pour nous un véritable plaisir. Il nous a écoutés, a su nous mettre à l’aise et a éclairé des zones d’ombre de son livre, tout en nous laissant libres d’interpréter la fin. Nous avons dans la classe des interprétations différentes de certains passages du livre, en fonction de nos personnalités, ce qui nous a permis de discuter littérature, ce qui était assez nouveau pour nous. « (Chloé Sauvage)
« Ce qu’il faut de nuit est un roman accessible à tout lecteur. Il se déroule dans un cadre réaliste, et aborde de nombreux sujets, par petites touches. Laurent Petitmangin lors de la rencontre a été ouvert et nous a permis d’aborder toutes sortes de sujets, y compris dans le domaine de la lecture et de l’écriture, ce qui était très motivant. « (Manon Nowaczyk- Lola Rosay- Mathéo Modard- Enzo Leconte-Agathe Morainville)
« Ce qu’il faut de nuit est un livre très touchant, non seulement grâce à la relation père-fils qui nous est présentée, mais aussi parce qu’il nous aide à comprendre l’état d’esprit du père, qui essaie malgré la maladie et la mort de sa femme, de rester fort et présent pour ses deux fils. Après la rencontre avec Laurent Petitmangin, nous nous sommes mieux rendus compte de la sincérité de l’auteur et nous avons vu que cette histoire lui tenait à cœur. Il nous a dit que dès le départ, il voulait que son roman soit centré sur la relation père-fils, une relation marquée par la tragédie mais une relation aimante. La lettre finale de Füss m’a personnellement beaucoup touchée. Ce qu’il faut de nuit est un roman qui présente des personnages auxquels on peut s’identifier, l’histoire est captivante et centrée autour du thème de l’amour. « (Djoys Lukuku)
« Je considère comme une chance et une fierté le fait d’avoir été élue pour représenter la classe au Prix Femina des Lycéens. Tous les livres de la sélection m’ont apporté quelque chose, et aucun d’entre eux n’était indigne d’avoir le prix. Ce qu’il faut de nuit garde une place spéciale dans le palmarès des romans dont nous nous souviendrons. « (Cléliah Boucand)
« La rencontre avec l’auteur nous a donné envie de lire le livre. L’histoire n’est pas toute rose, mais il est facile de s’identifier aux personnages et l’histoire est pleine de rebondissements. La relation fusionnelle qui unit les membres de la famille rend la fin du roman encore plus surprenante. » (Jade Yaya-Yvenislove Vincent- Ambre Koué Bi Seri)
« Dans Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin ne raconte pas seulement une relation père-fils fusionnelle, mais l’histoire d’un père qui fait face aux choix de son ainé, à des choix contraires à l’éducation qu’il lui a donnée. Comment accepter de voir son enfant s’approprier des valeurs politiques opposées à ses idéaux? Comment accepter le jugement, la culpabilité qui en résulte lorsque son enfant passe au tribunal pour avoir commis un crime? Laurent Petitmangin nous laisse, nous lecteurs, libres de choisir l’interprétation du dénouement de ce roman bouleversant. » (Charlotte Leduc, Nelson Pirès)M
Merci à tous et à leurs professeurs Marie-Emma Dionne et Hélène Legodecainsi qu’à Evelyne Bloch-Dano
La Filature et Benoît André, son nouveau directeur, tenaient à préserver cette 9e édition du festival. Numérique mais sans frontière – pandémie et restrictions obligent –, c’est du 12 au 31 janvier en ligne : https://www.lafilature.org/spectacle/les-vagamondes-2021/
Un programme touffu et ambitieux (arts visuels, théâtre, danse, musique, rencontres) en résonance avec cette époque de barrières, car Vagamondes cultive le lien ! Liens entre les rives, les civilisations, les cultures, les genres.
Le festival vient d’entamer sa seconde semaine. Toutes les propositions sont accessibles en direct et la plupart le restent en replay jusqu’au 31 janvier. Beau cadeau à son public : c’est entièrement gratuit et l’accès ne nécessite aucune identification. Click and show !
Pour
son premier long-métrage, la réalisatrice britannique Rose Glass a
eu les honneurs du 27ème Festival International du Film Fantastique
de Gérardmer. Saint Maud faisait partie de la compétition
officielle, qui comptait 10 longs-métrages.
Dès
sa première projection (à Gérardmer, les films présentés sont
diffusés à plusieurs reprises durant les 5 cinq jours du festival),
Saint Maud fit beaucoup parler de lui. Au point de très vite
figurer comme l’un des favoris de la célèbre manifestation
vosgienne. A l’issue des 5 jours de compétition le palmarès ne
fit que confirmer cette impression : en repartant avec quatre
récompenses, le film réalisa une des plus mémorables razzias de
l’histoire du festival. En cumulant le Grand Prix, le Prix de la
Critique, le Prix de la Meilleure Musique Originale et enfin le Prix
du Jury Jeunes de la Région Grand Est, Saint Maud inscrivit
son nom au panthéon de la manifestation, aux côtés du superbe
Mister Babadook de Jennifer Kent en 2014 (Prix du Jury, Prix
du Public, Prix de la Critique, Prix du Jury Jeunes de la Région
Grand Est), seul autre long-métrage à avoir remporté quatre
récompenses.
En
un peu plus d’une heure vingt Rose Glass invite le spectateur à
partager le quotidien d’une jeune femme, Maud, qui cherche à
communiquer avec Dieu. La réalisatrice avait fait le déplacement
dans les Vosges. Elle monta sur la scène de la grande salle de
l’Espace Lac juste avant la projection pour présenter son film.
Une fois l’obscurité revenue, les premières images confirmèrent
les propos qu’elle venait de tenir. Le film serait une immersion
dans la psyché ô combien torturée de son personnage principal.
Après
une ouverture très organique – que
nous ne dévoilerons pas de peur de priver le spectateur d’un
saisissant tableau – le film nous présente son personnage
principal, Maud, une
jeune femme tout ce qu’il y a de plus banal. Elle va
se rendre à son nouveau travail. Apparemment très croyante, elle
est l’infirmière particulière d’une ancienne artiste que la
maladie a contraint à rester cloîtrée dans sa vaste demeure. Maud
communique avec Dieu, elle lui parle à tout instant. Elle attend un
signe de lui, une indication sur sa destinée, car elle est
intimement convaincue que le Seigneur a une mission pour elle. Il
occupe chacune de ses pensées, mais pour l’observateur extérieur
Maud a l’air jeune et inoffensive. Parfaitement anodine.
Dans
la grande bâtisse que Maud partage avec sa patronne, Amanda Kohl,
l’ambiance est pesante et la lumière se fait rare. Le quotidien de
Maud se partage entre ses journées consacrées aux soins apportés à
Amanda, et ses soirées (et parfois ses nuits) tournées vers Dieu. A
l’occasion, Amanda reçoit des invités le soir, ou la nuit.
Histoire de s’évader un peu, d’oublier
sa déchéance en renouant avec son passé de diva de la danse. Dans
ces moments-là, elle prend ses distances avec Maud, alors qu’au
contraire chaque journée lui permet de créer un lien de plus en
plus fort avec sa soignante. Lors
de ces journées passées à communier avec Dieu les deux
femmes en deviennent quasi fusionnelles. Car pour Maud, le Seigneur a
de grands projets concernant Amanda. Jour
après jour, le lien qui
les unit n’en devient que plus fort. Jusqu’au drame.
Après
s’être emportée contre Amanda, Maud sera relevée de ses
fonctions. Et devra réintégrer son petit appartement. Cette rupture
la verra sombrer dans l’introspection et le doute. Sans emploi,
désœuvrée, elle
questionnera chaque jour un peu plus sa foi dans l’espoir de
recevoir des réponses. Le profond traumatisme qui frappe alors Maud
est le moment que choisit Rose Glass pour laisser libre cours à ses
envies d’expérimentation. Elle adopte alors une manière de filmer
plus libre et utilise des procédés originaux. Les
angles de prises de vue deviennent atypiques, de travers, sens dessus
dessous. La mise en scène
fait ressentir aux
spectateurs ce qui se passe dans la tête de Maud.
Dans
sa seconde partie Saint
Maud
se révèle dans toute sa complexité et sa profondeur. Après avoir
appris à connaître Maud, le spectateur se trouve emporté dans son
esprit torturé, tour à tour exalté ou traversé de doutes. Dans ce
climat anxiogène la musique joue une part importante. Au
milieu des doutes qui assaillent Maud le spectateur étouffe. Pendant
toute la (petite) durée du film, la jeune
comédienne
galloise Morfydd Clark accapare l’écran et exprime
merveilleusement bien l’intensité dévorante de la foi qui
l’habite. Au
départ du projet, la réalisatrice avait en tête une comédienne
bien plus âgée pour interpréter Maud. Les essais l’ont
finalement convaincue de choisir Morfydd Clark, malgré sa relative
jeunesse (tout juste 30 ans). Elle s’en est d’ailleurs félicitée
à Gérardmer.
Fait
assez rare pour le signaler, Rose Glass avait choisi de rester dans
la salle de l’Espace Lac toute la durée de la projection. Histoire
de ressentir la salle, pouvoir palper les réactions du public. A
l’issue de la projection, sa curiosité fut largement récompensée
par les salves nourries d’applaudissements.
« Notre société hédoniste verra
se multiplier des activités de loisirs
engendrant, entre autres, de la part
des pays émergents, un flux
touristique grandissant, à travers le
monde.
Les derniers grands espaces
deviendront des boulevards
ludiques et balisés.
Une passions de l’Homme étant de
collectionner et de conserver les
objets et les sites, témoins de sa grandeur, mais aussi de sa
mégalomanie, le dernier et le plus grand des musées sera celui de la «
Nature » dont les prémices sont d’ores et déjà réunis dans notre
langage et dans les faits : « préservation de la biodiversité », « sites
identifiés », « protection maximale des sites », « centre d’initiation à
la nature », « réserves naturelles », « parc nationaux », etc.
L’homme pourra enfin se comporter vis-à-vis de la Nature, non plus
comme un marcheur parcourant un espace, dont jusqu’à présent il
n’était que l’hôte, mais comme un propriétaire gérant son
environnement à sa guise.
De cette tragédie est née l’idée du « Musée de la Nature » qui se
concrétisera par un bâtiment en forme de papallélépipède, où, à
travers une série de volumes comprenant en leur intérieur un extrait
d’espèces naturelles, faune ou flore « muséifiée », qui se reflétera à
l’infini grâce à un jeu de miroirs, réveillant en nous le souvenir des
grands espaces disparus, inscrits dans notre mémoire.
Homme lyrique et romantique aux fleurs, aux prairies et à l’espace
naturel dont la disparition est programmée, ce projet donnera la
vraie dimension de l’Homme c’est-à-dire, petit, petit et encore
petit ».