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Oui

D’après Thomas Bernhard au TNS

Pour ce texte magnifique et émouvant du grand écrivain autrichien il fallait pour le porter, le faire vivre un grand acteur. Qui, mieux que Claude Duparfait pouvait incarner ce personnage sensible, excessif, bouleversé par son vécu et bouleversant par le récit qu’il vient partager avec nous spectateurs désignés comme destinataires.


Assis sur une simple chaise, un livre à la main, un grand sac poubelle à proximité, c’est dans ce décor minimaliste, laissant toute la place  au comédien  que celui-ci entame sa prestation. Il lit  un texte extrait des aphorismes de Schopenhauer à propos de la proximité, de la bonne distance, prenant l’exemple des  porcs-épics qui cherchent à se rapprocher pour avoir chaud mais qui, s’ils le font de trop près se piquent et de trop loin ont froid. Une histoire  emblématique de celle qui va nous être rapportée.

© Jean-Louis Fernandez

Il est ce narrateur qui tient à revenir sur un épisode qui a notoirement marqué sa vie. On est en quelque sorte après la catastrophe, il s’agit de se remémorer les faits, les circonstances. Cela va s’effectuer sous nos yeux, sans pathos mais non sans émotion. C’est justement toute cette capacité de Claude Duparfait à saisir et à montrer par sa gestuelle, ses mains qu’il presse l’une contre l’autre ou dans lesquelles il enfouit son visage, ses sursauts, ses regards qu’il pose sur nous, pour exprimer le tourment qui habite le narrateur au  souvenir de certains moments, ceux passés avec la jeune femme  appelée « La Persane » rencontrée quelques mois plus tôt chez l’agent immobilier Moritz, ce jour où, se sentant devenir fou, ll était allé chez ce dernier et s’était livré à une débauche de confidences sur son état de santé mentale.

Tout avait commencé là, dans le bureau de Moritz,  où un couple, les Suisses, était venu pour parfaire l’achat d’un terrain réputé invendable car trop humide et mal situé. L’homme, célèbre comme constructeur de centrales électriques s’étant entiché de ce lieu voulant y faire construire une maison pour y  passer sa retraite. Le narrateur dit qu’il fut surpris d’un tel choix mais surtout du silence de sa compagne, « La Persane ».  Devinant le désarroi de celle-ci il lui propose une promenade dans la forêt de mélèzes proche du village. Ils en effectueront plusieurs et finiront par se rendre compte qu’ils partagent la même passion pour le philosophe Schopenhauer et pour le compositeur Schumann mais aussi que le même mal de vivre les tourmente.

Prenant peu à peu conscience qu’ils se sauvent mutuellement, peut- être justement en raison de cela et, paradoxalement ils s’éloignent l’un de l’autre puis ne se voient pratiquement plus et en arrivent à une espèce de détestation. Un déséquilibre se fait jour, lui, se sentant capable de reprendre ses travaux scientifiques, elle, sombrant dans la solitude et la désespérance qui vont la conduire au suicide, acte évoqué un jour par lui sous forme d’une éventualité, d’une question à laquelle, après hésitation, elle avait répondu « oui ».

Dans cette mise en scène finement conduite par Célie Pauthe,  « La Persane » nous est révélée dans  des séquences filmées où le narrateur est vu en sa compagnie, marchant côte à côte dans la forêt de mélèzes, silencieux ou devisant, assis sur un tronc d’arbre.  Un jour, c’est là qu’elle lui révèle sa vie de femme exilée qui a délaissé ses études pour se consacrer à son compagnon qu’elle a aidé à devenir ce brillant constructeur de centrales qui maintenant veut se débarrasser d’elle et l’abandonne dans ce pays hostile aux étrangers. L’actrice iranienne Mina Kavani tient ce rôle avec humanité, sensibilité se montrant d’abord discrète, attentive puis devenant plus expansive avant de se replier sur elle-même et d’entamer le rejet de celui qu’elle aurait pu prendre pour un ami, lui adressant de graves reproches. La comédienne filmée parfois en gros plan sait parfaitement montrer ces changements d’attitudes et de postures.

Le comédien regarde ces scènes qui sont comme la mémoire vive du narrateur qui a vécu ces moments, se les remémore avec une intense émotion et il joue son visage tendu, son accablement qui le fait se mettre à genoux ou s’écrouler sur le plateau, nous rendant témoins directs de la tension dramatique que la rencontre de ces deux êtres a suscitée. Nous retrouvons dans ce spectacle simple et intense l’écriture fascinante de Thomas Bernhard qui plonge dans la complexité de l’humain, y décèle la désespérance et son possible dépassement par la rencontre avec l’autre si l’on accepte de cheminer avec lui.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 24 octobre

En salle jusqu’au 28 octobre

La danse macabre de Martin Zimmermann

Cette danse macabre lui appartient de fait puisqu’il en signe la conception, la mise en scène, la chorégraphie, la scénographie avec Simeon Meier, les costumes avec Susanne Boner et qu’il participe au jeu en y tenant le rôle de La Mort.


Depuis 2003, régulièrement invité au Maillon nous avons pu apprécier son grand talent de concepteur d’œuvres tragicomiques.

Ce qui frappe d’entrée de jeu c’est ce décor de grand désordre, de décharge, d’amas de vieux papiers traînant sur le sol et ce remuement sous les sacs poubelles ce qui nous évoque immédiatement ces SDF qui souvent n’ont rien d’autres qu’eux pour s’y abriter et y dormir.

© Basil Stücheli

Et on n’est pas loin de penser cela en voyant surgir d’un cercueil de carton puis virevolter ce personnage de la mort ricanant et claquant lugubrement des dents

Mais trêve de tragique ceux qui émergent, ils sont trois à se dégager, hirsutes et mal fagotés (costumes Susanne Boner) vont à leur tour défier cet environnement pourri et en faire un partenaire de jeu, c’est à dire de vie, car c’est à eux (Tarek Halaby, Dimitri Jourde, Methinee Wongtrakoon en alternance Eline Guenat) maintenant de virevolter et de ne pas en laisser l’apanage à la mort. Démonstration va en être faite quand, par exemple, dans la petite cabane perchée sur le sommet d’une pyramide, les occupants du lieu seront confrontés au mouvement de balancier qui la fait basculer de droite à gauche et les projette contre les murs. Il s’agit de garder l’équilibre et cela nécessite des rétablissements constants et suffisamment hasardeux pour créer un comique de situation tout en étant une sorte de représentation symbolique de cette résistance dont il faut faire preuve face aux aléas de la vie.

Deux des enfermés de la cabane basculante finissent par s’en échapper par des glissades qui les ramènent sur le plancher des vaches pendant que le troisième (Dimitri) s’exerce par toutes sortes de manœuvres et d’acrobaties à maîtriser l’espace. Une fois sorti de ce lieu inhospitalier, il pourra exprimer son mécontentement en râlant fermement et bruyamment au milieu des déchets qu’il ne cesse de repousser du pied et en projetant une de ses chaussures au milieu du public avant de la lui réclamer illico. Son numéro de clown a parfaitement fonctionné et il en profite pour renchérir avec force cris et gesticulations.

 La mort passe, sortant d’un bidon abandonné où elle s’était cachée pour donner un coup de balai et repousser quelques débris, histoire surtout de se montrer toujours prête à narguer ceux qui évoluent près d’elle. Ce que ne manque pas de faire la danseuse (Eline) enchainant les pirouettes et les contorsions ou le comédien (Tarek) qui se prend pour une diva, minaude, joue j avec ses longs cheveux, avant de s’exercer à des vocalises dignes de la Castafiore. La musique forte, rythmée, composée par Colin Vallon accompagne de façon pertinente ces exercices de « haute voltige »  sous des jeux de lumière sophistiqués (création lumière Sarah Büchel)

Tout cela frise l’absurde et ne manque pas d’humour. Les propositions se multiplient sans présenter de vrais liens entre elles et certaines improbables comme cette scène d’accouchement frisent le burlesque ou le mauvais goût selon la sensibilité de chacun, cependant elles sont menées avec brio dans un ambiance de cirque déjanté par des comédiens dont le vrai talent est de savoir dérisionner, montrant ainsi que l l’on peut célébrer la vie même si le tragique de l’existence tend à s’imposer.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 19 octobre

Le Jardin des délices

Attirés, intrigués par ce titre magnifique qui reprend celui d’un tableau du célèbre peintre flamand du Moyen-Age, Jérôme Bosch et par la connaissance que nous avons du metteur en scène, Philippe Quesne, et de sa Cie  le Vivarium Studio venu à plusieurs reprises ici au Maillon, (« La nuit des taupes » en 2016) nous avions grande envie de voir sa dernière création qu’il a montrée au Festival d’Avignon pour la réouverture de la Carrière Boulbon.


© Martin Argyroglo

Nous nous retrouvons face à un plateau quasiment vide où, côté jardin, est à l’arrêt un grand bus blanc. En fond de scène un immense tableau représente dans des tons pastel un paysage de la nature.

Tout commence quand, l’un après l’autre les protagonistes descendent du bus, certains avec des chapeaux de cow-boys et presque tous santiags au pied. (Costumes Karine Marques Ferrera). Sommes-nous dans un désert américain ?

Leur action consiste à se rendre près des gros sacs de chantier pour y prélever à grands coups de pelle et de pioche des cailloux qu’ils vont disposer en cercle au centre du plateau avant d’y installer solennellement un très gros œuf (scénographie Elodie Dauguet)

L’hommage qu’ils lui rendent a tout d’un rite funéraire puisque l’un après l’autre, il s’approche pour le toucher, le caresser, esquisser une ronde et lui offrir un petit concert de flûtes, banjo et castagnettes.

Ce premier moment achevé, celui qui paraît être l’organisateur du groupe (Gaétan Vourc’h) propose de mettre en place « un cercle de paroles » où chacun s’exprimera à sa guise. Le projet étant approuvé, on va bientôt assister à de fantasques exhibitions, les uns, lisant des textes, d’autres s’allongeant sur le sol, d’autres encore, exécutant la posture de l’équilibre sur la tête, quelques-uns se regroupant pour se constituer en tableau vivant pendant que sur le toit du bus Thierry Raynaud déclame des sonnets, que, près du bus, Sébastien Jacobs joue du violoncelle et chante. Une femme traverse le plateau, une pomme posée sur la tête, une autre posera des questions absurdes telles que « les cannibales ont-ils des cimetières ? »

Côté cour défilent sur un écran lumineux des textes surréalistes signés Laura Vasquez.

Une nouvelle séquence s’ouvre avec le démantèlement du bus auquel on arrache les fenêtres et une partie de la carrosserie pour en faire une scène de cabaret sur laquelle un des passagers se transforme en chanteur lyrique suivi d’un autre devenu magicien capable de redonner une chevelure abondante à un chauve. Beaucoup de fantaisie, d’incongruités dans ces démonstrations qui semblent improvisées et répondre à des nécessités qui nous échappent.

Parfois des silences, des temps morts comme si ce groupe ne savait ce qu’il fait là.

Alors l’orage avec tonnerre, éclairs et pluie relance le mouvement, tous se mettent à courir pour se mettre à l’abri et regagner le bus cela va de soi.

C’est encore une surprise de voir apparaître des personnages en costumes médiévaux qui déambulent en citant des textes philosophiques en vieux flamand puis  on entend « chaque pierre est un éclat du cosmos » et un homme sur le justaucorps duquel est dessiné un squelette apparaît à son tour.

Côté cour on voit parfois jaillir des flammes (l’enfer ?).

Enfin la question du départ se pose. Un triangle lumineux se dessine sur le tableau du fond, C’est comme une destination vers l’infini, vers l’espace qui manifestement convient à ces curieux voyageurs.

Ainsi s’achève  le spectacle  de Philippe Quesne qui n’a cessé de nous surprendre et de nous dérouter par son aspect apparemment décousu où les références au tableau de Bosch sont loin d’être évidentes si ce n’est justement par ce côté foisonnant et énigmatique que l’on retrouve chez l’un comme chez l’autre.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 12 octobre au Maillon

MOTHERS A SONG FOR WARTIME

Le retour de la metteure en scène polonaise Marta Gornicka marque une fois de plus l’engagement du Maillon pour les causes humaines en tension. On a encore en tête son « Magnficat » qui nous la révéla lors du Festival Premières en 2012 et qui remettait en question ie statut de la femme polonaise soumise aux diktats de la religion catholique dominante dans ce pays.


Elle aborde dans cette récente création un sujet d’une actualité brûlante, la guerre en Ukraine et d’une manière plus générale les souffrances que toute guerre ne manque pas d’engendrer.

Ce conflit se déroulant au cœur de L’Europe, à proximité de la Pologne, ce pays a vu arriver nombre de réfugiées et c’est parmi elles que Marta Gornicka a choisi les femmes qui constituent en compagnie de mères polonaises et biélorusses, le chœur qui interprète cette œuvre.

Elles nous apparaissent en groupe serré, bien droites face à nous, en tenues ordinaires, jupes, pantalons, shorts tee-shirts, l’air résolu.

Une toute jeune fille ouvre le spectacle en lisant un poème devant les spectateurs. Il est question d’une tradition ukrainienne qui évoque avec l’arrivée d’un oiseau, celle du printemps et celle de changer le monde. On pense à la paix qui, justement pourrait opérer cette nécessaire transformation puisque pour l’heure il n’est question que de guerre partout dans le monde.

Elles entament d’une seule voix un chant dont les paroles sont traduite en français et en anglais  sur un bandeau, répété, martelé, souligné par les frappes du tambour il dit »Bonne nuit », un chant de souhait comme aiment les pratiquer les coutumes ukrainiennes. Ironie, provocation, puisque repos, tranquillité sont difficilement conciliables avec la guerre.

Pour énoncer les exactions entraînées par la guerre, et ce dont elles vont faire état, les bombardements, les morts les séparations les viols, l’exil, elles se déplacent en ligne, en diagonale selon des rythmes quasiment de marches militaires, frappant du pied le sol avec énergie et du même coup galvanisant notre attention. On peut parler d’une chorégraphie militante pour ces mouvements réglés au plus juste qu’un sit in vient parfaire.  Il y a de la colère dans leurs voix qui vocifèrent, dénoncent, ironisent sur les manques de l’Europe, interpellent le public avec de grands ricanements sonores, des « ah ! ah ! ah ! répétés à l’envi.

Chacune viendra dire qui elle est et confier un bout de son histoire.

En contrepoint après avoir énoncé ce que cette guerre était vraiment elles chanteront main dans la main un chant sur l’amour, et puis les bras levés répéteront avec force ce souhait universel

« Never Again, Never Again » qui ne pouvait qu’entraîner l’adhésion du public.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 6 octobre 2023

La tendresse au TNS

Un spectacle enthousiasmant pour cette entrée dans la saison, un de ceux dont on sort avec le sourire, heureux d’avoir vécu un moment pétillant de vie, brillant, intelligent et constructif.


Conçu et mis en scène par Julie Berès de la Cie « Les Cambrioleurs » sise à Brest, ce spectacle a été créé le 16 novembre 2021 à la Comédie de Reims.

La metteure scène Julie Berès avait présenté en 2019 au TNS, dans le cadre de « L’autre saison », la pièce « Désobeir » dans laquelle le problème de l’émancipation des femmes était posé.

Elle revient avec un sujet parallèle concernant cette fois les hommes, la construction de la masculinité, comment se soumettre ou plutôt échapper aux injonctions de devoir s’affirmer en tant qu’homme.

Après un long travail d’enquête et de recherche historique et sociologique, en s’adjoignant des collaborateur-trices,  Kevin Kreiss, Alice Zéniter, Lisa Guez et la chorégraphe Jessica Noita, elle a mis au point  ce formidable spectacle.

Ça démarre à toute allure, un groupe de jeunes garçons, déboulent sur le plateau, sortant d’une sorte d’entrepôt gris, se précipitent sur les murs pour écrire à la hâte le titre « la tendresse » puis très vite encore  ils se lancent dans une danse effrénée témoignant d’une folle énergie, c’est la véritable entrée dans le spectacle au cours duquel les huit jeunes comédiens ne se départiront pas de cette splendide détermination à s’exposer, à faire passer par le langage du corps autant que par la parole dite ou chantée les contradictions qui les traversent, les mobilisent, les paralysent aussi parfois. Car il ne suffit pas de naître garçon pour devenir homme comme le démontrent dans la pièce ces scènes où l’un comme l’autre sera confronté aux injonctions multiples et ancestrales qu’on ne manque pas de lui rappeler. L’illustre à la perfection cette énumération de tout ce qu’un homme finit par acquérir comme situation enviable s’il obtempère à ces sortes de commandements omniprésents dans les traditions éducatives, souvent tenus comme des évidences, inutiles à expliciter.

Les huit interprètes, tous de formation et d’origines différentes, Bboy Junior, Natan Bouzy, Charmine Fariborzi, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian (en alternance avec Ryad  Ferrad) Djamil Mohamed, Romain Sheiner, (en alternance avec Guillaume Jacquemont) Mohamed Seddiki (en alternance avec Said Ghanem) danseurs, performeurs, comédiens jouent à  se remettre en question avec une sincérité, une authenticité  et un humour qui nous les rendent proches et touchants. Ils abordent toutes les grandes questions qui interrogent leur identité d’homme et la bouleversent, aussi bien leur allure physique qui se doit d’être sportive que leur mental qui doit être rassurant et sans faiblesse. Ils abordent la relation homme-femme et les parcours très compliqués et anxiogènes qu’elle engendre, chacun en faisant part à sa façon ce qui peut susciter entre eux des désaccords sur leur point de vue, et même de chamailleries, des réflexions désobligeantes, des moqueries blessantes, d’où parfois des corps à corps violents et cette impression du vécu en live qui retient toute notre attention et nous amuse tant les répliques ont d’à-propos.

Rien ne semble avoir été oublié dans ce parcours du combattant et seront évoqués la relation avec ces pères qui s’affichent autoritaires mais souvent absents, l’art de la drague, la peur des femmes, la jalousie qui révèle la violence qu’on a en soi, la crainte d’être homo ou d’être taxé de pédé, et cette recherche d’en finir avec cet affichage de la virilité qui se fait jour peut-être en raison de l’inquiétude que suscite le mouvement Meetoo, l’envie d’aller vers la tendresse, autant de thèmatiques qui, sans didactisme, seront abordées parfois en solo souvent par des démonstrations  de danses urbaines, de hip hop virtuose  et  même par les superbes performances de danse classique  de Charmine Fariborzi et Natan Bouzy.

Dans ce décor plutôt banlieusard, signé Goury où les praticables permettent des évolutions circassiennes,  sous les lumières nuancées de Kelig Le Bars, les  interprètes costumés selon leur personnalité par Marjolaine Mansot et Caroline Tavernier nous ont offert un très beau travail de groupe témoignant d’une complicité manifeste et jouissive qui a emporté l’adhésion enthousiaste du public.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Représentation du 4 octobre 2023

En salle Koltès jusqu’au 14 octobre

Nouvelle saison, Maillon Strasbourg 2023/2024

Comme à l’accoutumée, elle sera extra riche en propositions diverses et variées toutes tournées vers une solide qualité artistique, toutes propices à nous conduire vers un approfondissement de notre réflexion sur le monde et à faire voyager notre imaginaire.


Nous retrouverons des artistes déjà présents au Maillon, comme la polonaise Marta Gornicka et son chant choral, Phlippe Quesne, Martin Zimmermann, Tabea Martin, Gisèle Vienne, Jonathan Capdevielle, Camille Dagen et le groupe Animal Architecte, Boris Charmatz, Marion Siéfert, le groupe « Berlin », François Gremaud  se rappeler son excellent « Giselle », Alexander Vantournhout

Ainsi se succéderont spectacles de théâtre, de danse, de musique de cirque et pour les donner à connaître par genre nous commencerons par la musique puisque la saison s’ouvre en collaboration avec le Festival Musica qui se déroule du 15 septembre au 1er octobre dans différents lieux avec trois spectacles :

« Queen of Hearts » qui évoque, la Princesse de Galles, Lady Di, son interview à la BBC dans une pièce musicale signée Jannick Giger avec instrumentistes et la voix de la soprano Sarah Maria Sun.

« Place » de Ted Hearn qui est un oratorio engagé venu des Etats-Unis.

« Dompter les Rivières» une création coproduite par Le Maillon de l’autrice Lucie Taieb qui évoque le quartier du Wacken, ses mutations et entre autres un épisode au moment de l’exposition coloniale de 1924.

Puis nous retrouverons dans « Mothers a song for wartime » la vigueur et l’engagement de la polonaise Martha Gornicka dans ce chant choral qui s’insurge contre la guerre.

A inscrire dans les spectacles proprement musicaux « Carmen » de François Gremaud qui nous avait enchanté avec « Giselle »

En abordant les pièces théâtrales, remarquons qu’elles sont nombreuses, avec pour certaines le nom connu de leur concepteur.

Philippe Quesne pour « Le jardin des délices » (se rappeler « La nuit des taupes ») s’inspire de l’œuvre de Jérôme Bosch pour nous entraîner dans un monde où l’imaginaire et la réflexion collaborent étroitement

Jonathan Capdevielle après « Rémi » en 2022 présente « Caligula » d’après Albert Camus, une lecture de l’œuvre en deux versions accompagnées de musique et de danse.

Krystian Lupa, le célèbre metteur en scène polonais revient avec « Les émigrants » une mise en scène exceptionnelle d’une durée de 4 heures d’un texte de W. G.Sebald,un auteur de la fin du XXème siècle qui montre les  conséquences dramatiques des persécutions nazies sur ceux qu’elles ont contraints à l’exil.

Camille Dagen , après « Bandes » en 2020 présente avec  le groupe  Animal Architecte « Les forces vives » d’après « Les mémoires d’une jeune fille rangée », « La force de l’âge », « La force des choses » de Simone de Beauvoir.

Notons la présence de la jeune scène européenne avec « Sauvez Bâtard », première mise en scène de Thymios Fountas sur des figures d’anti-héros.

Reprise du spectacle « La taïga court, première cérémonie » mise en scène par Antoine Hespel dont c’était le travail de sortie de l’Ecole du TNS sur un texte de Sonia Chambretto, un regard sur l’avenir incertain du monde.

« Mi vida en transito » met en scène la correspondance de deux jeunes artistes, l’un Elvio a dû rejoindre l’Argentine pendant que son ami Savino qu’il a connu en Suisse demeure encore dans ce pays.

Signalons deux spectacles de théâtre participatif mis en scène par Olivier Letellier des « Tréteaux de France » à voir en famille ou en séances scolaires : « les règles du jeu » et « La mare aux sorcières »

Un petit tour au Moyen-âge avec « Péplum médiéval »

Un regard sur les enfants avec « J’ai une épée « de Léa Drouet

Une dénonciation des violences sexuelles par la brésilienne Carolina Bianchi et sa Cie Cara de Cavalo : « La mariée » et « Bonne nuit Cendrillon ».

Des échanges de lettres entre femmes emprisonnées par Markus et Markus theaterkollektiv, des témoignages sur des vies bousculées dans « Die Brieffreundschaft »

La mise en scène de Marion Siéfert pour « Daddy « est innovante puisqu’elle propose de représenter une sorte de jeu en ligne pour dénoncer la marchandisation des corps.

Un conte moderne de Métilde Weyergans et Samuel Hercule 4’7/00 de liberté qui raconte comment  un nouvel arrivant  peut bousculer la vie la mieux réglée.

Le groupe « Berlin » présente sur le mode théâtre filmique une sorte d’enquête sur un régisseur d’orchestre durant la Seconde guerre mondiale

De très belles propositions de danse viennent enrichir cette programmation. Elles sont signées

Martin Zimmermann pour une « Danse macabre » dans laquelle se mêlent danse, cirque et théâtre

Tabea Martin  qui met en scène et en danse le problème majeur de l’exclusion dans « Geh nicht in den wald,im wald ist der wald ».

Gisèle Vienne, une grande habituée du Maillon qui se positionne aussi sur le registre de la danse et du théâtre dans « Extra life » pour évoquer les retrouvailles d’un frère et d’une sœur après une longue séparation.

 Avec « Les Chercheurs » du collectif « La fleur » nous découvrons sept danseur-euses venus d’Afrique qui montrent avec virtuosité leur façon de surmonter les obstacles qui apparaissent dans leur nouvel environnement.

Présenté avec Pôle-Sud le Maillon invite l’illustre chorégraphe Boris Charmatz  qui a conçu pour 22 danseurs et danseuses le spectacle « 10000 gestes », une performance qui se déploie sur les notes du « Requiem » de Mozart

Egalement avec Pôle-Sud Trajal Harrell du Shaauspielhaus de Zurich offre dans « The Köln concert » une prestation originale sur une musique de Keith Jarrett.

Moment particulier, celui qui évoque avec 10 interprètes sous la direction de Nolween Peterschmitt la fièvre de danse qui s’empara de la ville de Strasbourg en 1518.

Quant au cirque que la programmation n’oublie pas, nous retiendrons « Pli » de Viktor Cernicky qui est la rencontre surprenante entre un homme et 22 chaises .

« 23 fragments de ces derniers jours » de la brésilienne Maroussia Diaz Verbèke avec  trois  interprètes brésiliens du collectif « Instrumento de ver » » et trois français de la Cie « Le Troisème cirque », tous faisant preuve de multiples talents.

En fin de saison, Alexander Vanthorhout qui sait déjouer les codes avec humour et virtuosité amènera une programmation faisant la part belle à la danse et au cirque. Ce sera  « Through the grapevine », « Vanthorhout » et « Foreshadow ».

Nous avons devant nous les promesses de grands moments de découvertes et s’ouvrent ainsi de multiples chemins à parcourir pour enrichir notre réflexion et y prendre plaisir.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

Festival et Salon RACCORD(S)

La Bellevilloise – 19-21, rue Boyer, 75020 Paris

Né à l’initiative des Éditeurs associés, une association qui depuis 2004 mutualise des compétences entre éditeurs de petites et moyennes tailles et travaille à faire connaître leurs catalogues tout en plaçant le livre et la lecture au centre de leurs démarches, le festival Raccord(s) fête le livre et la lecture chaque année, crée des espaces de dialogue avec d’autres formes d’art et de savoir et invite le public à découvrir les ouvrages sous une forme originale : lecture théâtrale, performance, exposition, atelier, spectacle jeunesse, danse, balade ou dégustation qui se doublent d’un salon pour rencontrer et découvrir la production des éditeurs indépendants participants. L’entrée est libre et gratuite à toutes et tous, enfants comme adultes.

Pour fêter ses dix ans d’existence, la programmation du festival se met en mouvement : concerts, lectures musicales et dansées, atelier pour les grands et pour les petits, débats, déambulations, signatures, et bien d’autres surprises. La partie salon de l’événement prend elle aussi de l’ampleur avec une sélection remarquable de 42 maisons d’édition indépendantes venues de France, mais aussi de Belgique, de Suisse, d’Italie, du Canada, et du Brésil parmi lesquels Aux Forges de Vulcain à qui on doit Le soldat désaccordé de Gilles Marchand, prix des libraires 2023, La Contre Allée et les éditions de la Peuplade dont les livres Mississippi de Sophie Lucas et Le compte est bon de Louis-Daniel Godin figurent dans la première sélection du prix Wepler 2023, Hélice Hélas qui remporta avec Nétonon Noël Ndjékéry (Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis) le prix Hors Concourt 2022, les éditions du Sonneur qui publie l’émouvant Ni loup ni chien de Kent Nerburn et bien d’autres encore qui réserveront à coup sûr de merveilleuses rencontres littéraires .

Par Laurent Pfaadt

Festival et Salon RACCORD(S) 10e édition
du 14 et 15 octobre 2023

Retrouvez toute la programmation de Raccord(s) sur les réseaux sociaux :

https://www.facebook.com/festivalraccords
https://www.instagram.com/festivalraccords/?hl=fr

CHAVAL

En cette belle après-midi du tout début de l’été nous nous retrouvons sur l’aire d’accueil des gens du voyage de Fegersheim pour assister à un moment festif à l’initiative de La Cie « Les Gladiateur-trices » que dirige Beatriz Gutierrez.


On s’installe sur les bancs à l’ombre des tonnelles montées là pour nous protéger du soleil et de la chaleur et voilà qu’un personnage à tête de cheval vient ouvrir le spectacle au cours duquel différentes saynètes nous seront proposées

Et d’abord pour se mettre en train une invitation à participer à un flash mob où ceux qui le veulent sont invités à venir danser sur la piste où évoluent déjà Béatriz et Sabine Grislin, Renato Spera et Bruno Joumé qui les ont rejointes.

Bientôt, ce sont les paroles des gens du voyage qui viennent à se faire entendre, enregistrées par l’équipe à l’occasion de leur périple dans différentes aires d’accueil, celles, entre autres, d’Ostwald ou de Dunkerque située près du Port du Rhin.  Elles évoquent une époque où d’une certaine façon la liberté de déplacement était plus fréquente et plus grande. Des témoignages qui disent ce que furent à certains moments ou à différents endroits la vie des gens du voyage quand les parents voyageaient beaucoup, avant l’ère des aires d’accueil où les contraintes sont plus manifestes.

Mais trêve de nostalgie on va passer à la prise de photo de groupe avec comme il se doit le petit jeu de la place à prendre pour être vu et non pas caché par le plus grand ou le plus balaise. Après quelques bousculades on y arrive enfin !  

Quel plaisir aussi de voir évoluer Sabine dans sa robe rouge et légère avec sa perruque foisonnante et son nez de clown.

C’est elle, juchée sur un gros bidon qui entame un chant dont le refrain sera « Je mange mon accordéon » puis qui nous présentera son petit tour de danse et une fois au sol sera relevée par deux comparses très empressés interprétés par Renato Spera et Bruno Joumé.

Vient le moment où sous forme d’un petit jeu de rôle on aborde le problème de la domiciliation car cela peut être un sujet qui fâche alors chacun y va à sa façon pour défendre l’emplacement qu’il a adopté pour sa caravane, oui mais qui empiète plus ou moins sur le territoire du voisin, d’où bisbille et petit jeu qui renouvelle la scène. Renato et Bruno s’emploie à la rendre crédible et non dramatique. Avec en prime un appel au public pour que l’un ou l’autre vienne rejouer la scène à sa façon. Une jeune fille, Lana acceptera la proposition et s’en sortira fort bien.

Un autre moment fort de ce spectacle est celui du chemin des chaises, celles-ci disposées de telle sorte qu’on peut aller de l’une à l’autre de manière suivie et sûre. C’est là que chacun à sa façon vient dire ses souvenirs. On grimpe et on avance à grands pas, tout en répétant à l’envi « Je me souviens » et ce sont ces moments de rencontre que l’on a vécus lors des passages  dans les aires d’accueil où l’on a appris à se connaitre et à cheminer ensemble  qui sont ainsi évoqués, comme une nécessité à se les remémorer, à  témoigner de leur importance, à les faire vivre Sur ce chemin des chaises, véritable pont vers l’autre, on défile allègrement pour cette restitution de la mémoire à laquelle se  sont joints Elisa Renard et Maxime de l’AFI (Association familiale laïc) partenaire.

C’est en chanson et en danse auxquels tous sont invités à participer que s’achève ce moment ludique et chaleureux, l’aboutissement de longues heures de rencontres et d’échanges de la Cie sur les aires d’accueil participant à ce projet.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope

 Représentation du 22 juin 2023

Le cycle de l’absurde

Pour sa dernière représentation de la saison, Le Maillon a choisi la mise en piste du spectacle de sortie d’école de la 32ème promotion du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne par Raphaëlle Boitel qui dirige la Cie L’Oublié(e). Il s’agit de la reprise de la création qui a eu lieu en 2020. Un spectacle riche en propositions et qui ne laisse aucun temps mort. Les douze jeunes artistes font montre d’une énergie sans faille.


Une mise en scène qui donne à chacun la possibilité de montrer ses talents parfois sous le regard de ses comparses, parfois grâce à leur aide car manifestement le groupe est sans cesse présent.

A l’évidence certaines prestations sont plus spectaculaires que d’autres mais toutes requièrent énergie et virtuosité, et pour certaines nous parlerons de  leur aspect poétique, comme c’est le cas  pour la roue allemande sur laquelle évolue avec grâce, Cannelle Maire sans oublier les circonvolutions sur le vélo acrobatique  de Fleuriane Cornet, une actrice tout aussi talentueuse, développant de surcroit une petite histoire romantique avec un de ses partenaires séduit par ses acrobaties mais trop souvent évincé pour ne pas en paraitre dépité mais cependant persévérant , une situation pseudo comique qui ne manque pas ses effets sur les spectateurs.

N’oublions pas non plus dans ce registre la belle histoire que construit le jongleur, Ricardo Serrao Mendes en rapport direct avec une balle aux caprices impétueux qu’il essaie d’apprivoiser mais  qui le nargue dès qu’il veut  la saisir.

Les prestations s’enchaînent, des cintres descendent les cordes, corde lisse, corde volante, trapèzes qui permettent de parcourir les hauteurs à travers de belles envolées souvent impressionnantes. Comme celles de Vassiliki Rossillion à la corde volante qui nous a fait trembler. Les corps grimpent, s’enroulent, tourbillonnent pendant qu’au-dessous d’eux quelqu’un muni d’un projecteur éclaire leurs ébats. A noter le travail précis  à la machinerie de Nicolas Lourdelle.

Autant de moments remarquables avec Alberto Diaz Gutierrez au trapèze fixe, Aris Colangelo au mât chinois, Giuseppe Germini superbe fildefériste, et Andrés Mateo Castelblanco  Suarès au trapèze Washington.

Le travail de la lumière de Tristan Baudoin est à souligner car il permet de mettre en valeur la plasticité des corps, les sortant de la demi-obscurité du plateau pour nous les donner à voir surgissant, courant, se regroupant, en mouvement constant, esquissant parfois une belle chorégraphie tous avec Louise Hardouin, accompagnés par la musique d’Arthur Bison et dans les costumes signés Romane Cassard et Lilou Hérin.

Des  propositions curieuses comme ces suicidesratés avec ce bain de pied dans lequel on immerge un appareil électrique, ou cette mise autour du cou d’une corde pour se pendre ou bien encore les grands moments d’empoussiérage au cours desquels les artistes se retrouvent enfarinés et blanchis des pieds à la tête. Tout cela comme Illustration de cette référence à Albert Camus auquel la metteure en scène a emprunté le titre de sa pièce, « le cycle de l’absurde ». En effet le sens de la vie ne reste-t-il pas énigmatique cependant toujours en sursis quand nous nous mettons à agir ?  Ainsi en va-t-il des agissements que nous proposent ces artistes.

Un final particulièrement spectaculaire se déroule avec un agrès appelé « spider » spécialement conçu à cet effet par Tristan Baudouin et qui permet à six de ses camarades de propulser Erwan Tarlet dans les hauteurs grâce aux sangles qu’ils manipulent avec des poulies. Un vrai travail d’équipe pour le meilleur comme pour le pire puisque le corps à peine atteint-il le haut qu’il est rejeté en bas et ceci à maintes reprises, ce qui ne manque pas de nous paraître quelque peu cruel bien que se voulant une puissante illustration de l’interdépendance qui demeure la règle dans ce spectacle  qui signait pour ces jeunes circassiens leur sortie du CNAC  et  au vu de leur virtuosité  les promesses d’un brillant avenir.

Marie Françoise Grislin pour l’Hebdoscope

Représentation du 16 juin 2023, Le Maillon

Saison 23-24 au TNS

Ils se sont mis à deux, deux amoureux du théâtre pour présenter la nouvelle saison. L’un qui part, Stanislas Nordey , après y avoir exercé  deux mandats de directeur, l’autre qui arrive  Caroline Guiela Nguyen qui fut élève de cette Ecole et en devient la nouvelle directrice. Sa nomination s’étant longuement fait attendre la programmation a dû s’organiser selon les modalités suivantes ; première partie de saison prise en charge par Stanislas, seconde par Caroline.


Pour l’un comme pour l’autre il s’agira de conduire les spectateurs à toujours plus de découvertes, de réflexions et de plaisir.

Pour ce qui concerne les choix de Stanislas Nordey, cela débutera avec « La tendresse »   une mise en scène de Julie Berés qui a conçu, à partir d’enquêtes et avec quelques complices, une pièce très drôle qui interroge la masculinité aujourd’hui.

Ensuite pour « Oui », un court roman de Thomas Bernhard, on retrouvera Célie Pauthe à la mise en scène et Claude Duparfait au jeu.

Avec « Radiolive-La relève » on plonge dans le documentaire à partir de multiples rencontres de personnes de différentes générations venues de différents pays pour témoigner de leur vécu. C’est une œuvre réalisée par Aurélie Charon, productrice à France Culture et Amélie Bonnin, directrice artistique et réalisatrice, accompagnée en live d’une musicienne.

« Le voyage dans l’Est » est une mise en scène de Stanislas Nordey, sa dernière ici, du récit de Christine Angot qui évoque dans une langue travaillée avec précision l’inceste dont elle a été victime de la part de son père.

« Il Tartuffo » nous emmène en Italie à la rencontre du Teatro di Napoli-Teatro Nazionale pour une mise en scène  du texte de Molière traduit en italien par Carlo Repetti et mis en scène par Jean Bellorini avec « une troupe magique qui a  le sens de la comédie ,du spectacle et de la fête » nous annonce Stanislas Nordey qui ,dans un seul en scène, intitulé « Evangile de la nature » s’inspire  du « De rerum natura »  du philosophe-poète Lucrèce (97-55 av. JC), traduit par Marie Ndiaye avec la collaboration d’Alain Gluckstein et mis en scène par Christophe Perton,  un hymne à  la nature sans dieux ni maître, une invitation à aller vers les lumières de la connaissance, une manière  bien pertinente de dire aurevoir à Strasbourg.

Le mois de Janvier voit démarrer la programmation de Carolin Guiela Nguyen, avec 13 spectacles issus d’écriture contemporaines dont deux seront signés de sa main, en particulier, en mars « SAÏGON » une reprise de sa mise en scène vue ici en 2018 qui évoque dans le décor d’un restaurant vietnamien situé à Saigon en1956 et à Paris en 1996 les problème des populations forcées à l’exil en raison  de leur choix politique. Puis, en mai ce sera « Lacrima » sa première création à Strasbourg qui montre le travail exceptionnel auquel doivent se livrer les ouvrières et les ouvriers de la haute couture réalisant dans l’ombre de vrais chefs-d’œuvre.

Mais  d’autre part on  pourra voir « Le lench » d’Eva Doumbia lauréate  du Prix des Lycéens Bernard-Marie Koltès 2022 qui suit ici le parcours d’une famille malienne en province et les difficultés auxquelles sont confrontés  leurs enfants.

Dans « La chanson (reboot) » on va rencontrer dans un texte écrit et mis en scène par Tiphaine Raffier qui critique  les villes nouvelles aux architectures  faussement anciennes ,trois belles actrices  qui s’entraînent à imiter le groupe ABBA jusqu’au départ de l’une d’elle. Ainsi se dessine les contours d’une autre forme « La langue de mon père » nous introduit dans la problématique de ce que la connaissance ou l’apprentissage des langues éveillent en nous. C’est une histoire liée à celle de Sultan Ulutas Alopé,une jeune autrice et metteuse en scène  d’origine turque et kurde.

« Sans tambour » nous offre un spectacle qui tisse théâtre et musique. Ecrit et mis en scène par Samuel Achache il part de Lieder de Schumann pour nous parler d’un couple en crise.

« Great Apes of the West Coast » présente la performance de Princess Isatu Hassan Bangura, une performeuse qui , en croisant le théâtre, la danse, pose le problème de l’identité  puisque  née en Sierra Leone elle  s’est  ensuite formée en Europe .

Quête d’identité dans « Fajar  ou l’odyssée de l’homme qui rêvait d’être poète » d’Adama Diop qui a passé 20 ans au Sénégal et 20 ans en France et a conçu ce spectacle qu’il joue en compagnie de musiciens.

Avec les détenus de la Maison centrale d’Arles, Joel Pommerat a  monté « Amours (2) » à  partir de fragments de ses propres textes .

« Cosmos » Ce spectacle qui met en scène trois actrices et deux circassiennes posent le problème de la  possibilité pour les femmes d’aller dans l’espace et interroge leur passion pour ce métier d’astrophysicienne.

« Vielleicht »Titre qui signifie « Peut-être » en allemand met en cause les appellations de rue dans un quartier de Berlin où il serait question de remplacer les noms des colonisateurs par ceux de la résistance africaine, le quartier étant justement appelé « Quartier africain »

Fin mai nous aurons rendez-vous avec la metteure en scène d’origine turque Hatice Ozer , qui a conçu deux spectacles, le premier intitulé « Le chant du père » est justement sa rencontre sur scène  avec son père Yavuz Ozer qui, accompagné de son luth oriental, chante et témoigne de l’exil.

Elle signe également le dernier spectacle de la saison avec « Koudour », sa dernière création dans laquelle elle joue, entourée de musiciens, la maitresse de cérémonie au cours d’un mariage traditionnel turc dont nous serons, en quelque sorte les invités pour ce moment de fête.

Ainsi se dessinent les contours d’une autre forme de théâtre engagé dont Caroline Guiela  Nguyen précisera la ligne directrice à la rentrée de septembre.

La présentation au public en présence des artistes a lieu le 17 juin à L’Espace Grüber à 19 H sur réservation.

Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope