Archives de catégorie : Lecture

#Lecturesconfinement : K 626 de Léonor de Recondo par Marie Sellier

Une fugue, une échappée. Un homme
est mort, un génie. Un arbre est mort,
un ami. Les flammes dansent dans la
cheminée, la plume court sur le papier.
Un jeune compositeur, tétanisé par
l’ampleur de la tâche, contemple une
liasse de partitions, se sert un verre
d’un excellent vin blanc. Comment
démêler l’hommage de l’imposture ? Il
veut vivre, aimer, boire et caresser le
sein de cette femme au cœur froid qui
le tient dans son poing. L’archet et la
plume de Léonor de Recondo se conjuguent pour transformer le
requiem en lettre d’amour. Et on est emporté…  On referme le livre
tout étourdi par la grâce qui s’en dégage, une petite musique qui se
prolonge par ondes longtemps après qu’on l’ait refermé.
Marie Sellier est écrivaine, scénariste et ancienne présidente de la SGDL (Société des Gens de Lettres) entre 2014 et 2019

K 626 de Léonor de Recondo (Malo Quirvane)
par Marie Sellier

#Lecturesconfinement : Les couleurs de nos campagnes de Jean-Marc Moriceau par Xavier Mauduit

Quelles étaient les couleurs de
nos campagnes ? Jean-Marc
Moriceau s’empare d’anciennes
photographies qui, colorisées,
offrent un nouveau regard sur
nos campagnes. Sans surprise,
l’herbe est toujours verte et le
ciel toujours bleu, mais sous nos
yeux reprennent vie les hommes
et les femmes qui travaillent dans
les champs, dans les vignobles,
dans les forêts. Des campagnes
d’hier aux couleurs de la
modernité, nous nous baladons
dans le monde paysan, celui de la vie d’avant, avec des gestes, des
postures, des tenues qui viennent d’un autre temps, vestiges des
siècles passés. Nous assistons aux bouleversements du XXe siècle,
quand la France cesse d’être majoritairement paysanne, quand les
pratiques agricoles sont bouleversées, quand le rapport à la nature
est modifié. Il y a quelque chose de touchant à croiser les regards de
ces gens du passé, avec les préoccupations du moment : tuer le
cochon, conduire le cheval de trait, afficher sa richesse sur le perron
de la ferme… Tout cela nous paraît déjà si vieux, mais n’est pas si
ancien. Cet autre monde ne doit pas être oublié car, en réalité, il est
le nôtre.
Xavier Mauduit est historien, journaliste, chroniqueur dans
l’émission 28 minutes sur Arte et présente Le Cours de l’histoire sur
France culture. Dernier livre paru : Histoire de Napoléon…cuisiné à la sauce Lavisse (Armand Colin)

Les couleurs de nos campagnes
de Jean-Marc Moriceau (Les Arènes)
par Xavier Mauduit

Lecturesconfinement : Par la fenêtre de Nicole Giroud par Laurent Pfaadt

Une fenêtre ouverte sur le monde.
Une fenêtre donnant sur la vie. Une
lucarne d’où s’échappent le rêve et
l’espoir. Un interstice dans lequel se
glisser pour fuir vers un ailleurs, vers
cette vie que l’on n’a jamais eu. Cette
fenêtre restée fermée durant tant
d’années, Amandine, pensionnaire
d’une maison de retraite suisse, l’a
ouvert grâce aux livres qu’elle lisait
auprès des vaches dont elle avait la
charge. Elle l’a traversé vers un Brésil
fantasmé, désiré, peuplé de géants,
d’oiseaux magnifiques volant au bord
de l’Amazone. Cette fenêtre a été sa planche de salut face à des
rêves brisés, un mariage contraint, un mari violent. Avec Amanda,
son double brésilien dont elle narre les aventures aux autres
personnes âgées de la pension des Chênes.

Par la fenêtre est une symphonie de mots et d’espoirs où le lecteur
s’assoit sur les sièges de cette salle commune, au milieu des
pensionnaires, écoute avec eux les récits d’Amandine et guette –
peut-être les plus beaux moments du livre – les joies se peindre sur
les visages de ces gens abandonnés, ces gens qui portent en eux tant
d’histoires dont les échos touchants répondent à ceux d’Amandine.
Les mots de Nicole Giroud sont chargés d’empathie et même
lorsqu’ils s’emploient à décrire la violence des établissements de
santé pour personnes âgées, ils semblent feutrés dans l’espièglerie
et la malice des pensionnaires.

Et la tentation est grande de sortir par cette fenêtre. Comme un
désir impérieux, comme une soif inextinguible de liberté. Ce livre est
l’histoire d’un don, celui de l’imagination que l’on partage avec les
autres, qu’ils soient résidents de la pension des Chênes ou lecteurs.
Mais aussi d’une liberté puisée dans les livres, ce subtil et si agréable
poison que rien ni personne ne peut annihiler et qui se répand page
après page dans ce livre sensible.


Par la fenêtre
de Nicole Giroud (Les Escales)
par Laurent Pfaadt 

#Lecturesconfinement : Des enfants en guerre, Allemagne 1939-1945, de Nicholas Stargardt par Laurent Pfaadt

Ils ont été là à chaque épisode
tragique de la seconde guerre
mondiale. Rayonnant dans les
organisations de jeunesse fascistes,
les mains en l’air dans le ghetto de
Varsovie ou serrant religieusement
celles, tremblantes, d’un démiurge à
l’agonie, empoignant enfin leurs
mères dans un dernier souffle à
l’intérieur des chambres à gaz ou
dans une cave à Dresde, les enfants
ont été à la fois acteurs et victimes
de cette guerre.

A travers ce livre absolument passionnant, Nicholas Stargardt,
professeur à l’université d’Oxford et auteur du remarqué La Guerre
allemande
 (Librairie Vuibert, 2017) suit une kyrielle d’enfants dans
ce jardin devenu cimetière. C’est un conflit à hauteur non pas
d’homme mais d’enfant que nous relate l’auteur, puisant dans un
certain nombre d’archives peu ou pas exploitées (cahiers d’écoliers,
dessins ou lettres). Et ces documents nous racontent, des jeunesses
hitlériennes au ghetto de Varsovie en passant par l’hôpital
psychiatrique d’Hadamar en Hesse, haut lieu de l’opération T4
visant à exterminer les handicapés ou la Volksturm en Prusse-
Orientale, une narration souvent différente.

Plus encore qu’une simple évocation de souvenirs d’enfants – ce qui
est déjà une contribution majeure à l’historiographie du conflit car
les attitudes des enfants sur le nazisme et le conflit n’étaient
analysées que via le prisme de leur jugement envers leurs parents
pour les survivants et noyés dans les millions de morts pour les
victimes – la grande plus-value du livre réside indubitablement dans
son analyse de la destruction des liens familiaux et des structures
familiales qui affectèrent en premier lieu les enfants. Le livre montre
ainsi l’extrême dénuement psychologique dans lequel le Troisième
Reich enferma ces enfants allemands et polonais, privés de pères car
mobilisés ou assassinés. En plus de toutes les impostures du
nazisme, Nicholas Stargardt révèle ainsi celle de l’intime où le
Führer, souhaitant devenir le père de tous les Allemands, exigeant
serments et sacrifices, commença par leur mentir et finit par les
conduire à une mort programmée ou subie.

Ce livre est d’une importance fondamentale car les enfants d’hier
devinrent les adultes de demain, ceux de la guerre froide, de la
décolonisation, des Trente glorieuses, construisant avec cette
psychologie en ruines notre monde d’aujourd’hui. A cette question
lancinante qui ne cesse d’obséder le lecteur : « A quoi pense un
garçon de 15 ans gardant des femmes dans l’attente de leur
exécution ? », Nicholas Stargardt offre enfin les clés de
compréhension d’un dilemme qui, malheureusement, n’a rien perdu
de son actualité.

Des enfants en guerre, Allemagne 1939-1945,  de Nicholas Stargardt (La Librairie Vuibert)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : La chambre des échos de Richard Powers par Frédérique Deghelt

« À la tombée de la nuit, les grues se
posent en flot continu. Par ruban, elle
déroulent leurs trajectoires
descendantes, lâches sur le fond du ciel.
De tous les points de l’horizon, elles
arrivent par flottaison de douze et
tombent avec le jour. Des populations
de Grus Canadensis s’installent sur la
rivière en dégel. Elles s’amassent sur les
bancs de sable où elles grappillent,
battent des ailes et trompettent :
première vague d’un exode massif. »

 
C’est le grand talent de Richard
Powers. La seule vraie preuve d’un grand écrivain… Qu’il vous
raconte une histoire issue du monde des musiciens, de celui des
militants écologiques défenseurs des arbres ou des folies des
informaticiens de la Sillicon Valley, vous y êtes. Vous ressentez
profondément ce monde qui n’est pas le votre mais que l’écrivain
vous fait éprouver. Vous êtes le héros, ou l’un de ceux qui le côtoie,
vous relevez la tête de temps en temps, hébété de vous retrouver
soudain dans votre fauteuil ou dans votre lit car vous vous trouviez
la seconde d’avant dans ce monde que Richard Powers vous balance
dans ses lignes, entre les lignes, entre les pages, tout autour de la
couverture et au delà.

Encore une fois, La chambre aux échos, tout comme Le temps où nous
chantions
 ou L’arbre monde distille cette immense sensation de
lecture et d’immersion.

Cette chambre aux échos va longtemps résonner en vous (voire
raisonner en vous).

Et, à part ça, c’est l’histoire d’un homme qui a un accident de voiture
et perd la mémoire de sa sœur… Le résumé officiel dit : 
Par une nuit
d’hiver, sur une petite route du Nebraska, Mark Schluter est victime
d’un grave accident de voiture. Sa sœur aînée, Karin, revient dans sa
ville natale pour être à son chevet. Mais lorsque Mark sort du coma,
il semble ne plus la reconnaître. Karin fait alors appel à Gerald
Weber, un célèbre neurologue, spécialiste des troubles singuliers du
cerveau.

Récompensé par le 
National Book Award, 
La chambre aux échos est
un fascinant voyage au cœur de l’esprit humain. Tout comme le
voyage des grues au cœur du ciel migratoire.
Frédérique Deghelt est écrivaine, auteure de nombreux romans
dont La vie d’une autre (Actes Sud, 2007) portée à l’écran par Sylvie
Testud. Dernier livre paru : Sankhara (Actes Sud, 2020)
La chambre des échos de Richard Powers (Cherche-Midi)
par Frédérique Deghelt

#Lecturesconfinement : Les os des filles de Line Papin par Sandrine Piau

J’ai été bouleversée par le sujet porté par une écriture sans pathos, un style concis qui rend universel la douleur du déracinement.
A l’ heure où nous faisons tous face à une menace commune, j’ai trouvé précieuse la description de ce lien si fort entre les générations, cette histoire qui nous étouffe parfois mais qui nous détermine toujours.
Sandrine Piau est soprano, se
produisant sur les plus grandes
scènes du monde. Derniers disques
enregistrés : Betulia Liberata de
Mozart (Aparté) et Magic Mozart
(Aparté)
Les os des filles de Line Papin (Stock)
par Sandrine Piau

#Lecturesconfinement : L’historiographe du royaume de Maël Renouard par Laurent Pfaadt

Comment qualifier ce petit bijou
littéraire ? De conte ? Bien
entendu, l’image des Mille et Une
nuits s’impose. De mémoires
fictives d’un Saint Simon oriental ?
Assurément tant les descriptions
de ces courtisans et de leur ballet
abondent. De roman ?
Évidemment, les aventures de son
héros en constituent la magnifique
matrice. De traité philosophique ?
Certainement, il n’y a qu’à se
plonger dans cette réflexion sur le
pouvoir absolu d’un Hassan II,
monarque éclairé en même temps qu’arbitraire. De thriller ? Le huis
clos du palais de Skhirat où Hassan II affronta un coup d’Etat en
1971 y ressemble grandement.

Finaliste du Goncourt 2020, L’historiographe du royaume est tout cela
à la fois. Son narrateur, Abderrahmane Eljarib, bon élève, intègre le
Collège royal de Rabat où il se lie d’amitié avec le fils du sultan
Mohammed V devenu en 1961, roi du Maroc sous le nom d’Hassan
II. Mais les rois n’ont pas d’amis, que des sujets et Eljarid va
l’apprendre à ses dépens. Chargé d’écrire l’histoire du Maroc après
une disgrâce dans le sud du pays qui rappelle Buzzati et son désert
des Tartares
, Eljarib revient en grâce à la cour et a ainsi tout le loisir
d’en observer le cérémonial.

Les émotions se succèdent, le réel flirte parfois avec le fantastique,
la narration ondule, virevolte en suivant le récit d’Abderrahmane
Eljarib. Puis, on arrête de démêler le vrai du faux car au final, on se
rend compte que seul le roi détient la vérité et qu’il est le maître du
temps. Une seule chose lui est cependant impossible malgré
l’étendue de son pouvoir : écrire définitivement sa propre histoire.
C’est ce que nous dit avec force Maël Renouard.

L’historiographe du royaume de Maël Renouard (Grasset)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : La Nueve, 24 août 1944, ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris d’Evelyn Mesquida par Alberto Toscano

Le livre La Nueve, 24 août 1944, de la
journaliste et écrivaine espagnole
Evelyn Mesquida, m’a révélé une
aventure extraordinaire, longtemps
méconnue dans l’histoire française :
l’importante participation des
Espagnols à la Libération de Paris.

Après s’être battus dans leur pays,
plus de 500.000 républicains
espagnols se sont refugiés en France
en 1939, pour échapper à la
vengeance de Franco. Placés dans
des camps d’internement, plusieurs
milliers d’entre eux s’engagèrent dans les forces de la France libre du
général de Gaulle. Le soir du 24 août 1944, ces hommes intégrés
dans la 9e compagnie (la Nueve en espagnol) de la 2e Division Blindée
du général Leclerc et commandée par le capitaine français Dronne
jouèrent un rôle fondamental dans la libération de Paris. Le
lieutenant espagnol Amado Granell et d’autres combattants de la
Nueve
, furent les premiers à arriver à l’Hôtel de ville, marquant ainsi
le tournant décisif de la bataille dans les rues de la capitale. Sur les
160 membres de la 9ème compagnie, 146 étaient Espagnols. Les
ordres étaient donnés en espagnol et leurs véhicules portaient les
noms des batailles remportées par les républicains contre les forces
de Franco. Ainsi, le premier véhicule militaire qui arriva à la place de
l’Hôtel de ville s’appelait « Guadalajara ».

A cette histoire extraordinaire des hommes de la Nueve s’ajouta
celle du travail réalisé par son auteure, Evelyn Mesquida, elle-même
fille d’un ancien combattant de la République espagnole. Arrivée à
Paris en 1977, Evelyn Mesquida est la doyenne des correspondants
de la presse espagnole en France et a été, entre autres, la présidente
de l’Association de la Presse étrangère. En 1998, réalisant un
reportage, elle rencontra un ancien combattant de la Nueve et
découvrit l’histoire de ces hommes oubliés. La journaliste continua
son activité en tant que correspondante de l’hebdomadaire
espagnol Tiempo, mais travailla également à ce qu’elle considérait
comme une injustice : l’oubli des Résistants espagnols dans la
mémoire collective des combats de la Deuxième Guerre Mondiale.

Il y a une vingtaine d’années, Evelyn Mesquida partit à la recherche
des survivants de la 2ème DB en général et de la Nueve en particulier.
Elle en retrouve certains, installés dans dans diverses régions de
France et tombés dans l’oubli. Ils lui racontèrent leurs histoires,
évoquant leurs compagnons disparus et leurs expériences de neuf
ans de combats (en Espagne, Afrique du Nord, Norvège, France,
Allemagne), à travers des photos et leurs nombreuses médailles
militaires. Certains menaient une existence paisible, tandis que
d’autres vivaient dans des conditions difficiles, parfois même
dramatiques. La ténacité d’Evelyn Mesquida et la présence de son
immanquable magnétophone constituèrent pour eux un moment de
joie dans une réalité de solitude.

Grâce à la sortie de ce livre (en espagnol, en français et en anglais), il
nous est possible de connaître cet épisode longtemps caché de
l’histoire de la libération de Paris à travers ces témoignages
extrêmement humains et intéressants, qui auraient été, autrement,
perdus.

Une fois à la retraite, Evelyn Mesquida multiplia son activité pour la
mémoire des républicains espagnols en France. Le 24 août 2004, son
acharnement se concrétisa avec une plaque portant la mention
« Aux républicains espagnols, composante principale de la colonne
Dronne » est inaugurée par la Mairie de Paris tout près de l’Hôtel de
ville, où se trouve désormais, côté Seine, le « Jardin des combattants
la Nueve ».

Le livre de Evelyn Mesquida est publié en France par les éditions du
Cherche Midi avec le titre La Nueve, 24 août 1944 et le sous-titré Ces
républicains espagnols qui ont libéré Paris
. Dans ces pages, l’histoire de
la Nueve
est relatée à travers les témoignages et les portraits de dix
espagnols de cette compagnie. La préface du livre est signée de
l’écrivain Jorge Semprun, selon lequel l’œuvre de cette journaliste
devenue aussi historienne demeure fondamentale pour comprendre
que ces résistants furent non une « poignée d’hommes » mais « des
dizaines de milliers qui luttèrent, dans tous les combats de l’armée
française »
.

Correspondant de la presse italienne à Paris depuis 34 ans, Alberto
Toscano a écrit plusieurs livres sur la relation franco-italienne. Parmi
eux Les Italiens qui ont fait la France de Léonard à Pierre Cardin
(Armand Colin, 2019)

La Nueve, 24 août 1944, ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris d’Evelyn Mesquida (Cherche-Midi)
par Alberto Toscano

#Lecturesconfinement : Un peu profond ruisseau – La mort en littérature de Jean Roudaut par Dominique de Rivaz

Jean Roudaut,
spécialiste de Michel
Butor et de Robert
Pinget, vient de
publier, après ses
écrits sur la peinture,
les bibliothèques et,
le rêve en littérature,
Un peu profond ruisseau – La mort en littérature, aux éditions Le temps
qu’il fait. Il m’a été donné, en ces semaines de confinement, de suivre
pas à pas ce « peu profond ruisseau », le Styx, pour Stéphane
Mallarmé. Je cite Jean Roudaut : « On a sans cesse à franchir la
limite, la fin du paragraphe, celle du chapitre, plus difficile, celle du
livre. » La mort, dans cet essai d’une grande érudition, irrigue nos
connaissances comme une eau la prairie.

Dominique de Rivaz est une cinéaste et auteure suisse. Elle a
notamment remporté le prix du cinéma suisse en 2004 pour son
long-métrage, Mein Name ist Bach.

Son dernier livre de photographies avec Dimitri Leltschuk Kaliningrad, la petite Russie d’Europe (éditions Noir sur Blanc), est sorti il y a quelques semaines.
Un peu profond ruisseau – La mort en littérature de Jean Roudaut
(Le Temps qu’il fait)
par Dominique de Rivaz

#Lecturesconfinement : Héritage de Miguel Bonnefoy par Laurent Pfaadt

A quoi reconnaît-on un grand livre?
A sa capacité de nous emporter, de
nous attacher à ses divers
personnages que l’on quitte à
regret ? Oui. A son écriture
singulière, ici en l’occurrence
pleine de lumière même dans ses
pages les plus sombres ? Oui
également. Mais cela ne suffit pas.
Il faut un souffle, quelque chose
d’indescriptible, qui peut être
épique ou diffus, saccadé ou
étouffé, contraint ou libéré mais il
faut sentir quelque chose, quelque chose qui part du cerveau et descend jusque dans les tripes.

Le livre de Miguel Bonnefoy a choisi de s’attarder au cœur. Dans
celui de ses personnages même s’il effectue souvent quelques
détours par les poumons de Lazare, le père blessé durant la
Première guerre mondiale. Mais c’est bien du cœur dont il est
question, celui de Thérèse, la mère accompagnée de son magnifique
chœur ornithologique, celui si vaillant de Margot, sa fille, qui
plongea au cœur des nuages y compris pour son fils, et celui de ce
dernier, Ilario Da, qui résista à la torture de la dictature de Pinochet.

Il y a assurément du Kessel et du Rulfo dans ces lignes qui conte
cette fresque familiale partagée entre la France et le Chili. C’est une
histoire de cœur donnée en héritage, de génération en génération.
Car à y réfléchir de plus près, c’est aussi dans le cœur que se niche la
liberté. Comme la volière de Thérèse que ses oiseaux refusent de
quitter. Pour toutes ces raisons et tant d’autres, Héritage est un
grand livre. Héritage,notre Goncourt.

Héritage de Miguel Bonnefoy ,en lice pour le Goncourt des lycéens,
(Rivages)
par Laurent Pfaadt