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#Lecturesconfinement : Sorel Éros. Palindrome de Jacques Perry-Salkow et Frédéric Schmitter par Karol Beffa

Maître incontesté
de
anagrammes,
Jacques Perry-
Salkow
 publie avec
son complice
Frédéric Schmitter
Sorel Éros, chez
Rivages
. Livre qui
certes peut sembler
mince, mais qui est le
fruit d’une 
gageure
extrême
. En
composant ce
roman-palindrome
de 10
001 lettres, nos deux auteurs ont battu le record jusqu’alors
détenu par Georges Perec et son palindrome de 5566 lettres,
imaginé en 1969. Il leur aura fallu dix-huit années de dur labeur.
Comme le note plaisamment l’oulipien Paul Fournel dans sa préface,
« c’est le nouveau jalon de l’art du palindrome […]. Il n’y en aura pas de
cette trempe de sitôt 
». Cette prouesse littéraire, on peut d’ailleurs la
lire comme un
e révérence à Pérecque l’on retrouve à plusieurs
titres au centre 
du roman. Symboliquement, bien sûr, mais aussi
l
ittéralement, dans la mesure ou la 10001e lettre, pivot autour
duquel s’articulent les deux parties du roman reflétées comme dans
un miroir, 
est un « W », lettre double et référence au célèbre ou le
Souvenir d’enfance
 du maître oulipienAilleurs, dans cet absolu
d’ambition poétique qu’est 
Sorel Éroson devine les fantômes de
Zweig, de Lewis Carroll ou de Shakespeare…

Karol Beffa est compositeur, pianiste et musicologue. Il a obtenu le
Prix René-Dumesnil de l’Académie des Beaux-Artset le Grand Prix
des Muses-France musique 
pour son György Ligeti (Fayard, 2016).
Dernier livre paru : Ravel. Un imaginaire musical, avec Aleksi
Cavaillez et Guillaume Métayer (Seuil/Delcourt
, 2019).  

Sorel Éros. P
alindrome
 de 
Jacques Perry-Salkow et
Frédéric Schmitter (Rivages)
par Karol Beffa

#Lecturesconfinement : Amrita de Patricia Reznikov par Chris Dercon

A few weeks ago I  received an email
from a friend in India: ˋHave you
come across ´Amrita’ , a novel in
French by Patricia Reznikov, just
published this year by Flammarion?
’. I was intrigued as I have been
working since many years on the
unique, artistic œuvre of exactly the
same Amrita . Amrita is  Amrita
Sher-Gil , a pioneering painter and
feminist,  who was born in 1913 in
Hungary and died tragically in India
in 1941, aged 28. The figure of
Amrita and her work became in
recent years immensily popular in India and beyond. Just like
Patricia Reznikov , Amrita studied at the Ecole des Beaux Arts in
Paris. Her exceptional painting skills won her a prize and
immediately  many fans at the Ecole . After 5 years in Paris,  the
indian- Hongarian family Sher-Gil returned in 1934 to India where
she became one of the inventors of modern Indian art. Throughout
her work Amrita loved depicting women in private moments, in her
later work expressing the indolence and loniless of Indian women
living in the rural areas. In much the same way as her contemporary
Frida Kahlo , Sher-Gil used her ambiguities of nationality and
sexuality, to question what and how an Indian artist, let alone a
female one, might be. Sher-Gil herself knew exactly what was at
stake when she declared in 1938 :´Europe belongs to Picasso,
Matisse and Braque and many others. India belongs only to me’
thereby boldly outlining her ambition to be the first truly modern
Indian painter. One can easily see why Reznikov is fascinated by the
life and times of Amrita Sher-Gil. She is not alone, also India’s most
important filmmaker Mira Nair is preparing her view on the
revolutionary role of Amrita, as an encouragement for thé
émancipation of  Indian women. It is interesting to note that in 2022
exhibitions are planned of the unique œuvre which Amrita left
behind, in Qatar and South Africa. Indeed, thé legacy of Amrita
Sher-Gil lives on. The indepth  research, rich interpretations and
story telling of Reznikov make the exceptional personality of Amrita
come alive and makes clear that a large exhibition especially in Paris
is long overdue. That’s what my friend, Amrita’s nephew ,leading
contemporary Indian artist Vivan Sundaram,in his mail was indeed
hinting at.

Chris Dercon est le président de la Réunion des
Musées Nationaux-Grand Palais
Amrita de Patricia Reznikov (Albin Michel)
par Chris Dercon

#Lecturesconfinement :Le monde d’hier de Stefan Zweig par Géraldine Schwarz

Alors que nous traversons une
époque tourmentée où il est aisé de
perdre ses repères et d’oublier les
valeurs que nous défendions il y a
encore peu, j’invite avec force à la
lecture d’une œuvre phare du XXe
siècle qui résonne fortement avec
aujourd’hui : Le Monde d’hier, les
mémoires de Stefan Zweig, l’un des
auteurs les plus lus de son temps.
L’écrivain autrichien décrit la
splendeur d’une Europe en ébullition
au début du XXe siècle, à l’apogée de
sa richesse et de sa culture, un monde
d’hier qui n’existe plus. Puis il fait le récit du suicide de l’Europe avec
la Première puis la Deuxième guerre mondiale et la barbarie du
nazisme qui anéantira sa famille. Témoin impuissant de ce tragique
naufrage, il préfère d’abord rester à l’écart de la politique,
souhaitant préserver sa pureté d’artiste, au-dessus des partis, libre
et inclassable. Mais l’évolution ne lui laisse plus le choix. En tant que
juif et intellectuel il est persécuté par les nazis. Ses livres sont
brûlés, il perd ses biens et est contraint à l’exil à Londres puis au
Brésil ou il se suicidera.
Le Monde d’hier est un testament que Zweig a légué aux futurs
générations pour qu’elles comprennent le monde au lieu de le subir,
qu’elles agissent au lieu de se victimiser. Pour qu’elles apprennent à
apprendre de l’histoire

Géraldine Schwarz est journaliste franco-allemande et écrivaine.
Son livre, Les Amnésiques (Flammarion) a remporté le prix du livre
européen en 2018


Le monde d’hier
de Stefan Zweig (Le livre de poche)
par Géraldine Schwarz

#Lecturesconfinement : La part d’ange en nous, Histoire de la violence et de son déclin Steven Pinker par Aïda Touihri

A l’échelle de l’univers, nous ne
sommes que poussière. Du point
de vue de l’histoire, nous
occupons une place tout aussi
modeste : si l’âge de l’univers était
rapporté à un calendrier d’une
année, l’apparition de l’Homo
Sapiens n’occuperait que les 10
dernières minutes… Or en histoire
comme en sciences, tout est
toujours relatif, et souvent la vie
n’est qu’une question d’angle. «
Prendre la vie du bon côté» «voir
les choses sous un
 meilleur jour»
sont des façons de relativiser bien des situations, y compris
 les pires.
Les récents attentats ont plongé le pays dans une sorte de torpeur
qui, ajoutée au confinement, ouvre de bien sombres perspectives…
Et pourtant, s’il y a un livre à lire pour retrouver foi en l’humanité,
c’est « La part d’ange en nous » de Steven Pinker. Ce professeur de
psychologie de Harvard s’est mis en tête, à travers ses recherches,
de démonter un mythe : contrairement à ce que l’on pourrait croire,
nous vivons l’époque la plus paisible de toute l’histoire de
l’Humanité ! La démonstration, étayée par des milliers d’études
étalées sur 30 ans, est absolument éclatante. Malgré le terrorisme,
malgré les guerres qui nous paraissent de plus en plus effroyables, la
violence n’a cessé de diminuer au cours des siècles. Les faits qu’il
expose sont incontestables, et les chiffres ne mentent jamais. Rien
qu’en France, sur un an, il y a aujourd’hui deux fois moins de
meurtres qu’il y a vingt ans. Alors pourquoi ne s’intéresser qu’au «
mauvais monde »? Déformation professionnelle pour ma part,
puisque la règle de base du journalisme voudrait qu’on ne traite que
des « trains qui n’arrivent pas à l’heure»… Ce livre questionne notre
raison, nous fait réfléchir, et surtout nous donne cet espoir qui peut
tout.
A lire absolument.
Aïda Touihri est journaliste et productrice. Elle a longtemps
présenté des
 JT et autres magazines d’actualité avant de produire
des programmes engagés pour la télévision.

La part d’ange en nous, Histoire de la violence et de son
 déclin

(Les Arènes) de Steven Pinker
par 
Aïda Touihri

#Lecturesconfinement : Oeuvres de Cesare Pavese par Pierre Adrian

Le bon côté d’une sédentarité
forcée, c’est qu’elle donne l’occasion de découvrir des lectures
graves ou légères dans des livres
lourds. Quarto est une collection
familière et précieuse qu’on
emporte rarement avec soi. Elle
rassemble des textes éparpillés.
Dans le beau rouge et blanc du
Quarto, il convient de lire et relire
Cesare Pavese. Le volume parut en
2008 est présenté par Martin
Rueff. Tout y est. La poésie de
l’écrivain turinois, Travailler Fatigue,
ses cours romans: Le Bel ÉtéLa PlageLa Lune et les feux… Et Le Métier
de vivre
, bien sûr, son douloureux journal. Pavese est le grand
écrivain du temps qui passe, du souvenir, de l’enfance, du retour
chez soi. Il écrit avec une simplicité qui dit tout.

Une fois achevée cette existence confinée, on partira en Italie, un
livre de Pavese sous le bras. Et un soir, comme dans ses romans, on
ira voir les feux de Turin depuis la colline.
Pierre Adrian est écrivain, prix des Deux-Magots 2016 pour La Piste
Pasolini 
(éditions des Equateurs, 2015). Dernier livre paru: Les bons
garçons (
éditions des Equateurs, 2020)

Oeuvres
de Cesare Pavese (Quarto, Gallimard)
par Pierre Adrian

#Lecturesconfinement : Aucun de nous ne reviendra, Auschwitz et après I de Charlotte Delbo par David Korn-Brzoza

J’ai peu le temps de lire. La plupart de
mes lectures se rapportent aux sujets
des films que je réalise. Je les
parcours, surligneur en main, pour y
déceler des idées, des raisonnements,
des faits destinés à appuyer, vérifier,
recroiser mes enquêtes historiques.
Mais parfois, dans une librairie, on
rencontre comme souvent le livre
qu’on ne venait pas chercher. Sur un
coin de présentoir, un livre : «
Auschwitz et après – tome 1 : Aucun
de nous ne reviendra » de Charlotte
Delbo aux Editions de minuit.
Dans ce livre-témoin, l’auteure raconte sa propre histoire. Charlotte
Delbo, ancienne secrétaire de Louis Jouvet, entre dans la Résistance
en 1942. Elle est arrêtée puis déportée en 1943 de Compiègne vers
Auschwitz. C’est un voyage terrifiant vers le monde
concentrationnaire. Cette suite de souvenirs est poignante,
bouleversante. Impressions, flashs, moments, instantanés
déstructurés nous transmettent l’univers de la planète Auschwitz.

« Il est une gare où ceux-là qui arrivent sont justement ceux-là qui
partent. Une gare où ceux qui arrivent ne sont jamais arrivés, où ceux qui
sont partis ne sont jamais revenus (…) Ils attendent le pire – ils
n’attendent pas l’inconcevable »
.

A lire absolument.

David Korn-Brzoza est réalisateur de documentaires. On lui doit
récemment « Ku Klux Klan, une histoire américaine »(Roche
Production / ARTE / RTBF / RTS)  et « Décolonisations, du sang
et des larmes » co-écrit avec Pascal Blanchard (Cinétévé, France
Télévisions)


Aucun de nous ne reviendra, Auschwitz et après I
(Minuit) de
Charlotte Delbo
par David Korn-Brzoza

#Lectureconfinement : Le Maître de Ballantrae de Robert Louis Stevenson par Laurent Pfaadt

Que dire de ce livre, ce « cristal à l’état
pur »
 selon Henry James, sinon qu’il
constitue à l’instar d’une petite
dizaine, un absolu pour tout lecteur et
tout écrivain ? C’est un livre que tout
écrivain aimerait écrire, un livre qui
faut absolument avoir lu avant de
mourir, un livre à emporter sur une île
déserte pour ne pas oublier la folie
des hommes, pour se rappeler sans
cesse le paradoxe de l’âme humaine,
capable de la plus grande empathie
comme de la bassesse la plus vile. En
suivant les pas du Maître, James
Durie, ce noble écossais spolié de son titre et de son royaume et qui
n’aura de cesse d’assouvir sa vengeance contre son frère Henry,
Robert Louis Stevenson nous embarque, jusqu’à la conclusion finale
du livre, dans un tourbillon d’aventures, de rebondissements et, en
même temps, dans la noirceur la plus profonde des cœurs. Rien ne
sera épargné aux lecteurs, sa morale sera mise à rude épreuve à
chaque instant. Il est ressortira marqué au fer littéraire. Et malgré
toute cette folie et ce chaos, le génie de Stevenson parviendra à
nous faire aimer ce diable d’homme, c’est dire…


Le Maître de Ballantrae
de Robert Louis Stevenson (Livre de poche)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Ce qui plaisait à Blanche de Jean-Paul Enthoven par Amélie de Bourbon-Parme

C’est un ouvrage à suspens, dont
on rêve de saisir la chute finale
sans jamais vouloir la connaître.
On reste fasciné par l’écriture
magnifique qui décrit le désarroi
du narrateur devant un amour
impossible, inaccompli, sa quête
éperdue pour satisfaire les désirs
de Blanche, son esclavage
volontaire, sa soumission à tout
prix, son étonnement devant sa
propre capitulation. J’ai adoré
suivre ce témoin de sa propre
perdition, qui en décortique
chaque soubresauts sans jamais parvenir à en saisir le sens. Ce qui
s’efface à mesure qu’on avance dans la lecture de ce livre c’est la
définition de l’amour, mystère insondable.
Amélie de Bourbon-Parme est écrivaine et directrice associée de
l’agence Havas Paris. Elle a notamment publié le Secret de l’empereur
(Gallimard, 2015)

Ce qui plaisait à Blanche
de Jean-Paul Enthoven (Grasset)
par Amélie de Bourbon-Parme

#Lecturesconfinement : Putzi de Thomas Snégaroff par Dominique Missika

Après Little-Rock, Thomas
Snégaroff, dans Putzi, nous plonge
au cœur des États-Unis, cette fois-
ci à travers le destin d’un étudiant
d’Harvard. Né à Munich le 2
février 1887, Ernst Hanfstaengl,
allemand par son père et américain
par sa mère, est issu d’une famille
riche qui reçoit chez elle Strauss,
Wagner et Liszt. Alors qu’il mesure
presque deux mètres, on continue
à l’appeler Putzi, qui veut dire en
dialecte bavarois, « petit
bonhomme ».  Son surnom qu’il
porte depuis son enfance lui a été donné par la nurse qui l’élève.
Soutien dès la première heure d’Hitler, il l’accompagne dans son
ascension.  Son atout majeur, c’est son talent de pianiste. Après ses
nombreux discours qui l’épuise, Hitler vient écouter avec Putzi lui
jouer du Liszt et de Wagner. Il l’informe sur les théories racialistes en
vogue aux Etats-Unis. Mais le confident s’échappera de l’Allemagne
nazie, se mettra au service de Roosevelt avant de sombrer dans
l’oubli. Une enquête fascinante sur un personnage trouble.
Dominique Missika est journaliste, écrivaine et directrice éditoriale
aux éditions Tallandier. Dernier livre paru : Un amour de Kessel (Seuil)

Putzi
 de Thomas Snégaroff (Gallimard)
par Dominique Missika

#Lecturesconfinement : White de Bret Easton Ellis par Jennifer Richard

Habituellement hermétique à la
plume de Bret Easton Ellis (ses
énumérations d’objets de marque
entrecoupées de pause cocaïne me
laissent de marbre), j’ai lu son essai
avec délectation. Il décrit la société
américaine élitiste et donneuse de
leçon, celle qui évolue le long des
côtes, dans les habitats privilégiés
d’un pays inégalitaire, celle dont on
trouve un équivalent à Paris, dans les
milieux artistiques et protégés des
tourments de la crise. Un portrait au
vitriol des bien-pensants, des
ayatollahs de la tolérance, des démocrates fondamentalistes, des
extrémistes du vivre-ensemble et des brunches au quinoa. On peut
ainsi lire ce texte comme s’il était écrit par un compatriote, et on
comprend que l’esprit bourgeois, socialement méprisant et
intellectuellement étriqué, ne connaît pas de frontières.
Jennifer Richard est romancière, auteur notamment de Il est à toi ce
beau pays
 (Albin Michel, 2018) et Le diable parle toutes les langues
(Albin Michel), à paraitre en janvier 2021

White
de Bret Easton Ellis (Robert Laffont)
par Jennifer Richard