Archives de catégorie : Musique

Une saison royale

Gimeno © Johan Sebastian Haenel
Gimeno © Johan Sebastian Haenel

La nouvelle saison de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg sera très attendue

Un nouveau chef, une salle à l’écoute incomparable, des orchestres invités prestigieux, des chefs extraordinaires, des solistes de légende. Tout concourt à faire de cette saison l’un des grands millésimes de cet orchestre qui fêtera cette année ces 82 printemps. Au sein de cet écrin qu’est la Philharmonie du Luxembourg dont tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit acoustiquement de l’une des meilleures salles d’Europe, Gustavo Gimeno, ancien percussionniste du Royal Concertgebouw d’Amsterdam, fera ses grands débuts le 24 septembre prochain à la tête de l’OPL. Toute histoire a un commencement et le nouveau chef ouvrira les portes de sa carrière à la tête de l’OPL par les premières symphonies de Mahler (24/09), de Schuman (22/10), de Bruckner (02/06), de Beethoven et de Chostakovitch (15/01/16). Le maestro complètera cette série par la 4e symphonie de Tchaïkovski (03-04/03) et le Requiem de Verdi (24-25/03).

L’Orchestre Philharmonique de Luxembourg n’oubliera pas son ancien chef, Emmanuel Krivine, qui viendra diriger un programme Wagner le 29 avril 2016, succédant ainsi à Eliahu Inbal (29/01) et à l’un des plus talentueux chefs de la planète Andris Nelsons, qui l’accompagnera dans une septième de Mahler (10-11/03) qui s’annonce d’ores et déjà très prometteuse. Le chef letton sera d’ailleurs un habitué de cette saison puisqu’il viendra avec son orchestre, le Boston Symphony Orchestra (12/05) et le Lucerne Festival Orchestra (11/11), pour des soirées palpitantes. Les spectateurs seront assurément emportés par le tourbillon des orchestres qui feront résonner leurs sublimes sons et leur diversité musicale entre les cuivres rutilants du San Francisco Symphony Orchestra (12/09) ou du Cleveland Orchestra (16/10), le son velouté du London Symphony Orchestra (11/04) en passant par la précision ciselée du Royal Concertgebouw Orchestra (03/02) ou de la Staatskapelle de Berlin (05/09). Entre ces monuments se glisseront le pétillant Simon Bolivar Symphony Orchestra of Venezuela, l’éclatant Chamber Orchestra of Europe (17-18/02) dans un programme Mendelssohn et le grandiose Ensemble et Chœur Balthasar Neumann (07/12) qui fera redécouvrir le Magnificat de Zelenka où l’émotion sera assurément au rendez-vous.

Pour accompagner ces merveilleux orchestres, tout ce que la direction d’orchestre fait de mieux sera présente dans le Grand-Duché : Nézet-Séguin, Gergiev, Rattle, Dudamel, Nelsons, Baremboïm illumineront de leur présence la Philharmonie. Celle-ci résonnera également du génie des plus grands solistes. Ainsi, Nelson Freire, Hélène Grimaud, Anne-Sophie Mutter, Isabelle Faust, Grigori Sokolov ou Krystian Zimerman y laisseront leur empreinte. De nouveaux talents seront à découvrir tel Patricia Kopatchinskaja dans le concerto de Brahms (12/12). Les grandes voix ne seront pas en reste avec Rolando Villazon, Philippe Jaroussky, Cécilia Bartoli, Anja Harteros, l’extraordinaire basse Ildar Abdrazakov ou Magdalena Kozena qui accompagnera la grande pianiste japonaise Mitsuko Uchida (07/10) dans les merveilleux Chants d’amour de Dvorak qui constituera l’un des moments forts du Luxembourg Festival (07/10-25/11) avant que les Rainy days (24-29/11) n’explorent l’univers d’Alfred Hitchcock et de la musique expérimentale notamment celle de Stockhausen en compagnie de Pierre-Laurent Aimard.

Que les mélomanes et les novices se rassurent : cette saison aura bien une fin. Mais vous en ressortirez transformés.

Retrouver toutes les informations sur la saison de l’OPL sur : https://www.philharmonie.lu/fr/opl

Laurent Pfaadt

La tempête Sokolov

SokolovConcert magistral de l’un des plus grands pianistes vivants

La Quinzaine Musicale de San Sébastian réserve toujours des surprises et en ce 10 août, celle-ci fut de taille. On savait pertinemment qu’un concert de Grigori Sokolov ne ressemblait à rien d’autre mais on ne s’attendait pas à un tel choc.

Sous les dorures du théâtre néo-renaissance Victoria Eugenia, le pianiste russe qui a l’habitude de ne jamais dévoiler son programme à l’avance, débuta par la partita°1 en si bémol majeur de Jean-Sébastien Bach. Il faut dire que l’on n’avait pas entendu cette pièce interprétée ainsi depuis bien longtemps. Le pianiste construisit lentement son édifice personnel, embarquant l’auditeur dans un voyage musical totalement déconcertant où le rythme hallucinant de l’allemande n’eut de beauté que cette sarabande qui restera certainement dans toutes les mémoires. En guise de conclusion, la gigue exprima une joie de vivre qu’éprouva très certainement – malgré l’image de sévérité qui lui colle à la peau – Jean-Sébastien Bach.

Si les programmes des concerts de Sokolov peuvent parfois apparaître déroutant en mêlant pièces baroques et romantiques, ces dernières ne servent en fait qu’à construire l’atmosphère de son univers pianistique dans lequel le pianiste entraîne jusqu’à l’ivresse des auditeurs comblés. Preuve en fut une nouvelle fois avec la sonate n°7 de Beethoven dans laquelle il laissa exploser toute la passion du jeune compositeur, étendant le tempo du second mouvement jusqu’à la rupture. En alternant férocité et sensibilité, Sokolov fit monter une émotion qui nous a bouleversés.

Déjà bien éprouvé, le spectateur n’était pas au bout de ses émotions car la sonate en la mineur de Schubert fut un choc. Avec Sokolov, cette musique raconte une histoire, elle évoque un destin, une époque et traduit parfaitement ce sentiment de nostalgie libéré de toute forme de regret ou de tragédie. Grâce à son toucher si exceptionnel, celui qui remporta le concours Tchaïkovski en 1966 à 16 ans seulement, délivra une partition d’une générosité rare. Revenant à quatre reprises pour offrir à un public ravi d’autres moments de communion et de bonheur, Grigori Sokolov prouva que la musique n’est pas jouée pour être écoutée mais bel et bien pour être aimée.

A écouter : Grigori Sokolov, the Salzburg Recital,
Deutsche Grammophon, 2015

Laurent Pfaadt

Passages de témoins

© Franca Pedrezetti, Festival de Lucerne
© Franca Pedrezetti, Festival de Lucerne

De jeunes orchestres
dirigés par des chefs
expérimentés :
les merveilleuses surprises de Lucerne

Le festival d’été de Lucerne est toujours le lieu d’incroyables rencontres musicales entre des répertoires, des interprétations, mais surtout entre ces générations de musiciens qui ont écrit l’histoire de la musique au XXe siècle et continueront de la façonner au XXIe siècle. Ainsi les concerts des 22 et 23 août 2015 ont permis à de jeunes musiciens d’apprendre de chefs de légende et pour ces derniers, de mesurer combien la musique évolue et se transforme.

Habitué à diriger le Chamber Orchestra of Europe, orchestre dont il est l’un des membres d’honneur, Bernard Haitink a construit depuis longtemps une relation de confiance faîte d’échanges réciproques avec les musiciens. Cette complicité fut immédiatement perceptible dans la symphonie inachevée de Franz Schubert où Bernard Haitink conduisit le Chamber Orchestra of Europe dans une profondeur inouïe portée notamment par des vents sublimes et des cordes très affutées.

Le chef, aidé de la magnifique Maria Joao Pires, a ensuite fait rayonner l’orchestre dans le 23e concerto de Mozart. Interprétant ce dernier comme personne, la pianiste portugaise au touché si velouté nous a transporté dans un rêve surtout dans cet adagio où l’osmose avec l’orchestre fut totale, la pianiste répondant avec douceur et émotion aux appels émis par ce dernier. Interprétée de cette manière, la musique de Maria Joao Pires vous touche au cœur et vous bouleverse. Et lorsqu’elle est accompagnée par le COE, cela créée des moments uniques. La soirée s’acheva avec la symphonie Jupiter où l’expérience et la fraîcheur ont été rendus possibles par les cordes électrisantes de l’orchestre. Cette interprétation rappelle que les symphonies de Mozart ne s’apprécient qu’en concert même si le COE a gravé avec Harnoncourt l’une des plus belles versions (1991).

Le lendemain, les jeunes musiciens de l’orchestre Gustav Mahler avaient rendez-vous avec Herbert Blomstedt, chef très apprécié des orchestres. A 88 ans, le chef suédois naturalisé américain n’a rien perdu de sa superbe, surtout lorsqu’il dirige Bruckner. Celui qui veilla à la destinée de l’orchestre symphonique de San Francisco et de la Staatskapelle de Dresde emmena cette jeune phalange dans cette grande cathédrale qu’est la 8e symphonie.

Blomstedt a su parfaitement canaliser la fougue de cette jeunesse qui ne demandait qu’à s’exprimer tout en les libérant du poids écrasant de sa stature de chef pour créer de magnifiques pages orchestrales tout en nuances. Transformant les cordes en un puissant vent dans le premier mouvement puis distillant avec intelligence le hautbois, les cuivres, la clarinette ou la harpe dans un dialogue harmonieux avec l’orchestre, Blomstedt donna une réelle épaisseur à cette symphonie.

L’architecture musicale d’une monumentalité rarement atteinte dans le répertoire symphonique a été parfaitement exploitée par Blomstedt qui, lorsqu’il dirige Bruckner, se transforme en conteur de ces vieilles légendes germaniques. Le chef fit l’orchestre un véritable être vivant que l’on sent respirer, haleter et nous emporta dans l’une des plus belles codas de la musique où le mysticisme brucknérien est porté à son paroxysme. L’émotion figea la salle qui, retenant son souffle, suivit la course de la baguette du chef avant de lui réserver une standing ovation méritée.

Laurent Pfaadt

Dans les plaines musicales d’Europe centrale

© Ivan Maly
© Ivan Maly

Le Chamber Orchestra of Europe triomphe à Bordeaux

Bien des exemples ont montré que l’addition de talents ne conduit pas toujours à l’excellence. Cela ne semble pas être le cas du Chamber Orchestra of Europe, orchestre itinérant fondé par Nikolas Harnoncourt et Claudio Abbado, qui a montré, une fois de plus, sa maîtrise parfaite d’un répertoire allant de Mozart à la période contemporaine. Composé de musiciens venus de prestigieux orchestres européens et de traditions musicales différentes, le COE démontre à chaque concert toute sa plasticité. C’est d’ailleurs cette ouverture d’esprit, ce dialogue musical interne permanent qui prévalait à sa création et qui attire les meilleurs solistes et les plus grands chefs de la planète.

Lors de cette étape bordelaise – qu’il retrouvera d’ailleurs en mai 2016 – la baguette était tenue par un fougueux cavalier, le chef russe Vladimir Jurowski, connu pour ses tempii rapide tandis que le soliste n’était autre que Radu Lupu.

Alternant pièces célèbres et découvertes, c’est à un voyage en Europe centrale que nous ont convié l’orchestre et son chef. Assurément, le double concerto pour cordes, piano et timbales de Bohuslav Martinu fut une découverte pour de nombreux spectateurs. Influencé par Roussel, l’œuvre d’une beauté stupéfiante, virevoltante est à la fois un concerto grosso, une sonate conduite en cela parfaitement par Helen Collyer, une messe et une marche funèbre. Mené par un superbe John Chimes, percussionniste tout jeune retraité de l’orchestre symphonique de la BBC, ce concerto fut une sorte de rivière furieuse oscillant au rythme des courants.

Un changement de piano plus tard et voilà que paraît le dernier empereur de cet empire Habsbourgeois de la musique, Radu Lupu. Ce fut réellement un grand moment de musique pour tous ceux qui assistèrent à ce 24e concerto de Mozart. Fascinant devant tant de détachement, la magie de Radu Lupu a éclairé cette soirée et a prouvé à cette jeune génération de pianistes qui maltraite tant de pianos que la douceur du toucher reste, quand elle est dispensée par les meilleurs, le plus bel hymne à la musique. Car, véritablement, dans ce dialogue qu’il a entretenu avec l’orchestre et ses merveilleux hautbois, flûte et bassons mais également avec Mozart lui-même, utilisant parfois sa main gauche comme pour dire au maître « Non, pas trop vite, attends encore un peu », c’est Amadeus lui-même qui écoutait Lupu.

Il fallait bien un entracte pour se remettre de nos émotions. Mais les musiciens du COE n’avaient pas fini de nous étonner notamment les vents et les cuivres avec cet incroyable sextuor de Janacek plein de vie. Il faut dire que les musiciens ont payé de leur personne, transmettant cette joie pleine d’allant. Truculent à souhait, l’œuvre dessine une palette colorée où certains instruments souvent noyés dans le tumulte de l’orchestration se révèlent pleinement. Ainsi en fut notamment de la clarinette basse dont le fabuleux duo avec le basson nous a transporté dans un imaginaire qui n’était pas loin du carnaval des animaux.

Il restait à Vladimir Jurowski à clore cette soirée avec la symphonie Prague qu’il conduisit comme une marche triomphale, avec un lyrisme tel qu’il emporta l’adhésion d’un public déjà convaincu et qui, à n’en point douter, avait déjà pris date avec ce chef et cet orchestre.

Laurent Pfaadt

Chung transcende Mahler

ChungMyung-Whun Chung et l’Orchestre Philharmonique de Radio France rendent un hommage appuyé à Gustav Mahler

Il a mis longtemps à dompter Mahler, à s’en imprégner mais au fil du temps Myung-Whun Chung en est devenu l’un des plus grands interprètes. Disque après disque dont récemment dans la 9e avec le Seoul Philharmonic Orchestra, son autre phalange, concert après concert, le maestro coréen qui s’apprête à laisser son fauteuil à Mikko Franck a poli lentement ces diamants aux mille reflets que sont les symphonies de Mahler. Preuve en fut encore donnée à Toulouse lors d’un concert de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, à tel point que l’interprétation du concerto pour violon de Bruch par Gil Shaham passa presque au second plan.

Et pourtant que cette interprétation fut belle de la part de l’un des solistes les plus géniaux de la planète. Gil Shaham entra dans ce concerto avec sa passion habituelle et y délivra une interprétation merveilleuse. Entre la majesté de l’orchestre et la subtilité du violon se créa une osmose très belle qui se manifesta surtout dans les deux mouvements rapides. Sans forcer les tempii, l’orchestre accompagna le soliste dans un finale sans violence où se dégagea jusqu’à la dernière note la passion inhérente à cette œuvre de toute beauté.

Le public croyait avoir écouté une merveille – ce qui fut le cas – mais ne s’attendait pas à son retour de l’entracte au choc de la Cinquième de Mahler. Emmené par une excellente trompette solo en la personne d’Alexandre Baty qui ouvrit cette symphonie, l’Orchestre Philharmonique de Radio France brilla de mille feux. Une fois de plus, Chung délivra une interprétation en forme de prisme de lumière en révélant les différentes facettes musicales de cette œuvre

Avec minutie, il distilla les subtilités d’une orchestration de génie qui oscille entre l’incroyable force tellurique qui se dégage du monument mahlérien avec notamment les percussions du deuxième mouvement, et la déclaration d’amour faite à Alma qui trouve son aboutissement dans ce magnifique adagietto où la harpe répond aux contrebasses dans un long chant qui s’étira dans la halle aux grains comme une poussière d’étoile dans la nuit.

Que les équilibres sonores furent prodigieux comme lorsque les vents et l’alto se mirent à dialoguer ensemble dans le premier mouvement. Cette interprétation permit également à cette symphonie de retrouver sa place dans l’histoire de la musique, entre les apports de Bruckner et de Wagner – n’oublions pas que Chung est également un chef d’opéra qu’il manifesta dans la mise en valeur des motifs d’inspiration wagnérienne – et les influences sur Chostakovitch notamment.

Avec cette interprétation cristalline, les ovations ne furent pas feintes à l’égard de cet orchestre incroyable et de ce chef au talent unique.

Retrouvez la nouvelle saison des Grands interprètes de Toulouse qui fêtera cette année sa 30e édition sur www.grandsinterpretes.com

Laurent Pfaadt

On va donner de la voix

st antoineFestival atypique autour de la musique sacrée dans le sud-ouest de la France

Dieu et les saints risquent d’en avoir plein les oreilles. Pourtant c’est bien le but recherché par les créateurs de ce nouveau festival autour de la musique sacrée qui se tiendra dans le petit village de Saint Antoine de Ficalba dans le Lot et Garonne à la fin du mois d’août.

A l’heure où des milliers de dates de concerts et des centaines de festivals sont supprimés en France, il se trouve encore dans les coins les plus reculés de France notamment les zones rurales, des associations pour impulser de nouveaux projets musicaux et, disons-le, des collectivités pour les soutenir.

L’idée est née voilà plus d’un an dans le salon de l’un des créateurs et a conduit à l’organisation de ce  festival. Alors oui, il y aura de la musique classique sacrée avec l’Ensemble Oratorio d’Agen mais l’objectif est surtout de mêler les genres, les cultures et les interprétations. C’est ainsi que les chants polyphoniques corses (Barbara Furtuna) côtoieront le hang, instrument de musique acoustique interprété par le Nara Trio et les superbes voix féminines de Mundovox, venues des Balkans.

Pendant trois jours, la musique sera ainsi à l’honneur dans le cadre bucolique d’une campagne, celle de Villeneuve sur Lot que Stendhal a comparé à la Toscane et qui a obtenu le prestigieux label Pays d’art et d’histoire du ministère de la culture. D’ailleurs, la Communauté d’Agglomération du Grand Villeneuvois qui soutient le projet, organise en prélude à cette manifestation une conférence autour du patrimoine historique et paysager qui complètera un programme déjà riche.

Dieu et ses ouailles n’ont donc pas fini d’en entendre parler…

Festival de musique sacrée de St Antoine de Ficalba (47),
du 21 au 23 août 2015. Renseignements au 05 53 41 72 36

Laurent Pfaadt

Hommage à Maurice André

Guy Touvron
Guy Touvron

Voilà déjà presque 30 ans que le Festival international de Colmar brille au firma­ment de la Musique, non seulement en Alsace mais au niveau international.

Grâce à un concept original – le Festival de Colmar rend chaque année un hommage vibrant à un grand artiste – la programmation gagne une unité et une cohérence rare. Il faut également saluer le travail exceptionnel qu’accomplit l’im­mense musicien qu’est Vladimir Spivakov qui fête cette année ses 27 ans de direction artistique du Festival.

L’édition 2015 est consacrée à la mémoire du grand trompettiste Maurice André qui nous a quitté en 2012 mais dont le nom est encore sur toute les lèvres dès qu’on évoque la trompette.

A cette occasion, la programmation fait la part belle aux cuivres et vents français et bien sûr à la trompette avec des solistes exceptionnels comme Bernard Soustrot, Guy Touvron, Nicolas André, David Guerrier, tous élèves du grand trompettiste.

Les concerts de prestige seront assurés par Marek Janowski et l’Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin et Vladimir Spivakov à la tête de son Orchestre National Philharmonique de Russie.

Les solistes de ces concerts sont de classe internationale comme le violoniste Frank Peter Zimmermann, ainsi que la fine fleur des artistes français comme Jean-Yves Thibaudet (piano) Hélène Mercier (piano),  Gautier Capuçon (violon­celle), Renaud Capuçon (violon), Antoine Tamestit (alto) pour ne citer que ceux là.

L’immense pianiste Grigory Sokolov, si rare dans les salles de concert aujourd’hui, donnera un récital.

Enfin, les concerts de musique de chambre feront la part belle aux artistes confirmés mais également aux nouveaux talents.

Le répertoire de ces concerts va du baroque à la musique contemporaine.

Jean-Claude Hurstel

Le programme exhaustif du Festival et tous les renseignements pratiques sont disponibles sur :
Site Internet : www.festival-colmar.com
E-Mail :  info@festival-colmar.com
Téléphone :   +33 (0)3 89 20 68 97

Réservation et vente de billets
Par correspondance : Festival International de Colmar 8, rue Kléber 68000 COLMAR- France
Sur Internet : www.festival-colmar.com
(paiement sécurisé)
Par téléphone (début juin)  +33 (0)3 89 41 05 36

 

Villégiature russe à San Sébastian

TemirkanovLa Quinzaine musicale rendra hommage aux grands compositeurs et interprètes russes.

Il y a près d’un siècle, dans le casino de San Sebastian, se côtoyaient tous les grands noms de la politique et de la musique russe. On pouvait y croiser Léon Trotski ou la compagnie des ballets russes. La Quinzaine musicale a décidé cette année de célébrer cet héritage en axant sa programmation sur les grands interprètes et les grands œuvres du répertoire russe.

Ainsi, Yuri Temirkanov et l’Orchestre philharmonique de Saint Pétersbourg, héritiers d’Evgueny Mravinky et de l’Orchestre philharmonique de Leningrad seront présents deux soirées pour des concerts consacrés à Maurice Ravel, autre célèbre pensionnaire du casino de San Sébastian (Ma mère l’Oye) et Elgar le 17 août, et surtout à Serge Prokofiev (18 août). Les suites tirées du ballet Roméo et Juliette, qui fut en son temps joué par les ballets russes, ainsi que sa cantate Alexandre Nevski que Temirkanov et l’Orchestre philharmonique de St Pétersbourg réorchestrèrent pour grand orchestre seront au programme du concert du 18 aout qui constituera à n’en point douter l’un des moments phares de cette quinzaine. Le chœur Orpheon Donostiarra accompagnera comme à l’accoutumé cet illustre invité.

De Prokofiev, il en sera également question en ouverture de la quinzaine avec sa première symphonie dite classique interprétée par le Mahler Chamber Orchestra sous la conduite de Manfred Hohneck, actuel directeur musical de l’Orchestre symphonique de Pittsburgh. Des grands symphonistes russes, il ne manquait que Tchaïkovski qui clôturera la quinzaine avec sa quatrième symphonie sous la baguette de Vasily Petrenko à la tête de l’Orchestre symphonique d’Oslo.

Ce magnifique hommage sera complété par un récital de Grigori Sokolov, l’un des plus grands pianistes vivants, au théâtre Victoria Eugenia, le 10 août, qui devrait rester dans toutes les mémoires. Le soliste dominera une phalange de jeunes prodiges qui ont déjà fait leurs preuves sur les scènes du monde entier comme Till Fellner dans Beethoven (1er août), Javier Perianes dans Ravel (17 août) ou les violonistes Kristof Barati (Bartók) et Vilda Frang (30 août), cette dernière étant attendue avec impatience dans le concerto de Brahms. De ce dernier, l’interprétation du Requiem allemand par l’Orchestre de la radio de Cologne sous la férule de son chef, Jukka-Pekka Saraste sera également très attendu. Il répondra au Requiem de Mozart donné quelques semaines plus tôt.

Bien entendu, comme il est de coutume lors de la Quinzaine musicale, l’opéra ne sera pas oublié avec une Tosca de Puccini. Cette production espagnole qui a triomphé au théâtre Liceu à Barcelone et à Séville ravira certainement passionnés et curieux. Enfin, l’éclectisme propre à ce festival qui reste l’un des plus anciens d’Europe et demeure en tout point unique, permettra à tous les amoureux du flamenco (20 août) et de la musique classique basque en compagnie de son plus illustre représentant, José Maria Usandizaga (22 août), de revenir avec des souvenirs par dizaines.

L’Océan atlantique aura bel et bien des reflets de Mer noire durant cette Quinzaine musicale qui s’annonce une fois de plus passionnante.

La Quinzaine musicale (1er-30 août 2015)

Retrouver l’intégralité de la programmation ainsi que les informations pratiques sur : www.quincenamusical.eu

Laurent Pfaadt

Le condottiere du piano

© Southbank Center
© Southbank Center

Maurizio Pollini en récital à la Philharmonie

Les grands monstres sacrés du piano se font rares. Après la disparition d’Aldo Ciccolini, il ne reste plus que Martha Argerich, Nelson Freire, Daniel Barenboim ou Maria Joao Pires pour nous offrir ces moments musicaux d’exception et cette plongée dans l’âge d’or du piano au XXe siècle où jouer du piano allait bien au-delà de la simple interprétation.

Maurizio Pollini, ce prince rouge du piano, fait partie de ces artistes qui ont transcendé leur art musicalement et humainement. On se souvient de ces moments d’anthologie avec son ami Claudio Abbado mais surtout de l’expérience que les deux milanais menèrent pour apporter la musique au plus grand nombre, dans les usines, les universités, etc. Aujourd’hui, l’homme a vieilli mais dans ses yeux subsistent toujours cette humilité profonde et dans ses mains est resté intact ce don exceptionnel qu’il a travaillé notamment avec Michelangeli.

Le récital qu’il donna dans la toute nouvelle Philharmonie de Paris fut un nouveau moment de partage entre un public conquis au sein duquel hommes politiques et professionnels de la musique s’étaient donné rendez-vous pour rendre hommage et admirer une fois de plus le pianiste de légende qu’il est.

Celui qui a remporté avec brio le concours Chopin en 1960 ne pouvait pas faire l’impasse sur l’œuvre du maître même s’il s’est évertué tout au long de sa vie à sortir de ce carcan. Pollini dont le grand Rubinstein avait dit « qu’il était meilleur que nous tous » lors de la finale du concours Chopin interpréta merveilleusement les Préludes. Son toucher rond et tout en velours délivra sur ce Steinway and Sons spécialement construit pour lui par le facteur Fabbrini, des sons d’une beauté rare en particulier lors du quinzième prélude « goutte d’eau » qu’il joua à la manière d’un Caravage répandant son clair-obscur ou durant le seizième, cet Hadès comme l’a surnommé Hans von Bülow en raison de sa difficulté, où la frénésie domine le clavier.

Cette sensibilité propre à Pollini ne pouvait que trouver un terrain favorable chez Claude Debussy et ses Préludes du deuxième livre. La délicatesse du pianiste milanais restitua à merveille à la fois le caractère onirique et cauchemardesque de la musique de Claude Debussy, oscillant entre berceuse et fracas, entre douceur et violence. Car la musique de Debussy raconte toujours une histoire et, avec Pollini dans le rôle du conteur, celle-ci ne pouvait être que passionnante et passionnée.

La transition entre Claude Debussy et Pierre Boulez, deux compositeurs qui bouleversèrent à jamais la musique, son interprétation et sa conception, était enfin toute trouvée puisque la soirée s’acheva avec la fameuse sonate pour piano n°2 dont on fête cette année le 90e anniversaire de son créateur. Déroutante autant que fascinante, elle permit une fois de plus à Maurizio Pollini de démontrer tout son génie dans un style musical qu’il affectionne également et qu’il eut l’occasion d’interpréter notamment en compagnie de Luigi Nono, autre participant à l’Internationale Ferienkurse für Neue Musik de Darmstadt. Reconnu encore aujourd’hui comme l’un des interprètes majeurs de cette sonate pour piano n°2 qu’il joue depuis près d’un demi-siècle et qu’il contribua à inscrire comme l’un des classiques du répertoire, Maurizio Pollini a démontré avec force l’étendue de sa virtuosité notamment dans ce finale qui conduit le soliste à, d’une certaine manière et allégoriquement, franchir le mur du son. En tout cas, avec un tel interprète au clavier, le compositeur ne pouvait rêver meilleur cadeau d’anniversaire.

Laurent Pfaadt

Le diable est dans les détails

FaustVersion remaniée de l’ancienne production de l’opéra de Gounod

Le mythe de Faust a inspiré de nombreux compositeurs en particulier français puisque après la Damnation de Faust de Berlioz (1846) que les amateurs pourront retrouver la saison prochaine avec Jonas Kaufmann et Bryan Hymel dans le rôle-titre, Charles Gounod composa en 1859 son opéra tiré de l’œuvre de Goethe. On se demande pourquoi cette œuvre est aujourd’hui oubliée du public tellement cet opéra est un chef d’œuvre. D’ailleurs les contemporains ne s’y étaient pas trompés en lui réservant d’emblée le succès qu’il méritait.

Avec plus de 2500 représentations au compteur à Paris, Faust a du se réinventer en permanence. C’est à nouveau le cas dans cette production à la fois classique, envoûtante et imaginative que le metteur en scène Jean-Romain Vesperini a décidé de situer dans les années 1930. Cette mise en scène est une actualisation de la précédente version qui avait suscité à tort tant de polémiques. L’atmosphère gothique a été fort bien exploitée grâce aux merveilleuses lumières de François Thouret tandis que le décor de Johan Engels a été gardé et épuré. Car l’idée d’une bibliothèque est parfaitement adaptée à cette mise en scène. Elle complète cette ambiance fantastique notamment lors la scène qui ouvre l’opéra et voit le rajeunissement du docteur Faust. Le livre lui-même que brûle Méphistophélès représente le trait d’union entre le passé et le présent, entre la vie et la mort. Enfin, il y a également un côté « cage » dans cette bibliothèque, sorte de piège qui se referme progressivement sur Faust et Marguerite.

La distribution ne pouvait que briller dans cet écrin, ce qu’elle a fait au demeurant. Les voix sont d’ailleurs plutôt complémentaires. Piotr Beczala est impérial en Faust avec son timbre chaud qu’il répand avec brio sur scène. Acclamé à chaque sortie, il offre à l’acte III (scène 4) un merveilleux solo. Avec cette prestation, Beczala conforte une fois de plus son aisance dans le répertoire français qu’il aura d’ailleurs à cœur de prouver une fois de plus l’an prochain ici même dans le Werther de Massenet. Krassmira Stoyanova lui offre une merveilleuse réplique et fait oublier la jeunesse du rôle. Son « Ah je ris de me voir si belle en ce miroir ! » fut digne des meilleures.

Le duo est secondé par un grand Méphistophélès en la personne d’Ildar Abdrazakov, l’une des meilleures basses du monde, qui a ébloui cet opéra avec sa voix extraordinaire et un jeu scénique tout à fait prodigieux. Enfin, les seconds rôles ont été également au rendez-vous, Jean-François Lapointe campant un très bon Valentin.

Cette réussite n’aurait été possible sans l’incroyable conduite de Michel Plasson dont la défense de la musique française n’est plus à démontrer (les moins jeunes se souviendront de son Faust de 1975). Avec cette grande sensibilité notamment dans les ouvertures et les passages avec chœur qu’il déploie avec la générosité qui est la sienne, l’ancien directeur de l’orchestre du capitole de Toulouse a été le Méphistophélès d’une soirée qui nous a tous possédé.

Laurent Pfaadt